Retour Espagne : la législation et la pratique en matière d’immigration et d’asile doivent respecter les normes des droits de l'homme

Visite en Espagne
Madrid 16/01/2015
  • Diminuer la taille du texte
  • Augmenter la taille du texte
  • Imprimer la page
  • Imprimer en PDF
Le Commissaire à Melilla, Espagne

Le Commissaire à Melilla, Espagne

« En Espagne sont actuellement examinées des propositions de modifications de la loi relative aux étrangers, qui visent à légaliser le renvoi des migrants qui arrivent à Ceuta et à Melilla ; ces propositions sont clairement en contradiction avec les normes des droits de l'homme. Les autorités espagnoles devraient les reconsidérer et veiller à ce que tout futur texte législatif soit pleinement conforme aux obligations internationales de l’Espagne, qui consistent notamment à garantir le plein accès à une procédure d’asile effective, à apporter une protection contre le refoulement et à ne pas procéder à des expulsions collectives », a déclaré aujourd'hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, à l’issue d’une visite à Melilla et à Madrid, entamée le 13 janvier.

Le Commissaire a rappelé que les Etats ne doivent jamais déroger à ces garanties fondamentales en matière de droits de l'homme, quelles que soient les difficultés que la gestion des flux migratoires peut poser dans certains contextes. « Les migrations sont indéniablement une question complexe, qui requiert une réponse européenne concertée, mais cela n’exonère pas les Etats de leurs obligations. L’Espagne a certes le droit d’établir ses propres politiques d’immigration et de contrôle des frontières, mais elle doit aussi respecter ses obligations en matière de droits de l'homme, et en particulier celles qui lui incombent au titre de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. »

Au cours de sa visite à Melilla, le Commissaire a reçu des informations cohérentes faisant état de refoulements, parfois accompagnés d’un recours excessif à la force par les gardes-frontières espagnols (Guardia Civil). « Les refoulements doivent cesser et devraient être remplacés par une pratique qui concilie le contrôle des frontières et les droits de l'homme. Ce n’est pas mission impossible, car les flux migratoires à Melilla restent actuellement à un niveau gérable. Tout recours excessif à la force par des membres des forces de l’ordre doit donner lieu à une enquête complète et effective, et les personnes dont la responsabilité a été établie doivent être sanctionnées de manière adéquate. »

Le Commissaire salue la création, en novembre 2014, d’un bureau chargé des questions d’asile, situé à l’un des points de passage entre Melilla et le Maroc, qui permet aux personnes ayant besoin de protection d’entrer en Espagne dans de meilleures conditions de sécurité. « Cela est particulièrement vrai pour les personnes qui fuient le conflit syrien, et qui sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses à utiliser cette nouvelle possibilité. Cependant, pour les autres personnes, notamment celles qui sont originaires d’Afrique sub-saharienne, qui peuvent aussi avoir de bonnes raisons de demander une protection, cette possibilité reste hors d’atteinte et elles doivent prendre de grands risques pour entrer dans la ville, y compris escalader les grillages qui l’entourent. J’appelle les autorités espagnoles à renforcer le système d’asile à Melilla, de manière à ce que toutes les personnes ayant besoin de protection puissent entrer sur le territoire espagnol en toute sécurité et soumettre leurs demandes. » Face à l’augmentation rapide du nombre de demandes d’asile, le Commissaire invite instamment les autorités espagnoles à mobiliser les ressources humaines et matérielles nécessaires, y compris des effectifs suffisants de policiers dûment formés, d’avocats et d’interprètes.

Le Commissaire salue également la présence sur le terrain du HCR à Melilla depuis juillet 2014 et sa bonne coopération avec les autorités. Il recommande toutefois d’adopter d’urgence des mesures visant à améliorer les conditions d’accueil à Melilla, en particulier dans le centre d'hébergement temporaire pour migrants (CETI). « Le centre est surpeuplé depuis longtemps et, lors de ma visite, il hébergeait 2 000 migrants (soit quatre fois sa capacité d’accueil théorique), dont 20 % étaient des enfants. »

Malgré les efforts louables déployés par le directeur et le personnel, ce dispositif est visiblement inadéquat ; en particulier, il n’est pas adapté aux besoins des enfants, des femmes et des autres personnes appartenant à des groupes vulnérables. « Les autorités devraient remédier à cette situation de toute urgence, y compris en renforçant l’infrastructure et en y affectant du personnel supplémentaire, des avocats et des interprètes, pour expliquer aux migrants quels sont leurs droits, dans une langue qu’ils comprennent. De plus, le personnel en contact avec les migrants devrait être mieux préparé à identifier et à aider les personnes vulnérables ayant besoin de protection, en particulier les victimes de la traite. »

En outre, le Commissaire appelle les autorités à établir des règles claires et transparentes applicables aux transferts de demandeurs d'asile de Melilla vers le continent, et de rationaliser ces transferts, pour réduire le surpeuplement, mais aussi l’incertitude des migrants, qui ne savent souvent pas ce qu’il adviendra d’eux.