2006 - Carnet des droits de l'homme

Retour Les personnes handicapées ont le droit d'être des membres à part entière de la société

Point de vue

Un nouveau traité relatif aux droits de l'homme va peut être être conclu à la fin du mois. Une commission des Nations Unies se réunit pour parachever une Convention sur la protection et la promotion des droits et de la dignité des personnes handicapées. La nécessité d'un tel document se fait cruellement sentir.

 

Certes, toutes les normes reconnues en matière de droits de l'homme s'appliquent déjà aux personnes handicapées, y compris les dispositions contre toutes les formes de discrimination. Plusieurs traités tels que la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et la Charte sociale européenne révisée vont plus loin et mentionnent expressément la nécessité de mesures concrètes pour faciliter la participation active des personnes handicapées à la vie de la collectivité.

 

La nouvelle convention des Nations Unies permettra de réunir toutes ces normes dans un seul document faisant le tour de la question. Cela confortera aussi le plan d'action décennal que le Conseil de l'Europe a récemment adopté pour promouvoir les droits des personnes handicapées et leur pleine participation à la société.

 

Il est nécessaire de mettre d'urgence un terme aux discriminations contre les handicapés. Le principe simple selon lequel la société doit s'adapter aux besoins de tous n'est tout simplement pas respecté dans la réalité et l'Europe ne fait pas exception à la règle. Les plans d'urbanisme ne tiennent toujours pas compte des intérêts des personnes en fauteuil roulant dans bien des endroits. Il est arrivé que des personnes soient dans l’impossibilité de voter parce qu'il n'y avait pas de rampe d'accès aux isoloirs !

 

Les personnes sourdes et aveugles sont souvent exclues parce que l'Etat ne prend pas en charge une technologie simple de soutien. Les établissements scolaires de plusieurs pays d'Europe ne sont pas prêts à accueillir véritablement les enfants handicapés. Les efforts en vue d'un enseignement ouvert à tous ont été faits sans conviction, quand ils n'ont pas été totalement inexistants.

 

Les établissements scolaires « spécialisés » sont parfois d'une qualité inférieure et ne donnent pas les compétences nécessaires pour aller sur le marché libre du travail. Les possibilités d'emploi sont également limitées en raison de pratiques discriminatoires et de barrières concrètes sur le lieu de travail, dans les transports publics ou au domicile.

 

Les personnes handicapées mentales sont malheureusement soignées de manière scandaleuse dans certains pays. Elles sont nombreuses à être enfermées dans des institutions qui ne valent pas mieux que les prisons les plus sordides. Le personnel de ces établissements a un statut peu gratifiant, il est mal rémunéré et il n'a aucun moyen de faciliter une véritable réadaptation.

 

J'ai reçu des rapports d'organisations non gouvernementales crédibles – dont le Centre pour la défense des handicapés mentaux, à Budapest – selon lesquels des « lits cages » seraient encore utilisés dans des hôpitaux psychiatriques de certains pays d'Europe. Ces pratiques inadmissibles doivent cesser.

 

La charité ne suffit pas. Ce qu'il faut c'est la reconnaissance concrète que les personnes handicapées ont des droits de l'homme. Il faut pour cela une approche mixte, c'est à dire qu'il faut à la fois soutenir la personne et transformer la société dans son ensemble.

 

Nous devons prodiguer les soins de santé, assurer la réadaptation et fournir les moyens et le matériel nécessaires pour aider la personne à vivre aussi indépendamment que possible dans son environnement.

 

En même temps, nous devons œuvrer pour que la société devienne accessible à tous, pour que ce soit une société dans laquelle les personnes handicapées aient accès dans des conditions d'égalité à l'instruction, à l'emploi et à la protection juridique et sociale et dans laquelle chacun ait les mêmes chances de participer à la vie de la collectivité.

 

Pour y parvenir, il faudra une volonté politique et un travail systématique. Il faudrait évaluer la situation actuelle, mettre en évidence les domaines où des progrès sont réalisables et prendre des mesures énergiques pour s'attaquer aux problèmes. Le suivi et l'évaluation sont essentiels pour que le travail soit efficace et que l'on puisse relever les nouveaux défis.

 

Ce qui est très important, c'est la participation des intéressés eux mêmes, tant au niveau individuel que par l'intermédiaire de leurs associations. Le respect des différences, l'autonomie individuelle, la liberté de choix, la participation et l'inclusion devraient être les principes directeurs de ces efforts.

 

Les gouvernements européens qui considèrent que les personnes sont toutes égales en dignité et en droits devraient donner la priorité à cette question et élaborer des mesures efficaces. Cela les préparerait aussi à la nouvelle convention internationale ainsi qu'au plan d'action du Conseil de l'Europe.

 

Thomas Hammarberg

Strasbourg 07/08/2006
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