Retour « Les droits de l’Homme et la démocratie à l’ère numérique: quelles garanties pour les données personnelles et quelles réponses aux discours de haine et à la désinformation sur Internet ? »

Sénat, Paris , 

Conformément au prononcé

 

Monsieur le Président du Sénat,

Mesdames et Messieurs les Sénateurs et Députés,

Mesdames et Messieurs les Ambassadrices et Ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

 

 

 

Permettez-moi avant tout de remercier la délégation française à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe d’avoir organisé ce colloque, et vous remercier, Monsieur le Président du Sénat, de nous accueillir aujourd’hui.

 

La France préside actuellement, de façon particulièrement ambitieuse et féconde, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.

 

Cette Présidence intervient au moment où notre institution célèbre son 70e anniversaire.

 

70 ans au cours desquels nous avons relevé, ensemble avec nos 47 Etats membres, de nombreux défis, avec pour mandat de renforcer les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit.

 

Parmi ces défis, le développement du numérique n’est pas des moindres. Les questions identifiées pour examen au cours de ce Colloque en font évidemment partie, et je suis dès lors particulièrement heureuse que le Conseil de l’Europe y soit associé. Car nous sommes partenaires naturels.

 

La protection de la vie privée et des données personnelles, tout d’abord. Leur protection est un droit fondamental, consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, mais aussi par la Convention 108 du Conseil de l’Europe, seul instrument international contraignant en la matière, que nous avons modernisé l’an passé. Le respect du droit à la protection des données personnelles est plus important que jamais, à l’heure où nos vies se digitalisent de plus en plus et que la production de données à caractère personnel est exponentielle.

 

L’Internet et la digitalisation permettent une mondialisation sans précédent des services, transferts, interactions, mais entraînent la disparition totale des frontières nationales, ce qui cause des difficultés réelles aux Etats : comment assurer une protection appropriée aux individus, si leurs données sont ailleurs ?

 

M. Jean-Philippe Walter, Commissaire à la protection des données du Conseil de l’Europe, participe à ce colloque et présentera plus avant la protection offerte par la Convention 108 modernisée.

 

Deuxième question : la lutte contre le discours de haine. Fruit des préjugés et de l'intolérance, amplifié dans les médias sociaux, il devient une menace pour l'intégrité personnelle, les droits de l'homme, la dignité humaine, ainsi que pour la cohésion de nos sociétés et la solidité des institutions démocratiques.

 

Son éradication nécessite de la détermination, de l’exemplarité et une prise de responsabilité politique.

 

La France l’a parfaitement compris et fait figure de précurseur en la matière : le projet de loi sur l'Obligation renforcée de retrait des contenus haineux en ligne est un pas important dans la bonne direction. Il cherche à trouver un équilibre entre la protection de la liberté d'expression et la restriction des formes d'expression qui visent à inciter à la violence, à l'hostilité et à la discrimination. Bien sûr, l'impact de cette future loi devra être évalué régulièrement et soigneusement.

 

Dans ce domaine également, le premier point de référence pour nos Etats est la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ; et je salue la présence parmi nous de Monsieur le juge élu au titre de la France, André Potocki.

 

La Cour bénéficie d’ailleurs d’un soutien sans faille de la France et notamment du Président de la République, ce dont nous sommes très reconnaissants.

 

Sur cette base, le Conseil de l’Europe a développé ces dernières années des normes et une expertise considérable en matière de lutte contre le discours de haine, dont je vous invite à faire plein usage.

 

Le Conseil de l’Europe est votre institution, prête à fournir un soutien et des avis formels concernant l’application des standards.

 

Il travaille d’ailleurs actuellement avec ses États membres à l’élaboration de stratégies cohérentes de lutte contre le discours de haine, conjuguant les efforts des législateurs, de la justice et des forces de l'ordre, des organisations de défense des droits, et des institutions d'éducation formelle et non formelle, suivant les principes définis par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance – l’ECRI, dont nous venons de célébrer à Paris le 25e anniversaire.

 

Pour aider les Etats à mettre en place de telles stratégies globales, le Comité des Ministres est en train d’examiner la création d’un comité qui guiderait les travaux gouvernementaux sur la non-discrimination, la diversité et l’inclusion.

 

Enfin, troisième question : la désinformation – phénomène complexe et préoccupant, auquel nous sommes très attentifs.

 

Les plateformes technologiques sur lesquelles elle prospère ne sont pas des vecteurs de communication neutres et elles ne peuvent pas l’être, car elles sont animées par des milliards d’humains. 

 

Aussi, le phénomène de la désinformation doit être appréhendé dans le cadre du nouvel écosystème des médias.

 

Nous l’observons : les médias deviennent de plus en plus partisans et cherchent l’audience au travers de flux dérivés d’algorithmes auprès de publics qui, pour gérer les flots d’informations qui se présentent à eux, se contentent de survoler les gros titres. 

 

Cette réalité nous préoccupe et nous étudions la pertinence d’une approche réglementaire, tout en étant conscients de la complexité d’une telle démarche.

 

Au-delà de la régulation, c’est l’éducation qui est l’arme la plus forte contre la désinformation. C’est pour cette raison que nous aidons les Etats membres à concevoir des programmes d’initiation à l’information dans le cadre des programmes scolaires.

 

Mesdames et Messieurs,

 

Je voudrais, avant de conclure, dire encore quelques mots sur une matière qui impacte toutes les problématiques dont vous débattrez aujourd’hui. Je veux parler de l'intelligence artificielle.

Pour le Conseil de l’Europe comme pour nos Etats et d’autres organisations, il s’agit d’un thème brûlant, compte tenu de son impact sur nos sociétés.

 

La France est à l’initiative du lancement d’un « Global Partnership on AI ». Elle soutient également fortement nos travaux dans ce domaine.

 

Sous sa présidence, le Conseil de l’Europe vient de créer un Comité sur l'intelligence artificielle, chargé d'examiner la faisabilité et les éléments potentiels d'un cadre juridique pour le développement, la conception et l'application de l'intelligence artificielle, dans le respect des normes du Conseil de l'Europe en matière de droits de l’homme, de démocratie et d’Etat de droit.

 

Ce Comité débutera ses travaux lundi. Je ne peux que nous inviter à les suivre de près.

 

Ils seront menés dans une approche multipartite avec d'autres organisations internationales, la société civile, les entreprises et le secteur académique.

 

Le soutien des élus que vous êtes nous sera indispensable dans cette démarche, ainsi que dans tous nos efforts constants de faire en sorte que l’ère numérique soit au service des droits humains et de la démocratie et non pas un facteur de leur déclin.

 

Je vous remercie de votre attention et de votre soutien et vous souhaite un excellent Colloque.