Première réunion du Comité sur les combattants terroristes étrangers et les questions connexes

Strasbourg, 23-26 février 2015   
      

Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Chers participants,

C’est un réel privilège et un vrai plaisir pour moi d’ouvrir aujourd’hui cette première réunion du « Comité sur les combattants terroristes étrangers et les questions connexes ». La tâche qui vous incombe est de la plus haute importance : rédiger un Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe sur la Prévention du terrorisme. Je puis vous assurer que vos travaux seront suivis avec un vif intérêt, tant par le Comité des ministres que le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, M. Thorbjørn Jagland, et par moi-même. Le Secrétaire général souhaiterait présenter le texte que vous vous apprêtez à rédiger, lors de la session ministérielle, qui se tiendra le 19 mai prochain, à Bruxelles.

Vous allez vous pencher sur le phénomène des « combattants terroristes étrangers ». Les toutes dernières estimations nous confirment qu’environ 20 000 combattants terroristes étrangers, dont 3 500 au moins en provenance de pays européens, avaient rejoint les territoires de guerre en Syrie, en Irak et, plus récemment, en Lybie ; les profils de ceux qui ont été identifiés nous montrent que leur âge moyen se situe entre 17 et 26 ans, mais nous savons qu’il y a un nombre important qui sont plus jeunes encore ; nous savons aussi que désormais beaucoup de ces combattants sont des femmes (les estimations les situent à environ 10% du nombre total), et qu’elles sont de plus en plus impliquées dans les combats, souvent en première ligne. La participation de combattants étrangers aux activités terroristes continue d’augmenter de façon exponentielle.

Ces chiffres sont terrifiants et alarmants !

S’attaquer directement aux dangers que présente la nouvelle menace terroriste pour la sécurité internationale et nationale est devenu une priorité pour tous nos Gouvernements. Nous assistons à une forte mobilisation politique et sociétale. Il faut agir de façon globale et renforcer davantage encore la coopération - en particulier judiciaire - entre tous les Etats. Dans ce contexte, les conventions du Conseil de l’Europe sur la coopération judiciaire en matière pénale constituent un arsenal juridique solide et efficace qui a fait ses preuves dans la pratique.

Parmi ces Conventions figure la Convention du Conseil de l’Europe sur la Prévention du terrorisme, qui, à ce jour, a été ratifiée par 32 Etats alors que 12 autres ne l’ont, pour l’instant, que signée. Le Secrétaire général vient d’adresser une lettre aux ministres des affaires étrangères pour appeler tous les Etats membres du Conseil de l’Europe ne l’ayant pas encore fait à signer et/ou ratifier dans les meilleurs délais cette Convention-clé.  Je me joints bien évidemment à cet appel.

Mesdames et Messieurs,

Vous êtes bien placés pour savoir que de nouvelles formes de recrutement et de formation pour le terrorisme ont fait leur apparition au cours de ces dernières années. Leur efficacité est redoutable : elles atteignent un nombre considérable de personnes – surtout des jeunes – très rapidement, notamment par l’intermédiaire de l’Internet. Nous devons, nous aussi, être efficaces et prompts dans nos réponses, car il ne fait aucun doute que la volonté politique est bien là.

Le terrorisme a également pour but de déstabiliser les systèmes démocratiques, à en miner les valeurs fondatrices. Il spécule sur sa capacité à provoquer une réaction démesurée des gouvernements. Face à l’horreur engendrée par les crimes terroristes, on pourrait en effet être tenté d’adopter des mesures exorbitantes qui porteraient atteinte à nos valeurs fondamentales en mettant à mal le respect des droits de l’Homme et de l’État de droit.

Aussi est-il essentiel de garder un juste équilibre entre les mesures répressives et le respect des droits fondamentaux. C’est ainsi que le 11 février dernier, en adoptant le mandat de votre comité, le Comité des Ministres vous a demandé de préparer un Protocole additionnel à la Convention sur la Prévention du terrorisme, en prévoyant des dispositions matérielles de droit pénal tout en tenant compte des normes du Conseil de l’Europe dans le domaine des droits de l’Homme et de l’État de droit, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi que des bonnes pratiques des Etats membres et des autres organisations internationales.

