Retour Comprendre le populisme et défendre les démocraties européennes : le Conseil de l'Europe en 2017

Strasbourg , 

Seul le prononcé fait foi

C’est un grand plaisir pour moi de vous voir tous réunis ici. 2017 sera une grande année pour l’Europe, une année à forte teneur politique.

En France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Irlande du nord, en Italie peut-être et ailleurs encore, des millions d’Européens se rendront aux urnes.

Je parie que le mot que vous entendrez plus souvent que tout autre sera « populiste ». Taxer de « populiste » tout individu ou parti avec lequel on est en désaccord est devenu politiquement à la mode. La gauche applique ce qualificatif à la droite, la droite à la gauche ; le centre s’en empare pour discréditer les extrêmes.

Pourtant, si tout est populisme, le populisme n’est rien. Il est grand temps de préciser ce que l’on entend par là.

Les populistes sont presque toujours antisystème. Ils proposent des solutions simples à des problèmes complexes. Ils jouent sur les émotions des électeurs mais il faut reconnaître que c’est ce que font la plupart, sinon tous, les responsables politiques.

Pour qu’une action ou un individu puisse être réellement qualifié de populiste, il doit avoir franchi un degré supplémentaire. Le populisme repose sur la prétention de croire que nous, et seulement nous, qui que nous soyons, représentons « le vrai peuple » ; nous seuls comprenons ses véritables préoccupations. C’est ce qui donne aux populistes, à les en croire, une autorité morale exclusive pour agir au nom du « peuple ».

Comment essaient-ils ensuite de tirer parti de cette autorité morale ? En prenant le pouvoir dans les institutions de l’Etat et, lorsque cela les arrange, en contournant les contraintes démocratiques existantes. 

Ils réécrivent certaines parties de la Constitution qui ne leur conviennent pas. Ils mettent sur la touche l’opposition parlementaire. Ils qualifient d’intéressés ou de corrompus les juges indociles ; il en va de même des médias peu coopératifs. En effet, la tactique ultime des populistes consiste à récuser tout récit qui ne leur plaît pas en le qualifiant de « fake news », de « fausses nouvelles », alors même que, généralement, ils en sont les principaux propagateurs.

Le droit international devient un obstacle inadmissible à la souveraineté nationale. Les droits des minorités sont une insulte aux valeurs de la nation, les droits de l'homme une préoccupation des élites. 

Tout cela est considéré avec dédain au nom des « sans-grades », hommes et femmes, des laissés-pour-compte.

En Europe, nous le constatons de plus en plus au sein des petits partis aux marges de la vie politique mais leur imitation par les grands partis de gouvernement va croissante. Cette attitude est contraire à tout ce que nous avons appris au cours des soixante-dix dernières années. 

Depuis les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, les Européens s’emploient consciencieusement à restreindre la notion de souveraineté absolue du « peuple ». Nous avons construit des démocraties parlementaires constitutionnelles précisément parce que nos sociétés sont, par nature, plurielles. Nous avons établi des cours constitutionnelles, un corps judiciaire indépendant, des médias libres, une société civile dynamique, des traités internationaux contraignants et une législation relative aux droits de l'homme.

Nous l’avons fait pour protéger les citoyens des groupes d’intérêt offensifs qui prétendent agir en leur nom et pour préserver les individus et les minorités de toute domination par la majorité. 

Répondre à la menace populiste

Il faut maintenant protéger ce précieux héritage. 

Il est vrai que les populistes jouissent souvent d’un large soutien car ils répondent aux griefs réels et légitimes des électeurs. Il est vrai aussi que de nombreuses institutions démocratiques nationales ont leurs faiblesses et que les organisations internationales européennes, dont le Conseil de l'Europe, doivent faire davantage pour répondre aux préoccupations des citoyens ordinaires. 

Cependant, la réponse à la frustration que nous observons dans nombre de nos sociétés, ce n’est pas le populisme, ni le lent détricotage des garanties démocratiques soigneusement établies, au profit d’un groupe d’intérêt ou d’un parti spécifique. La réponse réside dans la remise en ordre de nos institutions, leur revitalisation, afin qu’elles représentent et servent mieux nos concitoyens.

Depuis des semaines maintenant, nombre d’Européens se désespèrent en s’interrogeant sur les conséquences pour nos valeurs démocratiques de l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, soutenu, disent-ils, par le Kremlin. Nos démocraties sont-elles donc faibles au point que ces changements puissent décider de notre sort ? Nous devrions passer moins de temps à nous inquiéter de la situation outre-Atlantique et plus de temps à réfléchir sur nous-mêmes.

