2006 - Carnet des droits de l'homme

Retour Les médiateurs sont les principaux défenseurs des droits de l'homme – leur indépendance doit être respectée

Point de vue

L’application des droits de l'homme est une question de volonté politique : il ne suffit pas d’approuver les normes européennes et internationales ; il faut aussi faire en sorte qu’elles deviennent réalité aux niveaux national, régional ou local. Outre l’action des tribunaux, les autorités doivent promouvoir et protéger un mécanisme extrajudiciaire assurant un contrôle indépendant. Dans plusieurs pays, les médiateurs ont déjà obtenu des résultats notables lorsque leur intégrité était respectée par le pouvoir en place.
 

Sans battage médiatique, une évolution importante a cependant eu lieu en Europe ces dernières années. L’idée du médiateur s’est développée. Aujourd’hui, la plupart des pays disposent d’une telle institution. Le médiateur tire son autorité personnelle de son élection par le parlement ou de sa nomination par le gouvernement ou le chef de l’Etat.

D’un pays à l’autre, cette institution présente une grande diversité, notamment en termes de dénomination et de mandat. Certains médiateurs mettent l’accent sur la violation des droits civils des citoyens, d’autres sur les cas de maladministration. D’aucuns sont mandatés pour recevoir les plaintes individuelles et peuvent être habilités à servir d’intermédiaire dans des relations avec les autorités. Certains d’entre eux peuvent saisir les tribunaux.

 

Outre les Bureaux nationaux de médiateurs au niveau national, il en existe à l’échelon régional dans certains grands pays comme la Russie, l’Espagne et l’Italie. Certains Etats ont aussi des médiateurs spécialisés. Plus de la moitié des pays d’Europe ont à présent, par exemple, un médiateur pour enfants.

Des Bureaux similaires ont également été instaurés dans un certain nombre de pays pour prévenir les actes de discrimination raciale et de xénophobie. L’égalité entre les sexes, les droits des personnes handicapées et les conditions de vie dans les établissements pénitentiaires sont d’autres domaines couverts par ces mécanismes spécialisés.

Ces différents modèles reflètent des contextes nationaux spécifiques et il ne serait pas judicieux d’essayer de simplifier le concept et d’exhorter les pays à adopter un modèle unique. Il y a, toutefois, certains enseignements généraux qui peuvent être tirés des expériences menées jusqu’à présent.

L’une de ces leçons est l’importance majeure de l’indépendance. Le médiateur doit être au-dessus de toute politique partisane et n’accepter d’instructions de personne. Il ou elle doit être en mesure d’écouter les plaignants avec impartialité et le public doit pouvoir constater qu’il ou elle agit bien ainsi.

C’est un élément essentiel des Principes de Paris adoptés il y a quinze ans à l’occasion d’une rencontre internationale et approuvés ultérieurement par l'Assemblée générale des Nations Unies ainsi que par le Conseil de l'Europe. Ces principes guident également le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe dans sa coopération avec les médiateurs nationaux.

Le principe d’indépendance doit être garanti par la loi et orienter la façon dont les titulaires du poste sont nommés. Les gouvernements doivent respecter l’intégrité des médiateurs car, s’ils ne le font pas, ils empêchent les médiateurs d’exercer pleinement leur mission.

Les médiateurs doivent être libres d’examiner toute question relevant de leur compétence sans avoir à demander l’approbation des autorités. Il est essentiel qu’ils puissent entendre n’importe quelle personne et recueillir toute information utile.

Il importe de souligner que le Bureau du médiateur doit disposer de ressources financières adéquates pour lui permettre, selon les Principes de Paris, « d’être autonome vis-à-vis de l’Etat et n’être soumis qu’à un contrôle financier respectant son indépendance ».

Des ressources sont nécessaires pour garantir un traitement gratuit, rapide et efficace de toutes les plaintes, n’exigeant qu’un minimum de formalités. C’est essentiel pour la crédibilité de l’institution. Les médiateurs doivent pouvoir établir le contact avec le grand public, être bien connus de lui et faciles d’approche. Cette conception de leur mission exige des fonds pour ouvrir aussi des Bureaux en dehors des grandes agglomérations.

Les médiateurs doivent connaître les normes internationales et européennes en matière des droits de l’homme et savoir comment les appliquer. La connaissance des pratiques mises en œuvre par leurs homologues dans d’autres pays est également utile. Des échanges à cette fin nécessitent une certaine organisation au niveau international. Le médiateur européen et les groupements internationaux de médiateurs, comme les instituts international et européen de l’Ombudsman, ont un rôle majeur à jouer en la matière.

En ma qualité de Commissaire aux droits de l'homme auprès du Conseil de l'Europe, je m’attache à renforcer la coopération avec les médiateurs et leurs réseaux. J’entends défendre l’institution du médiateur et favoriser son développement. Je ferai ce qui est en mon pouvoir pour contribuer à créer une situation en Europe où tous les Etats membres disposent d’une institution de médiateur ou d’un mécanisme similaire, caractérisé par son indépendance et son bon fonctionnement et doté de ressources financières adéquates. Je considère ces médiateurs comme des partenaires essentiels dans la lutte que nous menons pour que les normes européennes en matière de droits de l'homme deviennent réalité.

Thomas Hammarberg

Strasbourg 18/09/2006
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