Retour Conférence “Les droits fondamentaux dans l’Union européenne en vue de l’adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales”

Madrid , 

Seul le prononcé fait foi

Mesdames, Messieurs,

Nous avons été témoins ces deux derniers mois de deux évènements marquants, qui vont influer directement et profondément sur les droits de l'homme en Europe. Le premier est l'entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du Traité de Lisbonne, le second la ratification par la Russie, il y a quelques jours à peine, du Protocole 14 à la Convention européenne des droits de l'homme.

Ces deux instruments juridiques, adoptés dans le cadre de deux organisations distinctes à des fins tout à fait différentes, n'en ont pas moins un point commun de taille – l'un et l'autre, ils permettent l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme.

L'adhésion – et je pèse mes mots – sera un évènement d'une portée historique, non seulement pour le Conseil de l'Europe en tant que gardien de la Convention européenne des droits de l'homme et pour l'Union européenne, mais avant toute chose pour tous les Européens.

Nous avons là une opportunité unique de créer un territoire des droits de l'homme embrassant l'ensemble de notre continent, un territoire où 47 gouvernements et les institutions de l'Union européenne seront liés par le même ensemble de normes de droits de l'homme et placés sous la juridiction d'une seule Cour des droits de l'homme.

En acceptant de soumettre les actions et décisions de ses institutions à la même aune judiciaire externe que l'ensemble de ses Etats membres, l'Union européenne envoie un message très fort à tous les Européens : pas plus que ses Etats membres, l'Union n'est "au-dessus des lois" en matière de droits de l'homme, et tout citoyen pourra saisir la Cour européenne des droits de l'homme en cas de violation de la Convention européenne des droits de l'homme par l'Union européenne. Le message de l'Union est que les citoyens jouiront, à son égard, de la même protection que celle qui leur accordée à l'égard de n'importe quel Etat membre.

La future adhésion va ouvrir de nouvelles perspectives, et pas uniquement pour la Cour européenne des droits de l'homme. Elle insufflera aussi davantage de clarté dans les relations entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, tout en pavant la voie en vue d'approfondir et d'améliorer la coopération entre ces deux institutions.

Le Mémorandum d'entente que les deux organisations ont conclu en 2007 a reconnu que le Conseil de l'Europe a jalonné le domaine des droits de l'homme et sert de référence dans toute l'Europe à cet égard. Il a souligné que la coopération devrait s'appuyer sur les avantages comparatifs et les compétences respectives des deux institutions. Grâce à l'adhésion de l'Union européenne à la Convention, la pertinence et le potentiel du Mémorandum en sortiront grandement renforcés.

Après des années d'espoirs et de revers, de hauts et de bas juridiques et politiques, nous voyons enfin se profiler la concrétisation de l'adhésion de l'UE à la Convention. Avec le Traité de Lisbonne et le Protocole 14, ce n'est plus "si" qu'il convient de dire, mais "quand". L'adhésion sera ardue et requerra bien des efforts. Mais vouloir, c'est pouvoir. Les décisions ont déjà été prises, il incombe maintenant aux femmes et aux hommes politiques de faire preuve du leadership nécessaire pour montrer la voie à suivre, et aux juristes de traiter les détails.

C'est pourquoi je me sens très encouragé par la détermination du Président de la Commission européenne Barroso. Lors de mon entrée en fonction, en octobre dernier, c'est le premier leader européen que j'ai rencontré et son message a été sans équivoque : l'Union européenne devrait adhérer au plus tôt à la Convention.

Je me félicite aussi vivement de l'importance que la présidence espagnole de l'UE attache à l'adhésion. C'est pourquoi j'ai accepté l'invitation à être des vôtres aujourd'hui, à Madrid. Je suis persuadé que nous, l'UE, le Conseil de l'Europe et tous nos Etats membres, devons absolument montrer que nous avons pour objectif, pour intérêt et pour priorité communs de consolider la protection des droits de l‘homme en Europe.

Le message exprimé dans le Programme de Stockholm adopté par le Conseil européen en décembre dernier est lui aussi fort clair : l'adhésion rapide de l'UE à la Convention européenne des droits de l'homme revêt une importance fondamentale. Le Conseil européen invite la Commission, entre autres, à soumettre dans les plus brefs délais une proposition sur l'adhésion de l'UE à la Convention européenne des droits de l'homme.

La situation actuelle est passionnante, et il est temps que nous relevions le défi et fassions en sorte que ces déclarations d'intention soient traduites en actes. A Bruxelles, je le sais, les préparatifs sont en cours et des discussions préparatoires ont lieu en ce moment au Conseil de l'Europe.

Des problèmes vont se poser, je le sais. Un processus d'une telle portée politique et juridique ne peut pas se dérouler sans quelques complications. Mais nous devons faire preuve de détermination, nous devons faire preuve de largeur de vues, nous devons être positifs autant que créatifs pour trouver les solutions les plus efficaces aux questions techniques et juridiques soulevées par l'adhésion.

Aujourd'hui, nous sommes non seulement devant une occasion, mais aussi devant une obligation historiques, de placer l'ensemble de notre continent sous un même ordre normatif des droits de l'homme. Ce qui émerge, c'est une Europe où, lorsqu'on touche à l'essence même de ses valeurs, il n'y a pas de clivage. Et c'est pour moi un privilège autant qu'un honneur de pouvoir contribuer à ce que se réalise un évènement d'une portée aussi extraordinaire pour les droits de l'homme en Europe.