Retour Slovaquie : les Roms, les personnes LGBTI et les personnes handicapées ont besoin d’une protection accrue

Rapport de visite
Slovaquie : les Roms, les personnes LGBTI et les personnes handicapées ont besoin d’une protection accrue

« La Slovaquie doit intensifier ses efforts destinés à combattre et éradiquer la discrimination en droit et en pratique, et prendre des mesures effectives pour améliorer la protection des Roms, des personnes handicapées et des personnes LGBTI », a déclaré aujourd'hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, en rendant public un rapport sur sa visite de juin dernier en Slovaquie.

Quoique complet, le cadre dont la Slovaquie s’est dotée en matière de lutte contre la discrimination ne garantit pas le même niveau de protection à tous les groupes sociaux vulnérables. Il faut le réformer pour combler l’ensemble de ses lacunes. A cet égard, l’adoption récente de la première stratégie nationale en faveur des droits de l'homme est une étape importante vers la définition d’une approche cohérente et transversale. Le Commissaire salue les efforts déployés pour systématiser la mise en œuvre des droits de l'homme – et le suivi de la situation des droits de l'homme – au moyen de cette stratégie, dont la réussite dépend aussi de la pertinence des plans d’action sectoriels et de leur application effective, notamment au niveau local. De plus, le Commissaire exhorte la Slovaquie à veiller à ce que le Médiateur et le Centre national des droits de l'homme disposent du soutien et des ressources nécessaires pour remplir efficacement leurs missions.

Le Commissaire Muižnieks reste très préoccupé par la persistance de manifestations d’antitsiganisme et de discours de haine, et par les cas de recours excessif à la force par la police lors d’opérations menées dans des campements roms. Les autorités sous-estiment apparemment la fréquence et les conséquences des infractions inspirées par la haine, y compris des violences policières à motivation raciale, dont les Roms sont victimes. Des efforts supplémentaires et plus résolus sont nécessaires pour condamner ces agissements, mener des enquêtes effectives et sanctionner les coupables. Il faut aussi s’employer en priorité à mettre fin au placement des enfants roms dans des écoles spéciales et à la ségrégation spatiale des Roms, et à améliorer leurs conditions de logement. Les initiatives législatives récentes visant à régulariser les constructions informelles devraient s’accompagner de mesures destinées à éviter que des personnes puissent être expulsées sans qu’une solution de relogement adaptée leur soit proposée. « J’exhorte la Slovaquie à redoubler d’efforts pour protéger les droits de l'homme des Roms et favoriser leur intégration sociale, conformément aux normes du Conseil de l'Europe. Dans ce contexte, je recommande vivement la création d’un mécanisme indépendant et efficace, chargé de traiter les plaintes dirigées contre tous les services répressifs ; l’objectif est de lutter contre les violences policières à motivation raciale et de faire traduire en justice les auteurs de toutes les violations des droits de l'homme. »

Concernant les personnes handicapées, le Commissaire Muižnieks se réjouit de la réforme en cours visant à interdire, à compter de juillet 2016, l’incapacité juridique totale des personnes présentant des déficiences psychosociales ou intellectuelles. Les autorités devraient mener ce processus à terme et établir un mécanisme souple d’aide à la prise de décisions, fondé sur le consentement individuel ; elles devraient aussi mettre en place les garanties judiciaires nécessaires pour que les personnes sous tutelle puissent contester cette mesure. Par ailleurs, le Commissaire reste préoccupé par la lenteur du processus de désinstitutionalisation et par la transformation des institutions traditionnelles en structures plus petites. « Pour commencer, les autorités devraient s’abstenir de placer d’autres personnes handicapées en institution. Il faudrait éviter d’ouvrir de nouvelles institutions, même de taille réduite. Les ressources destinées aux institutions devraient être redéployées vers des services d’accompagnement personnalisé », a déclaré le Commissaire, qui a aussi souligné la nécessité de développer les possibilités de scolarisation en milieu ordinaire des enfants ayant des déficiences physiques ou sensorielles.

Il est très inquiétant de constater la persistance de discours de haine et de propos hostiles aux personnes gays tenus en public, malgré le renforcement du cadre politique et institutionnel. Il faut combattre ces phénomènes en prenant des mesures effectives, notamment en faisant en sorte que la législation interne contre le discours de haine permette aussi de lutter contre les propos qui stigmatisent des personnes en raison de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leurs caractéristiques sexuelles. Les dispositions du Code pénal établissant comme circonstance aggravante la haine fondée sur l’origine ethnique, la race, la couleur de peau et l’orientation sexuelle devraient être étendues pour viser également les infractions motivées par la transphobie. Les membres des forces de l’ordre devraient être en mesure de détecter ces infractions et de mener des enquêtes effectives. « Les infractions motivées par la haine, y compris le discours de haine, ont des effets profondément destructeurs sur les victimes, mais aussi sur la société tout entière ; les autorités devraient donc veiller à ce qu’elles donnent lieu à des enquêtes effectives et à des sanctions. Cela permettrait d’affirmer avec force que les infractions motivées par la haine n’ont pas leur place dans une société démocratique. » De plus, compte tenu de la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l'homme, le Commissaire encourage la Slovaquie à accorder une reconnaissance juridique aux couples de même sexe pour leur permettre de résoudre les problèmes pratiques liés à la réalité sociale dans laquelle ils vivent.

Enfin, le Commissaire appelle les autorités à promouvoir et respecter pleinement les droits des personnes transgenres et intersexes, y compris des enfants intersexes. Il faudrait veiller tout particulièrement à éviter que la reconnaissance officielle d’un changement d’identité soit assortie de l’obligation de subir des traitements médicaux et de renoncer au mariage. La Slovaquie est notamment invitée à mettre en place des garanties solides et explicites permettant de protéger les enfants intersexes contre les interventions chirurgicales inutiles destinées à leur attribuer un sexe sans leur consentement libre et éclairé.

Strasbourg 13/10/2015
  • Diminuer la taille du texte
  • Augmenter la taille du texte
  • Imprimer la page