« J’ai constaté avec satisfaction que les réformes du secteur de la justice s’étaient traduites par plusieurs réalisations positives, notamment dans le domaine de la justice des mineurs. La diminution globale du recours à la détention provisoire est également encourageante, bien que son utilisation reste problématique dans certains cas », a déclaré le Commissaire à l’issue de la visite qu’il a effectuée en Géorgie du 9 au 13 novembre 2015 et durant laquelle il a examiné les suites données à son rapport de mai 2014.
Malgré un renforcement du contrôle judiciaire, le recours au « plaider-coupable » reste préoccupant dans certains cas. Afin de garantir pleinement l’indépendance de la justice, il faudrait veiller à ce que les procédures de sélection, de nomination et de mutation des juges soient transparentes et fondées sur le mérite et sur des critères précis. Les juges devraient être mieux protégés contre les ingérences internes et externes, notamment dans les affaires très médiatisées. L’instauration d’une procédure de répartition aléatoire des affaires entre les juges constituerait un progrès important en la matière. L’existence d’une période probatoire pour les juges et le manque de transparence des procédures disciplinaires restent des motifs de préoccupation, car cela rend les juges vulnérables aux pressions et risque de saper la confiance de la population à l’égard du système.
Si les modifications récentes de la loi sur le ministère public améliorent à certains égards les procédures de sélection, de nomination et de révocation du procureur général, des mesures plus énergiques seraient cependant nécessaires pour garantir l’indépendance et l’impartialité des procureurs, en vue de prévenir les ingérences politiques indues dans leur travail. Il est indispensable de renforcer les compétences et les capacités des procureurs pour que les allégations de violations des droits de l'homme fassent l’objet d’enquêtes effectives et pour que la transparence de ces enquêtes soit améliorée.
Le Commissaire est préoccupé par des cas graves de mauvais traitements infligés par la police, dont le cas de M. Giorgi Mdinaradze, un avocat qui a été frappé par plusieurs policiers dans un commissariat de Tbilissi le 8 novembre. Il est également alarmant que des rapports fassent état d’abus répétés commis par des membres des forces de l’ordre au poste de police de Kobuleti. « Les autorités géorgiennes devraient veiller à ce que ces affaires donnent lieu à des enquêtes effectives, de manière à ce que les responsables soient dûment sanctionnés. »
La mise en œuvre effective de la législation antidiscrimination implique que le secteur public et le secteur privé respectent ses exigences et qu’un délai suffisant soit prévu pour adresser des plaintes aux tribunaux. Le Commissaire juge encourageant que des projets visent à renforcer le rôle de l’Ombudsman dans la lutte contre la discrimination et que des lignes directrices adressées aux procureurs soient consacrées aux enquêtes sur les crimes motivés par la haine. Le Commissaire salue l’intention exprimée par le ministère public de contester en appel l’acquittement des personnes accusées d’avoir commis des actes de violence lors du rassemblement organisé le 17 mai 2013 à Tbilissi, à l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie.
Le Commissaire est préoccupé par certains cas d’intolérance envers des membres de la communauté musulmane, comme ceux qui se sont produits à Mokhe et à Kobuleti en 2014. De plus, des incidents antérieurs qui visaient des minorités religieuses n’auraient pas fait l’objet d’enquêtes effectives. « Il faudrait se garder de mettre en place des obstacles artificiels qui entravent l’accès des minorités religieuses à des lieux de culte suffisants. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour que les membres de la communauté rom et de la population meskhète soient effectivement intégrés dans la société et puissent avoir accès à leurs droits fondamentaux. »
A Batoumi, le Commissaire a visité un campement semi-officiel, situé à la périphérie de la ville et appelé la « ville de rêve », où habitent 900 familles qui ont quitté les zones montagneuses d’Adjarie en raison de la pauvreté et des catastrophes naturelles. Elles vivent dans des conditions très précaires, sans eau courante ni égouts, et sont privées d’assistance sociale et de soins médicaux adéquats. « Les autorités devraient prendre des mesures effectives pour satisfaire les besoins élémentaires de ces personnes et trouver des solutions durables qui leur permettent d’atteindre un niveau de vie suffisant. »
Enfin, le Commissaire s’est rendu sur la ligne de démarcation administrative avec l’Ossétie du Sud, près du village d’Odzisi. Il a eu l’occasion de discuter de la situation des droits de l'homme dans les zones de conflit avec plusieurs interlocuteurs à Tbilissi ; il a été informé de certains développements inquiétants, notamment liés au droit à l’éducation dans sa langue maternelle. « Les autorités géorgiennes ont pris des mesures positives pour améliorer la situation des personnes déplacées à l’intérieur du pays et la situation socio-économique des personnes qui vivent près de la ligne de démarcation administrative, mais des mesures supplémentaires sont nécessaires pour traiter les questions urgentes qui restent en suspens. J’ai aussi pris connaissance avec satisfaction des efforts déployés pour répondre aux besoins des réfugiés en provenance de Syrie, d’Irak et d’Ukraine. »