Retour Dixième anniversaire de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels

Strasbourg , 

Seul le prononcé fait foi

 

Monsieur le Président des Délégués des Ministres du Conseil de l’Europe, Monsieur l’Ambassadeur, Monsieur Emil Ruffer,

Madame la Baroness Massey, Représentante de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe,

Monsieur le Président Janizzi,

Messieurs les anciens Présidents Ruelle et Gudbrandsson,

Madame Maud De Boer-Buquicchio, Rapporteuse spéciale de l’ONU, Chère Maud

Mesdames et Messieurs les intervenants,

Mesdames et Messieurs,

C’est un privilège d’être avec vous aujourd’hui pour cette conférence.

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Permettez-moi tout d’abord de remercier Mme Hernaiz Piliar d’avoir fait don à cette cause des magnifiques poupées artisanales – les « Pilucas » – que vous aurez vues dans la salle de réunion.

Remercions-la chaleureusement pour ce geste touchant et généreux.

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Notre Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels est au nombre des instruments les plus essentiels que nous ayons jamais élaborés.

La démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit – les trois piliers qui fondent le Conseil de l’Europe – n’ont d’autre but que de protéger chaque citoyen contre l’injustice. Et parler des enfants, c’est parler de ceux qui sont souvent les plus vulnérables.

Non seulement la Convention facilite cette action, mais elle le fait dans le but de combattre un terrible fléau.

Comme vous le savez, on estime qu’un enfant sur cinq est à un moment ou un autre victime d’exploitation ou d’abus sexuel.

Et le traumatisme d’une telle expérience peut avoir des effets tout au long de la vie : il peut perturber le parcours scolaire ou professionnel et entraîner divers problèmes de santé mentale.

De sorte que lorsque la Convention est entrée en vigueur il y a dix ans, elle était pour nous tous, à juste titre, un sujet de fierté, comme elle l’est encore aujourd’hui.

La Convention était – et reste – l’instrument de droit international le plus ambitieux et le plus complet dans ce domaine.

Elle couvre un double problème : d’une part l’abus sexuel au sein de la famille ou du « cercle de confiance » de l’enfant et d’autre part les actes commis à des fins commerciales ou lucratives.

La Convention précise en outre que les États doivent établir des lois spécifiques criminalisant l’exploitation sexuelle et mettant en place les moyens de poursuivre ses auteurs, et prendre des mesures concrètes de prévention et de protection contre ces pratiques.

La coopération internationale y est également encouragée et, dans toutes ces mesures, l’intérêt de l’enfant tient une place de premier plan.

Aujourd’hui, dix ans après, quel bilan pouvons nous tirer ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Les quarante-sept États membres du Conseil de l’Europe ont signé la Convention, quarante-deux l’ont ratifiée et d’autres sont en passe de le faire. Plusieurs États non européens seront bientôt parties à la Convention ou envisagent de la ratifier.

De plus, la Convention est aujourd’hui une référence internationale pour des pays extérieurs du Conseil de l’Europe.

L’Alliance mondiale WeProtect, les projets de coopération internationale et le renforcement des capacités avec des institutions internationales partenaires comme Europol, Interpol, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et les organes des Nations Unies sont autant de vecteurs des objectifs de la Convention au service des enfants, tant en Europe qu’hors de notre continent.

On peut se féliciter de voir que la Convention a fait connaître ces questions, que les législations ont changé et que la capacité à prévenir les infractions sexuelles commises à l’encontre des enfants et à y répondre s’est améliorée dans les États signataires. Mais les États n’ont pas été simplement livrés à eux-mêmes pour mettre en œuvre la Convention isolément.

Au contraire, le Conseil de l’Europe s’est appuyé sur la Convention pour proposer un outil dynamique en vue de nouveaux progrès.

Notre organe de suivi, le Comité de Lanzarote, a joué à cet égard un rôle central.

Depuis le début de ses travaux en 2013, il a naturellement veillé à la mise en œuvre effective de la Convention, mais plus que ça il a aussi amélioré la coopération, facilité les bonnes pratiques et apporté des solutions aux lacunes et défis qui se sont fait jour.

Parmi ses nombreuses réalisations importantes, je citerai deux rapports spécifiques.

Le premier était le rapport de suivi sur la protection des enfants contre les abus sexuels commis dans le cercle de confiance.

Ce rapport était inspiré des enseignements d’une visite sur le renforcement des capacités effectuée à la Barnahus de Reykjavik, où les parties ont pu constater par elles-mêmes l’utilité d’une approche interinstitutionnelle, qu’elles ont recommandée dans les conclusions du rapport.

Ce rapport a conduit ensuite à la création de Maisons des enfants dans toute l’Europe.

Le second rapport – un rapport spécial – portait sur la protection contre l’exploitation et les abus sexuels pour les enfants touchés par la crise des réfugiés.

Face à l’afflux croissant de réfugiés vers l’Europe ces dernières années, le rapport recensait les dangers auxquels étaient exposés les enfants touchés par la crise des réfugiés, notamment ceux qui étaient non accompagnés ou portés disparus après leur arrivée.

Il contenait aussi des recommandations de mesures pratiques à mettre en place pour atténuer l’ampleur de ces problèmes, consistant notamment à détecter les enfants présentant des signes d’exploitation, veiller à ce que leurs droits leur soient expliqués, s’assurer que les adultes avec lesquels ils entrent en contact soient dûment formés, équiper les centres d’accueil pour en faire des espaces sécurisés n’entraînant aucun traumatisme et mettre en place des protocoles destinés à réduire le nombre des disparitions.

Ce sont des mesures importantes, qui ont en commun l’expertise, la détermination et une volonté constante de partager les meilleures pratiques et d’en tirer des enseignements.

Mesdames et messieurs, c’est là précisément ce qui nous réunit aujourd’hui.

Nous avons beaucoup avancé ces dix dernières années, mais il nous reste encore du chemin à parcourir.

La campagne UN sur CINQ a produit des résultats, mais nous savons tous que nous ne pourrons nous reposer que lorsqu’aucun enfant ne sera plus victime d’abus.

Nous devons donc être prêts à faire preuve de franchise et d’ouverture concernant les problèmes encore non résolus et la manière dont l’exploitation et l’abus sexuels des enfants évoluent, en lien notamment avec les mutations rapides des moyens techniques.

C’est aussi l’occasion pour nous de nous interroger sur notre réponse à ces problèmes.

De nombreuses personnes réunies dans cette salle, qu’elles représentent le Conseil de l’Europe, un État membre ou une ONG, apportent déjà de longue date une contribution vitale à cet effort.

Cette semaine, nous avons ici l’occasion d’ouvrir la voie à de nouvelles avancées.

Cette conférence est l’occasion de mettre en commun nos expériences et connaissances diverses, de partager nos ambitions et nos idées et de renforcer le « circuit des bonnes pratiques » grâce auquel nous pourrons venir à bout du fléau que sont l’abus et l’exploitation sexuels des enfants.

Chaque enfant auquel nous pourrons épargner une telle expérience mérite tous nos efforts.

Je vous remercie pour votre présence ici et j’entendrai vos conclusions avec intérêt.