Retour Pologne : le Groupe anticorruption demande plus de transparence et des mesures de prévention pour promouvoir l’intégrité au sein du gouvernement central et des services répressifs

Pologne : le Groupe anticorruption demande plus de transparence et des mesures de prévention pour promouvoir l’intégrité au sein du gouvernement central et des services répressifs

Le Groupe d’États du Conseil de l'Europe contre la corruption (GRECO) indique que l’une des priorités de la Pologne serait d’établir un système de nomination, de promotion et de révocation de tous les cadres supérieurs de la police et des gardes-frontières, qui soit basé sur des critères objectifs et fondés sur le mérite et des procédures transparentes.

Un rapport publié aujourd’hui, qui fait suite à une visite effectuée sur place en Pologne l’an passé, note que « la police a été dirigée par trois commandants en chef différents en seulement deux ans et que les changements de personnel au sommet de la hiérarchie de la police ont été particulièrement controversés ». Les experts considèrent en outre que l’insuffisance des rémunérations contribue aux « difficultés croissantes » que rencontrent la police et les gardes-frontières pour attirer et retenir « un personnel qualifié et motivé ». D’après le rapport, ces salaires inadéquats peuvent également générer des « vulnérabilités face à la corruption » et inciter les agents à rechercher des sources de revenus supplémentaires via « des emplois annexes avec des risques » en termes d’incompatibilités et de relations problématiques avec des tiers.

Les spécialistes et les milieux universitaires observent « un phénomène persistant d’influence des milieux politiques sur les activités de police » en Pologne, ainsi que l’impact négatif qu’il peut avoir. Les experts du GRECO ont entendu plusieurs interlocuteurs déplorer une tendance générale similaire dans la fonction publique polonaise à la suite des modifications apportées récemment à la Loi sur la fonction publique, adoptée en janvier 2016, à l’issue d’un processus accéléré et de consultations insuffisantes. Tous les fonctionnaires de haut rang échappent désormais au champ d’application de cette loi et sont donc nommés et révoqués de manière discrétionnaire.

Le rapport est également consacré aux risques de corruption parmi les personnes occupant de hautes fonctions dans le gouvernement central. La Pologne, membre du GRECO depuis 1999, a fait l’objet de quatre précédentes évaluations. Si le nouveau rapport salue certaines avancées, notamment un nouveau programme de lutte contre la corruption pour la période 2018-2020 et la plus grande transparence des relations avec les lobbyistes, entre autres, les experts du GRECO soulignent l’importance de mettre en place des politiques de prévention et un système de poids et contrepoids pour se prémunir contre les abus de pouvoirs ou une concentration des pouvoirs.

Une autre préoccupation concerne l’absence de règles et lignes directrices claires relatives aux cadeaux : « Dans la pratique, les gens ont relativement peu conscience de ce qui constitue des cadeaux et avantages acceptables ou interdits », constatent les experts.

Si le rapport se félicite des obligations déclaratives ayant trait au patrimoine des personnes occupant de hautes fonctions de l’exécutif, notamment des biens détenus en copropriété avec le conjoint, il note aussi que les déclarations de patrimoine peuvent donner une image limitée de certains intérêts privés en cas de changement de régime matrimonial. Un autre problème est l’absence de cadre juridique cohérent garantissant la transparence pour toutes les personnes occupant de hautes fonctions de l’exécutif.

Par ailleurs, la vérification des déclarations de patrimoine par le Bureau central anticorruption (BCA) polonais n’est pas satisfaisante. Les données du rapport d’activité annuel 2017 du BCA, par exemple, revêtent la plupart du temps un caractère général et ne sont guère pertinentes selon le GRECO. Elles portent seulement sur le nombre de déclarations reçues. D’après certaines estimations, le BCA ne vérifierait qu’environ 1 % des déclarations qu’il reçoit et, trop souvent, seules des allégations publiques dans les médias ou un rapport critique d’une ONG l’inciteraient à une action effective.

Le GRECO nourrit également des préoccupations quant à l’indépendance du BCA, qui est placé sous l’autorité du Premier ministre et d’un « ministre spécialement désigné comme Coordonnateur des services spéciaux ». Il recommande la mise en place d’un « mécanisme indépendant de vérification » des déclarations de patrimoine des personnes exerçant de hautes fonctions exécutives, doté de moyens juridiques, techniques et autres adéquats pour s’acquitter de ses tâches de manière efficace et responsable.

Les experts indiquent qu’il n’existe pas d’activités systématiques de sensibilisation à l’intention des personnes occupant de hautes fonctions de l’exécutif. Un ministre ou un haut responsable de l’exécutif peut ainsi exercer tout son mandat sans avoir jamais été dûment informé ou formé sur ses obligations en matière d’intégrité.

Les sondages d’opinion sur la perception et l’expérience de la corruption par le grand public et le monde des affaires polonais révèlent des tendances contrastées au cours des dernières années. Selon des sondages internationaux récents comme l’Eurobaromètre sur la corruption de 2017, 58 % des Polonais estimaient que la corruption était « généralisée et touchait également les politiciens et la police », et 83% des représentants d’entreprises considéraient que les liens étaient trop étroits entre la politique et l’économie.

Tandis que les médias font régulièrement état d’allégations de corruption, de trafic d’influence, d’abus de pouvoir et d’autres questions d’intégrité, les organisations de la société civile s’inquiètent de la remise en cause de leur travail, des limitations de la liberté d’expression et des pressions exercées sur les médias privés.

Le GRECO invite les autorités polonaises à soumettre un rapport sur les mesures adoptées pour mettre en œuvre les nombreuses recommandations énoncées dans le rapport avant le 30 juin 2020.

Ces mesures seront évaluées par le GRECO dans le cadre de sa procédure spécifique de conformité.

Strasbourg 28/01/2019
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