Retour Discours lors de la 120e Session du Comité des Ministres

Strasbourg , 

La session ministérielle d'aujourd'hui se tient huit mois après que j'ai été élu avec un mandat fort et clair pour réformer le Conseil de l'Europe.

L'objectif fondamental est de développer une organisation consolidée, plus ciblée, plus cohérente et rentable, pourvue d'un rôle clair et défini en Europe. Et j'ajouterai ceci : un partenariat plus efficace avec l'OSCE et l'Union européenne sera déterminant pour le succès de cette réforme. Si nous ne sommes pas capables d'utiliser plus efficacement les ressources et les compétences des différentes organisations européennes, l'avenir sera sombre pour nous tous.

À mon avis, une volonté politique plus forte et visible est nécessaire dans toutes les institutions européennes, faute de quoi elles seront submergées par des forces bureaucratiques et nationalistes ; et nous gaspillerons nos ressources dans une concurrence futile entre ces institutions. Nos organisations sont complémentaires et non concurrentes.

Si l'on regarde la carte politique et géographique de l'Europe, il est facile de comprendre que nous avons besoin d'un Conseil de l'Europe revitalisé, étroitement coordonné avec l'OSCE et l'Union européenne.

L'OSCE offre à l'Europe un dispositif de sécurité important, qui ne relève pas de notre mandat.

L'Union réalise l'intégration économique et politique des pays membres intègre et développe ses capacités en matière de politique étrangère et de défense, ce que ne peut pas faire le Conseil de l'Europe.

L'Union européenne n'englobera probablement jamais tous les pays européens. Elle peut conclure des accords bilatéraux avec d'autres pays, mais ces accords ne porteront jamais sur la supervision des droits de l'homme et de l'Etat de droit.

Seul le Conseil de l'Europe peut amener tous les pays à se soumettre aux mêmes normes contraignantes en ce qui concerne les droits de l'homme, l'Etat de droit et la démocratie. Et seul le Conseil de l'Europe sera autorisé à en contrôler l'application. Lui seul encore peut soumettre tout le monde à la juridiction d'une même cour.

C'est pourquoi l'adhésion de l'union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme est si importante.

En 1945, l'Europe s'est trouvée à la croisée des chemins ; puis de nouveau en 1989. Autant de chances vitales de s'engager sur la voie de l'unité. Aujourd'hui, nous y revoici une fois de plus. Nous avons la possibilité d'amener l'ensemble des Etats-nations et l'Union européenne à accepter de se soumettre aux mêmes règles et à la même Cour.

Je n'aime pas parler de grandes puissances et de petites, car, dans notre organisation, tous sont égaux. Mais il est facile de voir qu'il est important, pour tous les pays petits pays d'Europe, que les grandes puissances comme l'Union européenne, la Fédération de Russie et la Turquie aient les mêmes droits et les mêmes obligations qu'eux.

Le Conseil de l'Europe ne devrait pas surestimer son importance et s'engager dans des actions qui vont au-delà de son mandat. Mais lui seul peut créer et défendre un espace juridique commun et contraignant pour toute l'Europe.

C'est parce que nous ne pourrons y parvenir sans remettre de l'ordre dans notre maison que les réformes sont si importantes. 

Permettez-moi d'être très clair sur un point : la désintégration à l'œuvre dans cette organisation depuis quelques années doit cesser. Nos différents organes doivent travailler main dans la main et les ressources dont nous disposons doivent être utilisés pour renforcer les instruments uniques dont nous nous sommes dotés. C'est notamment le cas de la charte sociale, car droits sociaux et droits humains sont les deux faces d'une même pièce.
La réforme de la cour est d'une grande importance. Je tiens à remercier la présidence suisse d'avoir engagé le processus d'Interlaken. Celui-ci ne pourra progresser que s'il est guidé par le politique.

Cela m'amène à la raison d'être historique du Conseil de l'Europe, qui est d'apporter la sécurité démocratique à notre continent. L'idée était qu'un système de valeurs fondamentales et de règles permettent à des Etats‑nations démocratiques de vivre durablement en paix.

J'aime aussi le terme de sécurité profonde.

La sécurité profonde est semblable à la médecine préventive: en investissant dans le fonctionnement des institutions démocratiques, la protection des droits de l'homme, la tolérance, le dialogue et la cohésion sociale, la prévention des extrémismes et la coopération contre la criminalité et le terrorisme, nous renforçons notre immunité contre les menaces qui pèsent sur notre sécurité et notre stabilité.

Cet aspect de la sécurité recèle un potentiel que nous pouvons et devons utiliser pour résoudre nombre des problèmes et conflits qui persistent en Europe aujourd'hui. En clair, cela ne signifie par exemple pas qu'il faudrait que le Conseil de l'Europe participe aux négociations sur la Géorgie qui ont lieu à Genève ; mais nous pouvons apporter notre contribution indirecte en insistant sur notre mission, qui est de protéger les droits de l'homme dans cette région.

C'est pourquoi j'ai présenté un nouveau rapport sur le conflit en Géorgie, qui est maintenant sur la table du Comité des Ministres.

Le concept de sécurité démocratique, ou sécurité profonde, doit s'appliquer à l'ensemble de l'Europe.

L'une des questions fondamentales qui se posent à l'Europe d'aujourd'hui est de savoir comment vivre ensemble, avec des origines ethniques et religieuses et des repères individuels différents. C'est pourquoi il est nécessaire, après 60 ans, de revoir les notions de droits de l'homme et d'Etat de droit et leur application dans les sociétés européennes contemporaines.

Messieurs et Mesdames les Ministres,

Je vous suggère que nous inscrivions cette question à l'ordre du jour de la prochaine session ministérielle et que nous demandions à un groupe de personnalités éminentes de nous indiquer la meilleure manière de répondre à ces questions.

La plus grave menace en Europe et pour l'Europe en tant qu'entité organisationnelle aujourd'hui est liée aux risques d'agitation sociale et de tensions ethniques et religieuses qui pourraient se développer sur fond de crise financière.

Cette conjonction s'accompagne d'un renouveau de la pensée nationaliste.

Ma crainte est que si nos institutions européennes échouent à procurer bien‑être et sécurité au sens le plus large, les voix appelant au retour à des solutions nationales se feront plus fortes, ce qui pourrait être le prélude à une résurgence du nationalisme.

Mesdames et Messieurs les ministres,

J'ai d'emblée indiqué au Comité des Ministres que je n'arriverai à rien sans le soutien des gouvernements. Nous sommes une organisation intergouvernementale. Je vous demande de reprendre votre pouvoir ici et de faire avancer les réformes ; et aussi de faire de même dans les autres organisations dont vos pays sont membres, de manière à ce que nous puissions développer une architecture européenne extrêmement forte.