Les Européens NE rejettent PAS le système établi majoritaire à cause de ce qu’un homme politique poste sur Twitter.

Ils ont perdu confiance dans leurs institutions. Beaucoup d’entre eux doivent faire face au chômage, au creusement des inégalités, à une austérité prolongée, à des migrations mal gérées, à une pénurie de logements et à des services publics insuffisants. La mondialisation ne répond pas à leurs besoins ; au contraire, elle les laisse à la traîne.

La seule façon de s’attaquer efficacement au populisme, c’est de proposer des solutions à ces problèmes.

Nous devons montrer que notre mode d’action, notre mode d’action démocratique et internationaliste, aide ces personnes et améliore matériellement la vie de nos concitoyens.

Mon quatrième rapport annuel sera consacré à ce défi. Il expliquera comment le Conseil de l'Europe et des acteurs politiques responsables peuvent coopérer pour prévenir la menace populiste : en donnant aux citoyens des parlements efficaces, des médias dynamiques et pluriels, des tribunaux dans lesquels ils peuvent avoir confiance, une société civile qui leur offre des moyens d’agir et, ce qui est essentiel, des droits sociaux dans les secteurs de l’emploi, de la santé et de l’éducation, au sein de sociétés inclusives.

Plus largement, au cours de l’année qui vient, le Conseil de l'Europe s’efforcera de mettre en lumière ses atouts en contribuant à trouver des solutions constructives et communes aux grands défis que l’Europe doit relever en matière de stabilité, sur la base de nos valeurs partagées, et en aidant les Etats-nations à réaliser ce qu’ils ne pourraient pas faire seuls.

« Fake news » – « fausses nouvelles »

L’une de nos grandes priorités est d’aider nos gouvernements à battre en brèche les fausses nouvelles.

Vous avez probablement déjà entendu cette expression presque aussi souvent que le mot « populiste ». Les « fake news » ne constituent pas un problème nouveau mais l’élection américaine a mis ce phénomène sous les feux de l’actualité. Il y a maintenant un risque très réel de le voir s’inviter également dans les prochaines élections en Europe. 

La grande question pour nous est la suivante : comment les Etats peuvent-ils prévenir les fausses nouvelles sans censurer de manière excessive l’Internet ? Nous avons besoin de bons moyens de dissuasion. Nous devons aussi empêcher les groupes d’intérêt puissants de qualifier systématiquement toutes les critiques de « fake news » en abusant de cette expression pour rejeter les divergences d’opinion.

L’Europe a déjà des instruments juridiques solides pour aider les gouvernements à ériger en infraction pénale certaines formes de fausses nouvelles, tout en préservant la liberté d’expression. Nous parlons ici de fausses nouvelles qui attisent la haine et la violence, du type d’informations qui ciblent les minorités et les groupes vulnérables comme les migrants, les musulmans, les Roms et les minorités ethniques, de récits qui sont particulièrement dangereux dans le climat actuel.

La Cour européenne des droits de l'homme a une jurisprudence claire qui indique quels propos dépassent les bornes de l’expression libre, devenant bel et bien des discours de haine. Du reste, notre Convention sur la cybercriminalité très appréciée, connue sous le nom de Convention de Budapest, contient un Protocole qui qualifie expressément d’illégaux « les actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques ».

La jurisprudence de la Cour tout comme la Convention de Budapest donnent aux Etats une base solide sur laquelle ériger en infraction pénale tout matériel qui préconise ou encourage la haine, la discrimination ou la violence, tout en protégeant la liberté d’expression.

Par l’intermédiaire de la Convention de Budapest, nous aidons également la police en Europe à trouver les preuves dont elle a besoin pour poursuivre en justice les responsables de la diffusion d’informations mensongères à caractère haineux ou violent. Le temps est révolu où il suffisait de se rendre au domicile d’un suspect pour saisir son disque dur. De nos jours, une grande partie des preuves sont détenues virtuellement, dans  le « cloud ». 

Quelquefois, la police sait que les informations dont elle a besoin sont stockées par telle ou telle société Internet. Cependant, les entreprises continuent de déplacer les données d’un serveur à l’autre, traversant souvent les frontières nationales. La situation peut alors tourner au cauchemar juridictionnel. Nous devons donc établir de nouvelles règles permettant aux Etats de coopérer afin d’optimiser leur accès aux preuves dans le «  cloud ». 

