2006 - Carnet des droits de l'homme

Retour Tous les pays devraient se féliciter de faire l'objet d'une procédure de contrôle

Point de vue
Un principe fondamental est en jeu au nouveau Conseil des droits de l’homme de l’ONU : celui selon lequel la situation des droits de l’homme doit faire l’objet d’une procédure de contrôle dans chaque Etat. La résolution instituant le Conseil prévoit un examen périodique universel du respect par tous les pays de leurs obligations en matière de droits de l’homme.

Si ce principe est véritablement appliqué, cela remédiera à la principale carence de la précédente Commission des droits de l’homme de l’ONU où les résolutions sur les pays donnaient lieu à des débats fortement politisés, sapant la crédibilité de l’ensemble du système.

Les Etats membres se montraient sélectifs et faisaient abstraction des principes. La plupart d’entre eux refusaient toute discussion sur leur propre situation. Les débats tournaient autour de la question de savoir si tel ou tel pays devait ou non faire l’objet d’un examen et, lorsqu’une résolution était adoptée sur un pays, cela était perçu comme une « défaite » de sa part.

Certains pays échappaient à la critique, non parce qu’ils le méritaient mais parce qu’ils avaient fait pression avec succès. C’est ainsi que la Commission n’a jamais adopté de résolution sur la Chine ou le Zimbabwe, alors que d’autres pays dépourvus de capacités de lobbying ont dû accepter un examen.

Tout cela a bien sûr entaché le travail de la Commission et entretenu l’idée que le suivi avait un caractère hostile – et non qu’il était là pour aider le pays à cerner les problèmes auxquels il devait s’attaquer. L’intention constructive des programmes en matière de droits de l’homme était ainsi occultée.

La résolution de l’Assemblée générale (60/251) a donné au Conseil un an pour mettre en place un mécanisme d’examen périodique de chaque Etat. A cet égard, le Conseil devrait tirer profit de l’expérience des précédents exercices de suivi des droits de l’homme, dont le principal enseignement est que les enquêtes et les analyses devraient de préférence être confiées à des experts indépendants. En effet, les représentants des gouvernements sont inévitablement portés à la politisation.

Ces experts doivent « être de haute moralité et posséder une compétence reconnue », selon l’expression de la Convention relative aux droits de l’enfant. Ils doivent siéger à titre individuel et ne représenter aucun gouvernement.

Au Conseil de l’Europe, cette distinction entre examens indépendants et conclusions politiques est éprouvée et fonctionne bien. Outre la Cour européenne des Droits de l’Homme, des organes de contrôle indépendants s’intéressant à la torture, aux droits sociaux, aux minorités nationales et au racisme/à la xénophobie contribuent à l’établissement des faits.

Pour leur part, les organes politiques – le Comité des Ministres, l’Assemblée parlementaire et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux – ont un rôle important : agir sur le plan politique pour que les recommandations issues des mécanismes d’experts soient respectées. C’est aussi à leur niveau que l’on délibère sur de nouvelles normes.

Au sein de l’ONU, il y a également des groupes d’experts, et notamment les comités chargés de surveiller l’application des conventions. Les Etats qui ont ratifié les traités sont tenus de rendre compte régulièrement de leur mise en œuvre, et les comités examinent leurs rapports par roulement et sans distinction.

C’est un bon système, mais son efficacité est limitée par le fait que tous les Etats n’ont pas ratifié l’ensemble des conventions clés. Ainsi, les Etats-Unis n’ont pas ratifié le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Chine s’est abstenue de ratifier le Pacte relatif aux droits civils et politiques. De ce fait, certains des problèmes les plus importants échappent au système des traités. C’est pourquoi il faut de toute urgence faire campagne en faveur d’une ratification universelle.

Il importe également de doter le système des traités des ressources nécessaires à une conduite compétente des travaux menés dans ce cadre. De plus, le moment est venu d’engager une discussion sérieuse sur la création d’un comité général unique chargé de suivre la mise en œuvre de l’ensemble des conventions. Cela nécessiterait à l’évidence une structure travaillant toute l’année à plein temps.

En plus des comités d’experts, il faudrait disposer d’instruments flexibles comme les actuels rapporteurs spéciaux et représentants spéciaux. Ce système devrait être maintenu et développé.

Pour garantir un suivi indépendant et fondé sur des principes, il est par ailleurs indispensable que le Haut-Commissaire voie son autorité renforcée. Le Conseil des droits de l’homme ne doit pas s’ingérer dans les détails de la gestion du Haut-Commissariat. Le Haut-Commissaire doit être protégé contre les pressions politiques et respecté comme une voix de la conscience.

Si ses membres sont animés d’une sincère bonne volonté, le Conseil des droits de l’homme devrait être à même d’assurer une plus grande cohérence du suivi de l’ONU – et d’agir en vue de prévenir les problèmes relatifs aux droits de l’homme.

Le Commissaire du Conseil de l’Europe est tout disposé à coopérer avec les mécanismes rénovés de l’ONU.

Thomas Hammarberg
Strasbourg 12/06/2006
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