2006 - Carnet des droits de l'homme

Retour Il est grand temps de faire des droits de l'homme une réalité

Point de vue

La crédibilité des normes internationales en matière des droits de l'homme dépendra, en dernier ressort, du degré auquel elles se traduiront dans la réalité. Une énergie accrue doit être consacrée à leur mise en œuvre. Il appartient aux gouvernements d’élaborer une stratégie plus générale et systématique pour faire en sorte que se concrétisent pleinement les traités relatifs aux droits de l'homme – en particulier la Convention européenne des Droits de l'Homme et la Charte sociale révisée.

 

Je propose ci-après une liste de contrôle en dix points sur les mesures que pourrait prendre un gouvernement de bonne volonté pour assurer l’observation des droits de l'homme.

1. Ratifier les normes européennes et internationales

Le fait que tous les gouvernements européens aient ratifié la Convention européenne des Droits de l'Homme est une réalisation majeure, qui permet notamment aux citoyens des pays concernés d’introduire des requêtes devant la Cour européenne des Droits de l'Homme. Néanmoins, des lacunes considérables subsistent. Par exemple, certains Etats n’ont toujours pas ratifié le Protocole n° 12 sur l’interdiction de la discrimination ni, d’ailleurs, la Charte sociale révisée.

2. Protéger l’indépendance du judiciaire

 

On note aujourd’hui, dans certains pays, une tendance marquée à exercer des pressions politiques sur l’appareil judiciaire, tandis que la corruption des juges continue à poser un problème sérieux. Une autocritique paraît nécessaire sur les dangers qui en résultent, et des dispositions concrètes devraient être adoptées pour protéger l’indépendance du judiciaire.

3. Nommer des médiateurs et respecter leur indépendance

L’idée d’une institution quasi-judiciaire indépendante pouvant agir sur plainte de particuliers s’est révélée très utile. La plupart des pays européens sont désormais dotés de telles institutions et/ou d’instances analogues qui concentrent leur attention sur les droits de l'homme structurels. Il est crucial que l’indépendance de ces organes soit protégée par la loi. L’idée d’institutions analogues aux niveaux régional et local demande à être explorée.

4. Ouvrir la porte aux groupes non gouvernementaux

Les groupes de la société civile jouent un rôle central pour l’observation des droits de l'homme. Il conviendrait de créer des mécanismes de dialogue régulier entre les autorités et les organisations non gouvernementales compétentes dans ce domaine. Des lois devraient promouvoir et protéger ces groupes, en évitant toutefois de les entraver par une bureaucratie inutile ou des mesures pires encore.

5. Respecter la liberté des médias

Les médias peuvent suivre efficacement les problèmes relatifs aux droits de l'homme, s’ils ont la liberté de fonctionner sans ingérence. Tout gouvernement désireux d’agir sérieusement en la matière a besoin d’une politique des médias claire qui protège les journalistes et fasse en sorte que des voix différentes puissent être entendues.

6. Encourager l’étude et la prise de conscience des droits de l'homme

Tout individu est habilité à connaître ses droits. De fait, la connaissance des droits est l’une des principales conditions de leur observation. Pourtant, l’enseignement scolaire sur les droits de l'homme est encore inadéquat dans la plupart des pays, à tous les niveaux. On ressent également la nécessité de veiller à ce que des catégories professionnelles comme les policiers, les magistrats, les professeurs, les travailleurs sociaux et les journalistes aient une formation solide aux droits de l'homme, et à ce qu’un recyclage en cours d’emploi leur soit offert. En outre, des programmes sur la manière dont chacun peut faire valoir ses droits devraient s’adresser à la société dans son ensemble.

7. Préciser les responsabilités régionales et locales

Les collectivités locales ont un rôle important à jouer dans la mise en œuvre des droits de l'homme – car elles sont souvent chargées de secteurs tels que le maintien de l’ordre, l’enseignement et la sécurité sociale. L’une des faiblesses relevées dans les efforts nationaux d’application des textes a été le manque de coordination verticale entre autorités. Les pouvoirs locaux et régionaux ne comprennent pas toujours que les normes européennes et internationales sont juridiquement contraignantes pour eux. Les Plans d’action qui ont été expérimentés au niveau municipal en faveur des droits des enfants, de l’égalité des sexes, des droits des personnes handicapées et de la compréhension multiculturelle ont abouti à des résultats positifs.

8. Participer à la défense internationale des droits de l'homme

Les organes établis au sein du Conseil de l'Europe et des Nations Unies pour suivre la mise en œuvre des droits de l'homme doivent être pris au sérieux : des experts indépendants devraient y être nommés et les gouvernements devraient leur présenter des rapports réguliers et motivés. Le principe en vertu duquel nul n’est au-dessus d’une surveillance devrait être généralement admis. Nous avons également l’obligation de réagir aux violations graves commises en dehors de nos frontières. Aujourd’hui, les gouvernements européens devraient s’opposer avec plus d’énergie au génocide du Darfour et aux actes de tortures contre des étrangers commis par la CIA. La passivité face à de telles transgressions compromet la crédibilité des normes internationales.

9. Introduire les préoccupations relatives aux droits de l'homme dans le processus politique

Les préoccupations relatives aux droits de l'homme doivent rester en tête de l’ordre du jour politique. Les parlements et les assemblées locales devraient aborder les questions concernant ces droits avec les responsables de l’exécutif, qui devraient ensuite leur rendre compte de la manière dont ils les ont traitées. Lorsque des budgets sont examinés, leurs incidences sur les droits des enfants et des personnes handicapées, par exemple, devraient faire l’objet d’une évaluation

10. Elaborer un plan d’action national pour les droits de l'homme

La Conférence mondiale sur les droits de l'homme tenue à Vienne en 1993 a recommandé que les gouvernements élaborent un plan d’action national pour la protection et la promotion des droits de l'homme. Selon la recommandation, les gouvernements devraient réunir les parties prenantes essentielles afin d’engager un processus qui conduise à un plan d’ensemble couvrant toutes les questions de fond relatives aux droits de l'homme. Des objectifs et un cadre de référence cohérent devraient être définis. Dans les cas où il a été expérimenté, le plan d’action a été jugé utile, par exemple pour améliorer la protection des groupes les plus vulnérables que l’on a trop souvent tendance à oublier ou marginaliser.

De telles mesures peuvent nous rapprocher d’une mise en œuvre véritable des droits. Les nobles principes que nous défendons doivent devenir une réalité pour tous.

 

Thomas Hammarberg

Strasbourg 03/10/2006
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