Migrations

Dans les mois à venir, nous continuerons à défendre ardemment les droits des migrants et des réfugiés. Ces groupes sont une cible facile pour les populistes. Cette Assemblée a été exemplaire à cet égard. Je suis heureux de pouvoir dire que tous nos organes de suivi s’activent à présent dans ce secteur, notamment pour aider les Etats à intégrer les nouveaux arrivants.

Je continue à soulever la question des droits fondamentaux des migrants au plus haut niveau politique. La semaine dernière, par exemple, j’ai exprimé mon inquiétude concernant le projet de loi slovène qui, s’il est adopté, pourrait conduire à des expulsions collectives et contrevenir à l’engagement de respecter le principe de non-refoulement. 

Le gouvernement slovène a répondu rapidement, proposant de travailler avec nous sur le texte législatif. Mon Représentant spécial est en route pour Ljubljana.

Nous nous efforçons également d’aider les nombreux enfants touchés par cette crise, notamment les mineurs non accompagnés. Nous publierons prochainement un plan d’action consacré à leur protection. Je suis très préoccupé par la disparition d’enfants migrants en Europe. On suppose que dans l’impossibilité de retrouver leur famille ou dans la crainte d’être expulsés lorsqu’ils auront 18 ans, nombre d’entre eux disparaissent.

Ils préfèrent tenter leur chance dans les bas-fonds de nos sociétés où ils sont le plus souvent exposés aux trafiquants, aux gangs, à la criminalité et à la drogue. Que faire alors ? Nous devons aider ces enfants à s’installer et à construire leur vie. Si les gouvernements mènent des politiques à courte vue qui les rejettent dans l’ombre, les sociétés devront en assumer les conséquences pendant longtemps. 

Turquie

S’agissant de la Turquie, nous nous efforcerons de continuer à jouer un rôle actif et utile. La tentative de coup d’état de juillet dernier est un acte scandaleux. Nous ne le dirons jamais assez. Je reste entièrement solidaire de notre Etat membre dans sa lutte contre le terrorisme. Le terrorisme est le terrorisme, où qu’il se manifeste. Aucun pays ne devrait être en butte à autant d’attentats, d’une nature aussi barbare.

Vendredi dernier, le Parlement turc a adopté une série d’amendements constitutionnels qui devraient être soumis à un vote populaire. L’éventuelle orientation du pays vers un système de gouvernement plus présidentiel est une question interne à la démocratie turque : les pays européens eux-mêmes ont une grande variété de régimes.

Cependant, le fait qu’il soit demandé au peuple d’approuver ces amendements alors que l’état d’urgence a été décrété et que les droits civils sont restreints nous préoccupe beaucoup. J’espère que l’état d’urgence sera levé avant le référendum.

Quant aux changements constitutionnels proprement dits, notre position consiste invariablement à nous demander si l’équilibre entre pouvoirs et contre-pouvoirs est toujours respecté. Notre Commission de Venise, l’une des autorités les plus crédibles au monde sur ces questions, va se charger de les analyser dans le détail. Elle présentera son avis sur les amendements proposés en mars, avant le référendum prévu au printemps.

Pour ce qui est des mesures prises par le Gouvernement suite à la tentative de coup d’état, un grand nombre de personnes ont été emprisonnées ou licenciées et nombre d’entre elles ne savent même pas pourquoi. Il s’agit de journalistes, d’enseignants, d’universitaires, de parlementaires, de maires, de magistrats, de fonctionnaires.

Je ne suis pas juge. Je ne peux pas dire qui est ou qui n’est pas responsable du putsch manqué, qui constitue ou ne constitue pas une menace pour la sécurité de la Turquie. Cependant, vous et moi, nous pouvons et devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour garantir le plein respect des droits des personnes accusées ou licenciées comme le veut la Convention européenne des droits de l'homme.

Parmi ces droits figurent notamment les droits des détenus, le droit à un procès équitable, le droit de recours, la liberté d’expression et d’association. De surcroît, bien sûr, tous les citoyens de Turquie ont le droit d’interjeter appel devant notre Cour ici à Strasbourg.