L’un des objectifs principaux du Protocole que vous êtes appelés à rédiger est de donner suite, au niveau régional, à la Résolution 2178 (2014), adoptée le 24 septembre 2014 par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Il s’agira du premier texte juridique international contraignant qui érigera en infraction pénale certains actes liés au phénomène des « combattants terroristes étrangers », et notamment le fait :

  • de chercher à se faire recruter pour le terrorisme ;
  • de recevoir un entraînement pour le terrorisme ;
  • de se rendre à l’étranger à des fins de terrorisme ; et, enfin,
  • de financer et/ou d’organiser ou de faciliter les voyages à des fins de terrorisme, ce que l’on pourrait qualifier de « complicité financière et logistique ».

Le Protocole additionnel à la Convention sur la prévention du terrorisme que vous allez préparer vise à combler une lacune importante dans l’arsenal législatif existant en introduisant l’aspect « demandeur » du recrutement et de l’entraînement : le fait de chercher à joindre une association ou un groupe terroriste ou de chercher à être entraîné pour commettre des actes de terrorisme.

Quant aux comportements concernant les voyages en vue de rejoindre des organisations ou groupes terroristes, je me réfère, ici aussi, à la Résolution 2178 dans laquelle le voyage à des fins terroristes est expressément prévu. La Résolution impose aux États de mettre en place des mesures visant à ériger en infraction pénale ces agissements. Le Protocole mettra ainsi en œuvre, au niveau européen, ces dispositions adoptées dans le cadre des Nations Unies.

Mesdames et Messieurs,

Après les attaques terroristes meurtrières de Paris et Copenhague, l’engagement des responsables politiques a également porté sur la lutte contre la radicalisation.

Le Conseil de l‘Europe traite depuis plus d’un an déjà de sujets sensibles tels que 1) la radicalisation pour le terrorisme notamment par l’Internet, 2) les dits « loups solitaires » et 3) les combattants terroristes étrangers. Son comité directeur sur les questions liées au terrorisme (le CODEXTER) en a fait ses priorités d’action pour les années 2014-2015. Par ailleurs, le Secrétaire Général du Conseil de l‘Europe, lors de sa participation à la dernière session plénière du CODEXTER, en novembre de l’année dernière, a fermement soutenu ces travaux. Le fait que la question des combattants terroristes étrangers est déjà à l’étude du CODEXTER nous permet d’aborder cette tâche avec confiance et une certaine sérénité.

Pour terminer, je souhaiterais brièvement vous dire quelques mots sur les autres activités du Conseil de l’Europe pour les mois à venir  dans le domaine de la prévention et de la lutte contre le terrorisme : le Comité des Ministres a adopté un document, préparé par le Secrétaire Général : « Action immédiate du Conseil de l’Europe pour combattre l’extrémisme et la radicalisation conduisant au terrorisme ». Ce document présente trois grandes lignes d’action : 1) intensifier les travaux menés pour renforcer l’action juridique contre le terrorisme ; 2) initier des mesures concrètes dans le domaine éducatif, pénitentiaire et d’Internet pour prévenir et combattre la radicalisation et 3) faire de ce thème celui de la Session ministérielle, qui se tiendra à Bruxelles le 19 mai prochain, au cours de laquelle des actions concrètes devraient être adoptées.

Excellences,
Mesdames, Messieurs,

L’heure est à présent à l’approfondissement des acquis du Conseil de l’Europe en matière de lutte contre le terrorisme et je me réjouis de votre engagement en vue de voir ces travaux aboutir. Je vous en suis d’autant plus reconnaissant que les réunions de votre comité sont amenées à se dérouler à un rythme soutenu (une réunion chaque deux semaines d’ici fin mars). Ces réunions vont exiger un gros investissement de votre part, j’en suis bien conscient. Mais je suis convaincu que votre expertise, vos propositions et vos observations nous permettront d’honorer le mandat donné par le Comité des Ministres et de compléter la Convention 196 par un Protocole additionnel de qualité.

Je souhaite un plein succès à vos travaux en réitérant le plein soutien du Secrétaire général et du Comité des ministres en formant le vœu que vous serez en mesure d’accomplir votre importante tâche dans les délais prévus.

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