2006 - Carnet des droits de l'homme

Retour L’Europe doit rester un espace sans peine de mort

Point de vue

L’Europe est aujourd’hui un espace sans peine de mort. Tous les membres du Conseil de l'Europe ont aboli la peine capitale en droit ou en pratique. Cette très grande avancée dans la lutte pour les droits de l'homme doit être protégée contre ceux qui préconisent le retour au temps des exécutions.

L’application de la peine de mort viole les plus fondamentaux des droits de l'homme, le droit à la vie et le droit à ne pas être soumis à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. La peine capitale n’a en effet pas sa place dans des sociétés civilisées et démocratiques régies par la prééminence du droit. Elle n’est tout simplement pas compatible avec les valeurs européennes, comme l’a réaffirmé récemment la Commission européenne en réponse aux idées exprimées par le Président polonais sur la peine capitale.

Cette position n’est pas seulement celle des organisations de droits de l'homme Les Etats membres du Conseil de l’Europe sont parvenus à un consensus concernant la peine de mort. Le Protocole n° 6 à la Convention européenne des Droits de l'Homme, qui abolit la peine de mort en temps de paix, a été ratifié par tous les Etats membres du Conseil de l'Europe à l’exception d’un seul (voir note). Le Protocole n° 13 à la Convention européenne des Droits de l'Homme, qui concerne l’abolition de la peine de mort en temps de guerre et en temps de paix, a été signé par 44 des 46 Etats membres et ratifié par 36 (voir note).

La deuxième phrase de l’article 2 paragraphe 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme envisage encore la peine de mort (« la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. »). Les deux protocoles et le large soutien dont ils bénéficient m’amènent à penser que cette phrase est devenue superflue, ce que vient corroborer le fait que l’abolition de la peine de mort est une condition préalable à l’adhésion au Conseil de l'Europe. Nous pouvons dire sans ambiguïté que sur notre continent, la mort n’est plus acceptée comme sanction.

Cette tendance à l’abolition ne se limite pas à l’Europe. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe fait campagne pour l’abolition de la peine de mort au Japon et aux Etats-Unis, ces deux pays ayant le statut d’observateur auprès de l’Organisation. Les gouvernements européens militent, avec un certain succès, pour l’abolition universelle au sein des Nations Unies et sur le plan bilatéral. Plus de la moitié des pays de la planète ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique.

Toutefois, les chiffres globaux concernant la peine de mort restent inquiétants. Selon Amnesty International, en 2005, au moins 2 148 personnes ont été exécutées dans 22 pays et 5 186 condamnées à mort dans 53 pays. Les chiffres réels sont certainement plus élevés car il est difficile d’obtenir des statistiques nationales officielles. Cette même année, 94 % de la totalité des exécutions avérées ont eu lieu en Chine, en Iran, en Arabie Saoudite et aux Etats-Unis. Les études scientifiques n’ont pas réussi à prouver de manière convaincante que la peine de mort a un effet plus dissuasif que d’autres peines sur la criminalité. On ne constate pas d’augmentation du nombre des crimes violents dans les pays abolitionnistes.

La quatrième Journée mondiale contre la peine de mort aura lieu le 10 octobre 2006. Le thème de cette journée, « La peine de mort : les échecs de la justice » mettra en évidence les carences des systèmes qui appliquent la peine capitale, comme les préjugés raciaux et de classe. Tant que la peine de mort sera maintenue, le risque d’exécuter un innocent existera toujours.

Rappelons-nous qu’aucun système juridique n’est infaillible. Depuis 1973, plus de 120 personnes détenues dans les couloirs de la mort aux Etats-Unis ont été libérées, preuve faite de leur innocence. D’après des études menées dans ce pays, des innocents ont été condamnés à mort et exécutés. Une fois appliquée, la peine de mort est irréversible.

Il reste encore beaucoup à faire pour sensibiliser et informer le public sur cette question. Il faut en particulier mener des activités éducatives et de sensibilisation contre le recours à la peine de mort, particulièrement auprès des médias et de l’opinion publique. Nous devons démontrer que l’abolition de la peine de mort contribue à renforcer la dignité humaine et à conforter l’expansion progressive des droits de l'homme.

Thomas Hammarberg

NoteLa Fédération de Russie a signé le Protocole n°6 mais ne l’a pas encore ratifié bien qu’elle respecte le moratoire sur les exécutions qu’elle a introduit en 1996 Les deux pays qui n’ont pas signé le Protocole n° 13 sont la Fédération de Russie et l’Azerbaïdjan. Les pays qui ont signé mais qui n’ont pas encore ratifié le Protocole 13 sont les suivants : Albanie, Arménie, France, Italie, Lettonie, Moldova, Pologne et Espagne.

Strasbourg 21/08/2006
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