Mais, avant cela, ils ont droit à une procédure judiciaire équitable dans leur pays ; c’est précisément sur ce point que vous et moi, nous nous employons activement à améliorer la situation car, jusqu’à présent, cette garantie n’existe pas.

Nous avons engagé un dialogue permanent avec les autorités turques pour formuler des recommandations concrètes en la matière. Je peux confirmer que nous obtenons à présent des résultats. Très tôt dans la matinée d’hier, plusieurs de nos recommandations ont été adoptées par les autorités.

Selon un précédent décret-loi, l’assistance d’un avocat pouvait être refusée pendant cinq jours à une personne en détention provisoire ; ce ne sera plus le cas.

La durée de la détention provisoire a été réduite de trente à sept jours. D’après ce que j’ai cru comprendre, le Procureur général a la possibilité de la prolonger encore de sept jours mais seulement dans des cas bien précis.

C’est une amélioration et ce sera désormais à notre Cour, si elle est saisie, de déterminer si, conformément à la Convention, cette durée est nécessaire et proportionnée dans le cadre de l’actuel état d’urgence.

Il a été, en outre, annoncé hier que la Turquie allait instaurer une nouvelle commission nationale pour examiner les cas des personnes concernées par les décrets-lois. C’était là notre recommandation la plus importante.

Jusqu’à présent, les personnes licenciées et les organisations dissoutes n’ont reçu aucune précision ou certitude concernant la procédure à suivre pour porter plainte si elles souhaitent contester une décision prise contre elles. Il s’agit de fonctionnaires et employés du secteur public, d’associations, de fondations et de syndicats dissous, d’établissements d’enseignement et de santé privés, de journaux, de chaînes de télévision, d’agences de presse et autres médias. Certains ont intenté un recours devant les tribunaux administratifs ; les affaires à examiner s’accumulent près la Cour constitutionnelle ; certaines d’entre elles sont portées devant notre Cour.

Lorsque j’étais à Ankara, en novembre dernier, j’ai donc proposé au Premier ministre d’établir une commission pour examiner les plaintes afin de permettre à ces personnes de bénéficier d’un système de recours qui fonctionne au niveau national.

C’est conforme au principe de subsidiarité qui précise qu’en Europe, toute personne doit avoir la possibilité de contester les décisions prises contre elle dans le pays dont émanent ces décisions.

De tels recours nationaux sont essentiels pour le bon fonctionnement de notre système conventionnel. En effet, si la Cour de Strasbourg était à présent submergée par des dizaines de milliers de requêtes au titre de la Turquie, les citoyens de ce pays seraient contraints d’attendre des années qu’un arrêt soit rendu. 

Notre proposition a été intégrée dans un nouveau décret-loi. Par ailleurs, des précisions ont aussi été apportées aux juges et procureurs révoqués, sur les moyens pour eux d’obtenir réparation : ils pourront s’adresser directement au Conseil d’Etat de la Turquie.

D’après ce que l’on nous a dit, si la nouvelle commission tranche en faveur d’une personne, sa décision sera contraignante. Si, en revanche, sa décision est défavorable à la personne concernée, l’affaire sera déférée devant un tribunal national et ensuite, si nécessaire, devant la Cour constitutionnelle. La Cour européenne des droits de l'homme, quant à elle, examinera bien sûr la requête de toute personne qui souhaitera encore former un recours contre les autorités nationales. 

Nous espérons que ce processus permettra de rendre plus rapidement la justice et réduira les erreurs et l’arbitraire. Pour ce faire, la commission doit fonctionner en toute indépendance ; si ce n’est pas le cas, notre Cour le fera savoir.

Chers amis, ces mesures constituent un pas en avant notable. Elles démontrent que le dialogue en cours du Conseil de l'Europe avec les autorités turques reste essentiel. Je me félicite de la volonté des autorités de prêter attention aux préoccupations que nous exprimons sur ces points. J’espère que c’est un signe de nouveaux progrès à venir.

Nous sommes bien conscients que notre Etat membre traverse une crise. Dans de telles circonstances, il est facile de prendre du recul et de porter des jugements simples sur des situations complexes. J’ai, cependant, la ferme conviction que nous pouvons faire davantage pour le bien du peuple turc en restant engagés et constructifs tandis que la Turquie continue de faire face à une situation difficile. 

