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Le Monténégro devrait saisir ce moment opportun pour renforcer la protection des droits humains

« Le Monténégro devrait profiter des opportunités offertes par les perspectives d'une plus grande intégration européenne pour renforcer son cadre juridique régissant les droits humains et assurer sa pleine mise en œuvre », a déclaré la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović, à l'issue de sa visite au Monténégro du 18 au 21 mars 2024, axée sur la cohésion sociale, la lutte contre le discours de haine et la discrimination, et le respect de la liberté d'expression.

Ayant constaté la polarisation croissante de la société monténégrine et les tentatives de certains de porter atteinte à la diversité et au multiculturalisme, la Commissaire était satisfaite de recevoir de la part des autorités l'assurance que celles-ci sont prêtes à protéger ces valeurs et à faire progresser la protection des droits humains. Elle les a encouragées à avancer  sur toute une série de sujets liés aux droits humains et pour lesquels le pays a pris des engagements et adopté des stratégies. En particulier, la Commissaire a appelé à l'adoption rapide de plusieurs lois, dont la loi concernant les médias, la loi sur la protection de l'égalité et l'interdiction de la discrimination, et la loi sur la reconnaissance juridique du genre sur la base de l'autodétermination, en veillant à ce qu'elles soient pleinement conformes aux normes pertinentes en matière de droits humains.

Lors de ses rencontres avec les responsables politiques, la Commissaire a souligné l'importance de se confronter au passé violent lié aux guerres dans les années 1990 afin de rendre justice aux victimes, de protéger la vérité et de construire des sociétés fondées sur le respect des droits humains et de l'État de droit.  « En s'appuyant sur les récents exemples positifs de commémoration par certains officiels et dirigeants politiques monténégrins, les autorités devraient poursuivre leurs efforts en faveur d'une commémoration inclusive des crimes de guerre et de l'éducation des jeunes générations dans un esprit d'inclusion et de respect de l'autre », a déclaré la Commissaire. Elle a également appelé à l'adoption d'une législation garantissant des réparations à toutes les victimes civiles de crimes de guerre, sans discrimination. Au cours de sa visite, la Commissaire a vu et a été profondément émue par la pièce ‘671-Hunt’ (671-LOV), programmée au Théâtre national du Monténégro, qui rend hommage aux 20 victimes du crime de guerre commis à Štrpci en 1993. Cela a renforcé sa conviction que les jeunes sont au cœur de la construction d'un avenir meilleur dans la région.

En ce qui concerne la cohésion sociale au sens plus large, la Commissaire a invité les autorités monténégrines à prendre des mesures pour lutter contre la polarisation de la société et encourager le respect mutuel dans l'échange d'opinions. Elle a été informée d'une montée inquiétante des discours intolérants et haineux, notamment en ligne. Ce phénomène accentue les divisions ethniques, religieuses et politiques et affecte de manière négative plusieurs groupes sociaux, notamment les Roms, les personnes LGBTI et les femmes occupant des fonctions publiques. « Les discours de haine sexistes et misogynes à l'encontre des femmes politiques, des journalistes et des militantes des droits humains portent atteinte à l'égalité de genre. Les autorités devraient faire preuve d'une tolérance zéro à cet égard et prendre des mesures pour prévenir et combattre ces discours sexistes", a déclaré la Commissaire. Soulignant le rôle important des femmes monténégrines dans la société, elle a également appelé les autorités à assurer une participation politique accrue des femmes. Les autorités devraient également intensifier leurs efforts pour remédier aux conditions de vie difficiles des Roms au Monténégro et à la discrimination dont ils font l'objet dans la société.

