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Strasbourg 09/07/2015
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Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe appelle une nouvelle fois à mettre la législation russe sur les ONG en conformité avec les normes européennes

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« La législation russe sur les ONG n’est pas conforme aux normes européennes et doit être révisée de manière à ce que les défenseurs des droits de l'homme et les ONG en Russie puissent travailler dans un environnement qui leur permette de jouer leur rôle essentiel dans la société », a déclaré aujourd'hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, en rendant public un nouvel avis sur la législation de la Fédération de Russie relative aux organisations non commerciales. Dans son avis, le Commissaire analyse les changements apportés à la législation depuis juillet 2013, la mise en œuvre de la « loi sur les agents étrangers » depuis son adoption et les conséquences pratiques de ces dispositions pour les ONG russes. Le Commissaire adresse aussi des recommandations aux autorités russes. Cet avis fait suite à l’avis déjà publié par le Commissaire sur ce sujet en 2013, après l’entrée en vigueur de dispositions législatives introduisant le terme d’« agent étranger » et la possibilité d’engager des poursuites pénales contre des militants de la société civile.

Au 29 juin 2015 figuraient, sur la liste du ministère de la Justice, au moins 70 ONG qui étaient qualifiées d’« agent étranger » parce qu’elles exerçaient des activités jugées politiques et recevaient des fonds étrangers. La majorité de ces ONG ont été inscrites sur la liste ces six derniers mois. Les juridictions russes ont été saisies d’au moins 189 demandes en contestation de la qualification d’« agent étranger ». Dans au moins 121 des décisions rendues, le tribunal a estimé que la loi avait été appliquée correctement, alors que les ONG n’ont obtenu gain de cause que dans quelque 28 affaires. A la suite de ces décisions, au moins 20 ONG ont déjà cessé leurs activités, totalement ou en partie, y compris par voie d’« autoliquidation ». « Il convient de s’inquiéter de cette tendance et de la vitesse à laquelle les autorités qualifient les ONG d’« agent étranger » car cela risque d’avoir des effets négatifs, immédiatement et à long terme, sur les organisations de la société civile russes, dont le rôle de sentinelle est indispensable », a déclaré le Commissaire Muižnieks.

Le Commissaire constate avec regret que l’application pratique de la loi sur les agents étrangers confirme largement ses craintes initiales concernant des risques d’abus. De plus, les modifications apportées à la législation depuis juillet 2013 ne font qu’amplifier les problèmes déjà graves liés au manque de sécurité juridique, à l’arbitraire et aux sanctions disproportionnées, ainsi qu’aux pouvoirs discrétionnaires étendus conférés au parquet et aux autorités exécutives. L’absence de contrôle juridictionnel préalable de décisions portant gravement atteinte aux droits d’ONG constitue une autre lacune de la procédure, qui prive les organisations de la société civile de protections effectives. Les nouvelles dispositions ont aussi étendu les possibilités légales de soumettre les ONG à des inspections inopinées ou extraordinaires et imposé des limites supplémentaires à l’exercice de nombreuses activités présentant un intérêt public essentiel. « L’actuelle législation sur les ONG risque d’être utilisée pour entraver l’action des défenseurs des droits de l'homme. Des sanctions sévères, y compris la possibilité que des dirigeants d’ONG fassent l’objet de poursuites pénales, peuvent avoir un effet dissuasif sur les institutions de la société civile et les inciter à s’autocensurer. »

Le Commissaire aux droits de l'homme demande instamment aux autorités d’écouter les préoccupations exprimées par les structures nationales des droits de l'homme de la Russie au sujet du caractère vague et général des définitions figurant dans la loi, et de réviser d’urgence la législation. « Tant que cette révision n’a pas eu lieu, j’appelle les autorités à suspendre l’application de la loi sur les agents étrangers et à s’abstenir d’imposer d’autres restrictions aux activités des organisations de la société civile en Fédération de Russie. »