Conférence « La lutte contre la corruption : normes internationales et expériences nationales »

Bakou, 30 juin 2014

Monsieur le Président et Monsieur le Procureur Général,
Monsieur le Directeur de l'administration présidentielle,
Monsieur le Ministre de la justice,
Monsieur le Président de la Commission anti-corruption,
Monsieur le Président du GRECO,
Monsieur le Doyen,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

C’est un privilège et un réel plaisir pour moi, au nom du Secrétaire général du Conseil de l'Europe, Monsieur Thorbjørn Jagland, que j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui, d'ouvrir cette Conférence qui porte sur un thème de la plus haute importance pour tous les Etats membres du Conseil de l'Europe : la lutte contre corruption.

La corruption, avec les dysfonctionnements du système judiciaire, est en effet l'un des problèmes majeurs identifiés par le Secrétaire général dans son rapport sur la situation des droits de l'homme, de la démocratie et de l'État de droit en Europe. Ce rapport – vous le savez sans doute – a été présenté par le Secrétaire général lors de la réunion du Comité des Ministres qui s’est tenue à Vienne, le 6 mai dernier.

Aussi je me félicite vivement que l'Azerbaïdjan, dans le cadre de sa présidence du Comité des ministres du Conseil de l'Europe, a pris l'initiative d'organiser cet événement afin de recenser les normes internationales et les bonnes pratiques nationales pour combattre ce fléau qui mine nos sociétés.

Le président de l'Azerbaïdjan, Monsieur Ilham Aliyev, a déclaré la semaine dernière devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe : « La corruption est l’un des chantiers prioritaires de la Présidence azerbaïdjanaise […]. La corruption met en péril le développement de notre pays. Nous avons donc entrepris de prendre plusieurs mesures, aux niveaux administratif et institutionnel, destinées à lutter contre ce phénomène ». Monsieur Aliyev ajoutait : « ce fléau doit absolument être éliminé […]. Le gouvernement sait qu'il ne pourra réussir que s'il parvient à le faire disparaître. A cet égard, les expériences positives de pays membres du Conseil de l'Europe nous seront très utiles à l'avenir ».

Comme le relève le rapport du Secrétaire général, la crise économique actuelle, qui érode la prospérité, qui érode l'égalité sociale et l'emploi, favorise les comportements répréhensibles. De surcroît, la corruption non seulement freine le développement économique – à cet égard, je relève que selon le « rapport anticorruption » de l'Union européenne de février 2014,  la corruption coûterait 120 milliards d'euros par an aux membres de l'Union –, mais par ailleurs et surtout, la corruption sape le fonctionnement de la démocratie, le respect des droits de l'homme et de l'État de droit.

Les principaux défis identifiés dans ce contexte sont le financement occulte des partis politiques, ou par la corruption, l'immunité pénale des élus, immunité qui les met à l'abri de la critique de l'opinion publique et des enquêtes judiciaires, le déficit d'intégrité parlementaire et judiciaire et, enfin, la corruption au sein de l'administration publique. Tout cela finit par anéantir la confiance de la population en la bonne foi des élites pourtant appelées à servir leurs concitoyens en recherchant le bien commun.

Le rapport du Secrétaire général se base sur un tableau matriciel des résultats de tous les mécanismes de suivi conventionnels du Conseil de l'Europe. La corruption a été identifiée comme problème majeur dans 26 de nos Etats membres. Il s'agit du troisième défi le plus important pour notre Organisation, derrière la discrimination envers les minorités ethniques ou nationales et les conditions de détention, conséquence de la surpopulation carcérale.

En 2002, deux ans après l'adhésion de l'Azerbaïdjan, la Convention pénale sur la corruption est entrée en vigueur, suivie en 2003 par la Convention civile sur la corruption et plusieurs instruments normatifs adoptés par le Comité des ministres, dont la recommandation sur le financement des partis politiques. Le groupe d'Etats contre la corruption, le Greco, est devenu l'un de nos mécanismes de suivi les plus efficaces, dont les rapports font référence pour nos Etats membres et d'autres organisations internationales. Aussi je me réjouis de la présence parmi nous  du président du GRECO, Monsieur Marin Mrcela, qui nous entretiendra  plus tard –  en détail et avec autorité – des activités du Greco.