La Commissaire a appelé à l'enregistrement systématique de données ventilées sur les cas de discours et de crimes de haine, ce qui aiderait à concevoir des politiques ciblées pour renforcer la cohésion sociale tout en protégeant la diversité. « La condamnation ferme par les autorités des crimes et des discours de haine serait une autre étape clé dans cette démarche", a déclaré la Commissaire. « Je salue l'appel lancé par le Président du Monténégro en faveur du rétablissement de l'éducation civique en tant que thème obligatoire dans les écoles, fortement soutenu par les organisations de la société civile. Cela serait très utile pour que les enfants puissent apprendre le respect et la tolérance dans une société multiculturelle, multiethnique et plurielle ». La Commissaire s'est également réjouie de l'excellente coopération entre le Conseil de l'Europe et les autorités dans de nombreux domaines, y compris dans la mise en œuvre de projets visant à lutter contre le discours de haine et la discrimination.

En ce qui concerne la liberté d'expression et la liberté des médias, la Commissaire a trouvé encourageant qu’une diminution des actes de violence physique à l'encontre des journalistes soit rapportée ces derniers temps. Elle a toutefois souligné l'importance de veiller à ce que tous les cas de violence et d'intimidation de journalistes, et en particulier le meurtre du journaliste Duško Jovanović, fassent l'objet d'une enquête effective et que les auteurs soient traduits en justice. La Commissaire est préoccupée par le recours croissant aux poursuites stratégiques contre la participation publique (SLAPP ou procédure bâillon). Les autorités devraient prendre des mesures concrètes pour empêcher les poursuites vexatoires contre les journalistes, les défenseurs des droits humains, les écrivains et les militants, en s'appuyant sur les normes du Conseil de l'Europe et d'autres normes pertinentes, car ces plaintes ont un effet profondément dissuasif. « Je me félicite de l'appel lancé récemment par le Ministre de la Culture et des Médias à tous les responsables monténégrins pour qu'ils créent un environnement propice à un journalisme libre et indépendant pour tous les médias et journalistes », a déclaré la Commissaire. « Ayant reçu des informations sur des intimidations à l'encontre d'universitaires, d'écrivains et de militants, tels que Boban Batrićević et Andrej Nikolaidis, je réitère que, dans une société libre et démocratique, il est impératif que la liberté d'expression de tous les acteurs de la société civile soit pleinement respectée ».

La polarisation de longue date dans le secteur des médias, un environnement médiatique en ligne non réglementé qui permet la propagation de la désinformation, l'absence d'autorégulation efficace des médias et une éducation aux médias insuffisante sont des questions qui requièrent une attention urgente de la part des autorités et des acteurs des médias. La non-application des décisions des tribunaux nationaux concernant la nomination du directeur de la radio-télévision du Monténégro (RTCG) soulève des questions quant au respect de l'État de droit, qui doivent également être traitées de toute urgence.

Enfin, la Commissaire a souligné l'importance d'une bonne coopération entre les autorités et la société civile, rappelant le devoir d'assurer un environnement de travail favorable aux défenseurs des droits humains. L'implication des organisations de la société civile dans les groupes de travail mis en place pour élaborer la législation est un exemple de bonne pratique. La Commissaire a salué la contribution du Protecteur des droits humains et des libertés (institution du médiateur) au renforcement de la protection des droits humains dans le pays. Elle a souligné que les autorités devraient entreprendre d'urgence, en consultation avec le Protecteur, une révision de la loi régissant le travail de l'institution, afin de garantir qu'elle fonctionne en pleine conformité avec les Principes de Paris des Nations Unies et qu'elle puisse être accréditée avec un statut ‘A’ par l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme des Nations Unies. 

Au cours de sa visite, la Commissaire a rencontré le Président du Monténégro Jakov Milatović, le Premier ministre Milojko Spajić, le Ministre des Affaires étrangères Filip Ivanović, le Ministre de la Justice Andrej Milović et le Ministre des Droits humains et des minorités Fatmir Gjeka. Elle a également rencontré le Protecteur des droits humains et des libertés Siniša Bjeković, ainsi que des organisations de la société civile et des journalistes. La Commissaire a également visité l'exposition ‘Histoires de Srebrenica’ ("Priče iz Srebrenice") au Centre de documentation sur les crimes de guerre de Podgorica, organisée en coopération avec le Centre commémoratif de Srebrenica.

Strasbourg 22/03/2024
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