2006 - Carnet des droits de l'homme

Retour Il faut soutenir les personnes séropositives et non pas les stigmatiser

Point de vue

Il faut prendre de nouvelles mesures contre la pandémie de VIH/sida en Europe. La situation apocalyptique que connaissent certains pays d'Afrique et d'Asie est au centre des préoccupations internationales, mais le virus se propage rapidement dans plusieurs Etats européens aussi, notamment en Russie, en Ukraine, en Estonie et en Moldova. Cette maladie a engendré une grave crise de santé publique et crée, en matière de droits de l'homme, des problèmes qui requièrent une action d'urgence.

L'Onusida, agence qui coordonne le programme des Nations Unies contre la pandémie, estime que 940 000 personnes sont porteuses du virus en Russie et 410 000 en Ukraine. En Europe occidentale, les plus forts pourcentages ont été enregistrés en Espagne, en Italie, en France, en Suisse et au Portugal.

Le VIH/sida modifie les données démographiques dans tous les pays affectés. Etant donné que c'est le groupe d'âge des 15-30 ans qui est le plus touché, le VIH/sida a des répercussions considérables sur les taux de natalité, tandis qu'en Russie et en Ukraine, par exemple, la maladie a tendance à devenir un obstacle à la croissance économique.

Nombre de personnes atteintes voient l'exercice de leurs droits menacé. L'ignorance concernant le mode de transmission de la maladie engendre des préjugés qui, à leur tour, stigmatisent ou marginalisent ceux qui sont porteurs du virus.

 

Il faut lutter contre une telle discrimination et les gouvernements devraient s'efforcer de coopérer avec les groupes d'entraide non gouvernementaux, en particulier avec ceux créés par les personnes séropositives elles-mêmes et leur famille.

Une grande partie de la population touchée ne bénéficie pas du traitement antirétroviral ou du soutien psychologique nécessaire. En outre, les personnes séropositives sont souvent victimes de discrimination dans les secteurs de l'aide médicale, de l'éducation, ainsi que sur le marché du travail.

Les enfants nés de mères séropositives, dont le nombre est en augmentation, représentent un groupe particulièrement vulnérable. Certains d'entre eux peuvent eux-mêmes être infectés, d'autres risquent de devenir orphelin ; tous ont droit à un soutien spécial.

La prévention est incontestablement une priorité absolue. Les recherches visant à trouver un vaccin efficace risquent de ne donner aucun résultat pendant encore de nombreuses années. Toutefois, les gouvernements qui ont investi dans des méthodes de prévention disponibles ont obtenu des résultats encourageants.

Tout d'abord, et c'est le plus important, les gouvernements doivent reconnaître ouvertement l'ampleur du problème. Jusqu'à une date récente, le VIH/sida ne figurait pas au premier rang des préoccupations gouvernementales ; en Russie et en Ukraine, par exemple, les crédits consacrés tant à la prévention qu'au traitement étaient maigres. Les mentalités évoluent à présent et, en Russie, les autorités admettent que le taux actuel de contamination est peut-être quatre fois plus élevé que le taux officiellement déclaré.

Là où l'on a pris l'initiative d'en organiser, les campagnes systématiques d'information sur les pratiques sexuelles sans risque conjuguées à la mise à disposition de préservatifs ont eu des effets positifs. Malheureusement, les chefs religieux n'ont pas partout soutenu ces notables efforts.

Une partie de la stratégie doit être axée sur les groupes à risque :

• la consommation de drogue par injection reste un facteur clé du développement de la pandémie en Russie comme en Ukraine, de même qu'en Estonie et en Moldova. En Ukraine, plus de 45 % des nouvelles infections signalées cette année concernent des toxicomanes par injection et en Moldova, jusqu'à 84 % des consommateurs de drogue par injection déclarés ont contracté le virus ;
• la prostitution, souvent combinée à la toxicomanie, est manifestement dangereuse. A Kyiv, 8 % des femmes amenées à se prostituer ont été déclarées séropositives en 2005 ;
• les détenus aussi ont tendance à avoir un taux d'infection plus élevé que les autres. On estime qu'en Russie, la prévalence du VIH dans les établissements pénitentiaires est quatre fois supérieure à la moyenne. En Estonie, une nouvelle infection sur six se produit en prison.

Selon les estimations, la majorité des personnes porteuses du virus aujourd'hui l'ignorent et ne peuvent donc pas faire en sorte d'éviter de contaminer les autres. Il faut promouvoir le dépistage sanguin et apporter un soutien aux personnes dont la séropositivité est révélée par l'analyse de sang.

Des mesures globales de prévention peuvent empêcher la maladie de se propager davantage. Il faut mettre en place des plans nationaux d'action efficaces s'appuyant sur de vastes programmes dynamiques de sensibilisation et d'éducation. Il est capital que les gouvernements prennent des mesures vigoureuses contre le trafic illicite de drogue et la traite des êtres humains.

La tâche qui nous attend est lourde. Bien que la Russie, l'Ukraine, l'Estonie et la Moldova traversent une crise particulièrement grave, d'autres pays européens sont aussi affectés par le VIH/sida.

Comme le virus, par sa nature même, se propage au-delà des frontières, tous les citoyens du monde doivent se préoccuper de cette pandémie ; nous, Européens, ne faisons pas exception.

Thomas Hammarberg

 

Strasbourg 01/12/2006
  • Diminuer la taille du texte
  • Augmenter la taille du texte
  • Imprimer la page