Notre groupe de travail conjoint informel avec les autorités poursuivra ses activités en mettant tout particulièrement l’accent sur la liberté d’expression. J’attends, sur ce point également, des résultats concrets. Les journalistes et les parlementaires jouent un rôle spécifique dans une société démocratique ; les priver de leur liberté a des conséquences directes pour la liberté d’expression et le débat démocratique. Je pense qu’ils doivent absolument avoir la possibilité de se défendre hors les murs d’une prison.

Terrorisme

Enfin, je voudrais signaler l’action que nous menons contre le terrorisme. En effet, dans aucun autre domaine il n’est plus essentiel pour les Etats d’agir ensemble en respectant l’Etat de droit afin de préserver la sécurité de nos concitoyens et de garder nos valeurs intactes.

Depuis l’attentat contre le siège de Charlie Hebdo à Paris, il y a deux ans, le Conseil de l'Europe a comblé une lacune majeure du droit international : criminaliser, pour la première fois, les préparatifs d’actes terroristes pour aider l’Europe à faire face à l’augmentation du nombre de combattants terroristes étrangers.

Nous avons doté le personnel des services de probation et des établissements pénitentiaires de l’ensemble du continent des outils nécessaires pour repérer et juguler la radicalisation. Nous avons lancé un nouveau programme novateur pour transmettre une culture démocratique et pacifique dans tous les établissements scolaires d’Europe.

Cette année, nous lancerons deux autres initiatives majeures. La première porte sur le financement du terrorisme. En ce moment même, de riches Européens contribuent à financer Daech et d’autres groupes en achetant des objets pillés en Syrie et en Irak.

Le trafic d’objets culturels n’est, certes, pas une nouveauté parmi les infractions. Cependant, « grâce » – si vous me permettez l’expression – audit Etat islamique, le commerce des « antiquités du sang » est apparemment en pleine expansion. Or, les sauvegardes juridiques de l’Europe sont hétérogènes et limitées.

Certains Etats comme la France, l’Italie et la Suisse ont mis en place de solides systèmes. Il reste cependant de nombreuses lacunes que les terroristes exploitent. Nous allons, par conséquent, élaborer le premier traité international destiné à ériger en infraction pénale les actes spécifiques qui soutiennent le trafic des « antiquités du sang ».

La nouvelle convention aidera les Etats à punir les passeurs, les fonctionnaires véreux, les trafiquants et aussi, le cas échéant, les acheteurs. L’objectif est de la faire adopter à la session ministérielle annuelle de mai prochain.

La seconde initiative est la révision de nos lignes directrices sur le soutien que les Etats apportent aux victimes du terrorisme. Malheureusement, le nombre de ces victimes augmente. Actuellement, l’aide reçue par les survivants et leur famille après un attentat est aléatoire car elle dépend de leur lieu de résidence. Alors que la plupart des Etats fournissent des soins médicaux, par exemple, ou prennent en charge les frais des personnes blessées sur leur territoire, il n’y a que des garanties lacunaires pour les citoyens européens blessés lors d’un voyage à l’étranger.

Les commémorations et les minutes de silence sont importantes. Toutefois, ces personnes ont besoin de soins de longue durée, de soutien psychologique, d’aide financière du fait de la perte de revenus. Les gouvernements ont une responsabilité particulière à leur égard. Ces personnes sont, en effet, victimes d’attentats terroristes qui sont, par définition, des attaques contre l’Etat.

Nous chercherons, par conséquent, à amener nos Etats membres à s’engager plus nettement à les soutenir en envoyant un message fort aux ennemis de l’Europe : vous n’accordez sans doute aucune valeur à la vie de nos concitoyens mais nous, si, et nous les soutiendrons jusqu’au bout.

Nous allons passer à présent aux questions ; il se produit, en Europe et dans le monde, de nombreux événements dont nous devons discuter.

Je me suis efforcé de définir un programme d’action fondé sur la coopération, les valeurs partagées et l’Etat de droit dans le but d’assurer notre stabilité commune. C’est une proposition très différente de celle que font les populistes mais c’est une proposition qui, je crois, peut changer considérablement la vie de nos concitoyens.

A une époque où fleurissent les « post-vérités », les « fausses nouvelles » et même à présent les « faits alternatifs », quand tout est remis en cause, notre engagement en faveur de la démocratie et de la décence ainsi que notre loyauté les uns envers les autres sont plus importants que jamais. Je me réjouis à la perspective d’œuvrer avec vous dans l’intérêt d’une Europe construite sur des normes partagées et une confiance mutuelle.