Retour Arménie et Azerbaïdjan : la protection effective des droits humains de toutes les personnes touchées par le conflit au sujet de la région du Karabakh est essentielle au succès du processus de paix

Observations
Arménie et Azerbaïdjan : la protection effective des droits humains de toutes les personnes touchées par le conflit au sujet de la région du Karabakh est essentielle au succès du processus de paix

« Les autorités arméniennes et azerbaïdjanaises devraient veiller à mettre l’accent sur la protection des droits humains dans leurs pourparlers de paix et mettre en place de solides garanties en matière de droits humains pour toutes les personnes touchées par le conflit », a déclaré la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, dans ses Observations publiées à la suite de la visite qu’elle a effectuée en Arménie et en Azerbaïdjan, y compris dans la région du Karabakh, du 16 au 23 octobre 2023. C’est la première fois depuis des décennies qu’une mission de ce type concernant les droits humains a pu être effectuée dans la région du Karabakh.

Cette visite a fait suite au déplacement massif de plus de 101 000 Arméniens du Karabakh qui ont fui en Arménie en quelques jours seulement à la fin du mois de septembre. Ce déplacement a suivi l’opération militaire menée par l’Azerbaïdjan les 19 et 20 septembre, le contrôle total que ce pays a ensuite exercé sur la région et les perturbations prolongées subies par les Arméniens du Karabakh dans leurs mouvements, leur accès aux biens et aux services essentiels et leur approvisionnement en énergie en raison du blocage par l’Azerbaïdjan, pendant neuf mois, de la route longeant le corridor de Latchine. En Arménie, la Commissaire s’est entretenue avec des Arméniens du Karabakh qui avaient fui et se trouvaient dans des refuges mis à leur disposition par les autorités. Dans la ville de Khankendi (appelée Stepanakert par les Arméniens du Karabakh) en Azerbaïdjan, après le départ de sa population, la Commissaire a vu des rues vides, des locaux abandonnés et quasiment aucun signe de présence de civils. Sur la base de ce qu’elle a pu entendre et voir, elle a conclu que les Arméniens du Karabakh s’étaient retrouvés abandonnés sans garantie solide de sécurité ou de protection par quelque partie que ce soit et que, pour eux, à ce moment-là, quitter leur foyer était la seule option raisonnable possible.

Tout en saluant les efforts déployés par les autorités arméniennes pour apporter une première assistance de base à toutes les personnes dans le besoin arrivant de la région du Karabakh, la Commissaire a souligné que les Arméniens du Karabakh qui avaient fui en Arménie, et en particulier ceux appartenant à des groupes vulnérables, devaient se voir garantir l’accès à toute l’aide nécessaire dans l’immédiat, à moyen et à long terme. « Les États membres du Conseil de l’Europe devraient continuer à mettre l’accent sur l’apport d’un soutien financier afin de veiller à ce que les besoins humanitaires des personnes déplacées et des populations qui les accueillent puissent être pleinement satisfaits », a ajouté la Commissaire.

La Commissaire a souligné que les Arméniens du Karabakh récemment déplacés en Arménie devaient avoir la possibilité de rentrer dans des conditions de sécurité et de dignité – même si cela semble hypothétique pour la plupart d’entre eux à l’heure actuelle – y compris en trouvant des solutions flexibles, en particulier en ce qui concerne leur citoyenneté et leur statut juridique. Dans l’attente d’un éventuel retour, il conviendrait de trouver rapidement des moyens, notamment en offrant des garanties de sécurité, pour que les Arméniens du Karabakh puissent accéder temporairement à leur domicile ou à leur lieu de résidence habituel et se rendre dans les cimetières où sont enterrés les êtres qui leur sont chers. Il incombe aux autorités azerbaïdjanaises de veiller à ce que les biens abandonnés par les Arméniens du Karabakh soient protégés contre le pillage, le vol et l’appropriation. Les quelques personnes d’origine arménienne restées dans la région du Karabakh devraient également bénéficier de toute la protection des droits humains, y compris la garantie de leur liberté de circulation.

Se félicitant des mesures prises par le Gouvernement azerbaïdjanais pour faciliter le retour dans la région du Karabakh des personnes déplacées à l’intérieur du pays, la Commissaire a espéré que toutes les personnes déplacées à l’intérieur du pays qui le souhaitaient pourront revenir le plus tôt possible dans des conditions de sécurité et de dignité. Plus généralement, elle a précisé que toutes les personnes déplacées en raison du conflit de longue durée avaient le droit de rentrer chez elles ou de regagner leur lieu de résidence habituel de leur plein gré en sécurité et dans la dignité, qu’elles aient été déplacées à l’intérieur ou au-delà des frontières. 
 « Toutes les allégations de violations du droit international humanitaire et de violations graves des droits humains signalées dans le cadre du conflit doivent faire l’objet d’une enquête efficace et rapide ; les auteurs doivent être traduits en justice, et si déclarés coupable après un procès indépendant et équitable, condamnés et punis. Cela inclut les allégations concernant les circonstances du blocage du corridor de Latchine, le déplacement massif des Arméniens du Karabakh et l’opération militaire des 19-20 septembre. Cela doit se faire dans le cadre d’une approche centrée sur les victimes qui traite ces dernières et leurs familles avec sensibilité et compassion », a déclaré la Commissaire. Une approche globale du traitement du passé et des violations graves des droits humains commises dans le contexte du conflit au sujet de la région du Karabakh doit également être mis en place.

Parmi les autres questions relatives aux droits humains abordées par la Commissaire dans ses Observations figurent la nécessité de protéger les personnes contre les mines et les restes explosifs de guerre, la situation des personnes détenues dans le cadre du conflit, y compris les conditions de leur détention et le niveau de contact avec leurs familles, ainsi que l’importance de clarifier le sort des personnes disparues dans l’ensemble de la région et de donner des réponses aux familles. Enfin, la Commissaire a appelé les autorités des deux pays à lutter contre le discours de haine et à promouvoir la compréhension et la confiance mutuelles, notamment en associant la société civile à la mise en place de processus de commémoration et de réconciliation respectueux des droits humains.


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Strasbourg 12/01/2024
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