2ème réunion du Comité ad hoc sur la protection des données

Strasbourg, 28 avril 2014

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Chers collègues,

C’est un vrai plaisir pour moi de m’adresser à vous aujourd’hui à l’occasion de votre deuxième réunion, que j’ai le privilège d’ouvrir.

En novembre de l’année passée, lors de votre première réunion, j’avais souligné l’importance toute particulière de votre comité et de vos travaux.  Importance pour le Conseil de l’Europe, importance pour ses Etats membres et les personnes qui y vivent, mais également importance pour des pays d’autres régions du monde. J’en veux pour preuve la participation à cette réunion de représentants de nombreux Etats non-européens. Je souhaite une bienvenue chaleureuse à chacun d’entre vous.

Je me félicite des travaux accomplis lors de votre première réunion. Vos échanges ont été fructueux et consensuels. Ils vous ont permis de faire avancer les réflexions. Je ne doute pas que cette deuxième réunion sera de la même veine et qu’en fin d’année, lors de votre troisième réunion, vous serez parvenus à donner à la Convention 108 son nouveau profil. Un profil qui ne sera à vrai dire pas très différent de celui que vous lui connaissez aujourd’hui puisque ses traits caractéristiques, sa nature générale et ouverte ainsi que sa vocation primordiale de protection des droits de l’homme, continueront d’en faire sa spécificité et sa valeur ajoutée.

Vous êtes bien entendu toutes et tous au fait de l’actualité abondante de ces derniers mois en matière de droit au respect de la vie privée et de protection des données à caractère personnel. Je me limiterai donc à revenir sur quelques points qui sont d’un intérêt tout particulier pour le Conseil de l’Europe.

En novembre dernier, j’évoquais les suites des révélations d’Edward Snowden. Je soulignais notamment que la sécurité nationale, tout en demeurant un objectif essentiel pour nos Etats – ce que personne ne conteste - , doit néanmoins être assuré dans un cadre précis, respectant pleinement l’Etat de droit et la Convention européenne des droits de l’homme, telle qu’interprétée par la Cour.

Dans ce contexte, j’attire votre attention sur la requête « Big brother watch et autres c. Royaume-Uni ». Cette requête a été introduite en septembre 2013 par trois organisations non-gouvernementales ayant leur siège à Londres ainsi que par un organisme universitaire berlinois. La requête a été communiquée au gouvernement défendeur le 9 janvier. Les requérants allèguent avoir  fait l’objet d’une surveillance générale par les services de sécurité britanniques et soutiennent que ces derniers peuvent avoir reçu des éléments interceptés à l’étranger relatifs à leurs communications électroniques. Selon les requérants, l’ingérence dans leurs droits protégés par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme n’était pas « prévue par la loi » et n’est pas conforme aux normes minimales définies par la Cour dans sa jurisprudence.

Il est intéressant de noter que dans une affaire de nature similaire, l’affaire Zakharov c. Russie, la Chambre saisie de l’affaire a décidé, le 11 mars dernier, de se dessaisir au profit de la Grande Chambre. Les décisions que rendra la Cour dans ces affaires seront évidemment du plus grand intérêt pour vos travaux.

Un autre développement judiciaire intéressant est la décision récente de la Cour de Justice de l’Union européenne du 8 avril 2014, en matière de conservation des données. Cette décision constitue un renforcement indéniable de la protection des personnes au regard du traitement de données à caractère personnel. Les références faites par la Cour de Luxembourg à la Convention européenne des droits de l’homme et à la jurisprudence correspondante de la Cour de Strasbourg sont essentielles mais soulignent également l’importance de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, afin d’éviter les risques d’interprétations divergentes de droits figurant dans la CEDH et dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

L’importance de cette adhésion est l’un des points que j’ai souligné lors de mon audition devant la mission commune d’information du Sénat français. Cette mission du Sénat français est chargée de préparer un rapport sur le rôle de l’Union européenne dans la gouvernance de l’Internet. Lors de cette audition, le 15 avril dernier, j’ai mis en évidence les travaux du Conseil de l’Europe en matière de gouvernance de l’Internet, et l’articulation de ces travaux avec ceux de l’Union européenne. La Convention 108 est la parfaite illustration de la complémentarité des actions et des cadres juridiques respectifs. La promotion faite par l’Union européenne de la Convention 108 au-delà des frontières de ses Etats membres nous le démontre.

Enfin, la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a réussi l’exploit technique le 8 avril, de conduire une audition à distance, en temps réel, de M. Snowden. Je précise que cette audition s’inscrivait dans le cadre des travaux de préparation du rapport de l’APCE relatif à la surveillance de masse et à la protection des donneurs d’alerte.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Je souhaite également vous informer de l’adoption, il y a deux semaines à peine, par le Comité des Ministres, d’un guide des droits de l’homme pour les utilisateurs d’Internet. Je viens de souligner les nombreuses actions menées par le Conseil de l’Europe en matière de gouvernance de l’internet, le Guide compte au nombre de ces actions.

Ce guide est destiné à aider les utilisateurs d’Internet à mieux comprendre quels sont leurs droits de l’homme en ligne et ce qu’ils peuvent faire lorsqu’il est porté atteinte à ces droits.

Ce guide vise à mettre les utilisateurs en mesure d’exercer leurs droits en ligne. Il se focalise donc sur les droits de l’homme sur lesquels Internet a le plus d’impact : l’accès et la non-discrimination, la liberté d’expression et d’information, la liberté de réunion, d’association et de participation, la protection de la vie privée et des données à caractère personnel, l’éducation et les connaissances générales, la protection des enfants et des jeunes, et enfin, le plus important, le droit à des recours effectifs en cas de violations des droits de l’homme en ligne.

Le lancement officiel de ce guide a lieu aujourd’hui même, à l’occasion de la Conférence intitulée « un Internet libre et sûr pour tous » qui se tient ce lundi et demain à Tallinn, sous l’égide de la coalition « freedom online ».

Toute dernière information : nous aurons l’honneur et le plaisir d’accueillir le 5 juin prochain, à Strasbourg, la Conférence européenne des autorités de protection des données. Cette conférence est organisée conjointement par le Conseil de l’Europe et la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, l’autorité française de protection des données. Le thème phare des travaux de cette année sera la coopération entre autorités de protection des données. Cet aspect est également l’un des points qui sera renforcé par la Convention 108 révisée.

Je vous souhaite une excellente réunion.