Vous le savez, le Conseil de l'Europe complète ses activités normatives et de monitoring par ses activités de coopération ciblée avec ses Etats membres. À l'heure actuelle, le Conseil de l'Europe mène des activités de coopération concernant la corruption dans 17 de nos Etats membres. Ces activités visent à renforcer les capacités des autorités à prévenir et à combattre la corruption. Je saisis cette occasion pour réitérer la disponibilité de la Direction générale Droits de l’homme et Etat de droit – que j’ai le privilège de diriger – à entreprendre de telles activités de coopération.

Monsieur le Président,

Pour renforcer la lutte contre la corruption, le rapport du Secrétaire général formule quatre recommandations à l'attention de l'ensemble de nos Etats membres :

  • renforcer l'intégrité dans la justice, les forces de l'ordre et le ministère public ;
  • encourager les parlementaires à lutter avec détermination contre la corruption dans leurs propres rangs ;
  • mettre en place des organes indépendants de contrôle du financement des partis politiques, et, enfin, quatrième recommandation,
  • protéger les lanceurs d'alerte.

La mise en œuvre de ces recommandations est un objectif prioritaire afin de rétablir la confiance dans la population et la crédibilité des institutions. Il y va du respect de l'État de droit et des droits de l'homme sans lesquels il ne saurait y avoir de démocratie véritable.

Vous le savez bien évidemment, la corruption est souvent liée au blanchiment d'argent. On constate malheureusement dans nos Etats membres de faible taux de condamnations et de saisies dans les affaires de blanchiment d'argent. La coopération internationale est trop souvent inefficace, voire inexistante. L'accès à des informations fiables sur la situation réelle des sociétés et des fiduciaires est très largement insuffisant. Aussi, la facilité avec laquelle il est possible de de blanchir l'argent sale en toute impunité ne peut que favoriser la poursuite des activités criminelles.

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs,

Le Conseil de l'Europe est composé de 47 Etats membres et regroupe plus de 800 millions d'Européens et d'Européennes. Notre Organisation est fière de la diversité des cultures, des traditions et des coutumes locales de ses Etats membres. C'est sa richesse. Les différences entre les cultures ne sauraient néanmoins justifier la corruption. La corruption est incompatible avec la démocratie, dans toutes nos sociétés.

Un autre président de l’un de nos Etats membres s'est adressé à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe la semaine dernière, Monsieur Igor Porochenko, président de l'Ukraine. Monsieur Porochenko a qualifié la corruption de cancer, un cancer qui gangrène toute la société ukrainienne, tout particulièrement le pouvoir judiciaire et l'administration publique. Éradiquer la corruption constitue à ses yeux l'un des défis majeurs de son pays, condition sine qua non au rétablissement de la démocratie et de l’Etat de droit. La première condition pour y parvenir est une très forte volonté politique, au plus haut niveau de l’Etat, nécessaire pour adopter des mesures concrètes, des mesures efficaces, dans les plus brefs délais. La société civile et les médias doivent bien entendu eux aussi jouer leur rôle de surveillance. Et cette forte volonté politique, si elle est nécessaire en Ukraine, elle l’est bien évidemment dans tous nos Etats membres également.

Je suis convaincu que la Conférence d'aujourd'hui et de demain, en identifiant les normes internationales et les expériences nationales positives, apportera une contribution importante à la lutte contre la corruption dans tous nos Etats membres et je remercie une fois encore chaleureusement l’Azerbaïdjan d’en avoir pris l’initiative. J’exprime ma plus vive gratitude à toutes les personnes qui ont participé à la parfaite organisation de cette Conférence et aux autorités de l’Azerbaïdjan pour leur généreuse hospitalité.

Je vous souhaite des débats fructueux et je vous remercie de votre attention.