Assemblée Générale de l'IERDJ

Paris, 11 mars 2024

Monsieur le Premier Président de la Cour de Cassation,
Mesdames les Vice-Présidentes, Madame la Directrice de l’IERDJ,
Monsieur l’Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs les représentantes et représentants des membres constitutifs de l’IERDJ, en vos grades et qualités,

Avant tout, je voudrais vous remercier de votre invitation et d’avoir consacré, lors de votre Assemblée Générale, un point au Conseil de l’Europe, à la veille de son 75e anniversaire.

Monsieur l’Ambassadeur, vous avez rappelé l’histoire de notre Organisation : un rôle historique, de la création de la Cour européenne des droits de l’homme à l’abolition de la peine de mort, de la dépénalisation de l’homosexualité à la protection des données.

Un rôle fondamental également pour aujourd’hui et pour demain.

Parce que nous sommes à Paris, je citerai quelques mots du Président Emmanuel Macron, prononcés lors du 4e Sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernements du Conseil de l’Europe à Reykjavik, en mai dernier :

« Nous disposons d’autres enceintes pour échanger sur les conflits armés, sur les grands équilibres stratégiques (…), mais un seul lieu nous permet d’agir pour la « sécurité démocratique » de notre continent : le Conseil de l’Europe.

Il demeure la maison solide de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’Homme pour les citoyens européens. Et il doit continuer à les protéger face aux nouvelles menaces, celles que le changement climatique fait peser sur la protection des droits de l’Homme, comme celles qui accompagnent l’émergence d’un monde entièrement repensé par le numérique et, de plus en plus, par l’intelligence artificielle. »

Face à ce qu’il a appelé une convergence de périls, il a aussi souligné le rôle fondamental de Cour européenne des droits de l’Homme, dont il est indispensable que les arrêts soient pleinement appliqués, et insisté sur le rôle joué par le Conseil face à l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie.

« Se réengager en faveur du système de la [CEDH], pierre angulaire de la protection des droits de l’Homme au Conseil de l’Europe » ;

« Unis pour relever les défis actuels et futurs » - y inclus s’agissant d’environnement et d’intelligence artificielle ;

« Unis pour l’Ukraine et la Responsabilité ».

Autant de points clés du document final du Sommet de Reykjavik, fixant les priorités politiques de notre Organisation, sur lesquels il me semble utile de pouvoir partager quelques réflexions avec vous ce matin, gardant en vue les missions qui sont les vôtres.

Le « réengagement en faveur de la CEDH » tout d’abord.

Tout a été dit ou presque sur la Convention – je ne détaillerai donc pas sa contribution à la protection et à la promotion des droits de l’homme et de l’Etat de droit en Europe, ni son rôle dans le maintien et la promotion de la sécurité démocratique, ni encore toutes les réalisations de la Cour européenne des droits de l’homme.

Je voudrais plutôt m’attarder sur deux sujets mis en avant à Reykjavik, et qui sont d’une grande importance pour l’avenir du système de la Convention.

D’abord, l’importance fondamentale d’une exécution pleine, effective et rapide des arrêts de la Cour européenne par les Etats parties à la Convention, ainsi plus généralement que d’une bonne prise en compte sa jurisprudence, pour donner pleinement effet à la Convention au niveau national.

Résoudre les problèmes systémiques et structurels identifiés par la Cour peut entraîner de plus ou moins grandes difficultés pour les autorités nationales compétentes.

La France elle-même, qui ne représente qu’une fraction infime des requêtes soumises à la Cour de Strasbourg (bien moins de 1%), est peu condamnée par rapport à d’autres Etats. Mais des problèmes existent, bien connus, et leur résolution demeure parfois complexe. Je ne citerais que le problème structurel lié à la surpopulation et aux conditions de détention dans de nombreux établissement pénitentiaires, qui a valu plusieurs condamnations à la France et sera examiné cette semaine par le Comité des Ministres, dans le cadre de sa surveillance de l’exécution du groupe d’affaires J.M.B. et autres contre France.
L’un des points sous examen concerne l’effectivité en pratique du recours judiciaire créé en 2021 et permettant aux détenus de se plaindre de leurs conditions de détention – un point décisif du point de vue de la recevabilité de futures requêtes devant la Cour européenne.

Mais si l’exécution des arrêts de la Cour est une obligation inconditionnelle des Etats parties, ces derniers ne sont pas mis dos au mur.

La Déclaration de Reykjavik a confirmé de façon très claire l’engagement de notre Organisation à aider les Etats dans cette tâche, « affirm[ant] la nécessité d’une approche coopérative et inclusive, fondée sur le dialogue, dans le processus de surveillance pour aider les Etats à exécuter les arrêts. »

Cela passe notamment par : la mise en place de programmes de coopération visant à aider les Etats parties à mettre en oeuvre les arrêts ; l’implication croissante d’organes consultatifs et de suivi du Conseil de l’Europe, pour apporter leur expertise ; un soutien au renforcement du dialogue entre la Cour européenne et les Cours suprêmes et constitutionnelles ; on encore un renforcement du dialogue politique, lorsque cela est pertinent – impliquant la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe, ou les Présidences du Comité des Ministres et de l’Assemblée Parlementaire – avec leurs interlocuteurs nationaux respectifs en matière d’exécution.

Renforcer la bonne prise en compte la jurisprudence de la Cour au niveau national conduit également le Conseil de l’Europe à investir dans le partage des connaissances sur cette jurisprudence.

Un sujet loin d’être anodin si l’on veut renforcer la subsidiarité.

La plateforme numérique de partage des connaissances sur la CEDH, dénommée « ECHR-KS » (« KS » comme « knowledge sharing ») est une mine de connaissances : intuitive, à jour, et elle est accessible au public depuis l’automne 2022.

Ensemble avec le Greffe de la Cour, nous mettons en oeuvre un programme – d’ailleurs cofinancé par la France - par lequel nous en faisons la promotion et, pour tirer pleinement parti de la digitalisation croissante des systèmes judiciaires, nous oeuvrons à progressivement relier informatiquement cette plateforme avec les outils numériques utilisés par les professionnels du droit.

Une étude des possibilités existantes est d’ailleurs en cours avec la Cour de cassation.

Le second point ayant trait à la CEDH et que je voudrais aborder concerne l’adhésion de l’Union européenne à la Convention.

Evoquée depuis plus de quarante ans, cette adhésion est une priorité politique majeure du Conseil de l'Europe - et une obligation juridique pour l'Union européenne depuis 2009.

Son effet serait tangible : elle placerait l'ordre juridique et les institutions de l'Union sous le contrôle externe de la Cour de Strasbourg.

Un premier projet d'accord d'adhésion a été conclu en 2013 mais, en 2014, la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé incompatible avec les Traités.

Les négociations ont repris en 2019 et en avril dernier, les négociateurs ont provisoirement adopté un ensemble révisé de projets d'instruments d'adhésion.

Une question reste en suspens, concernant les cas de violations présumées des droits de l'homme résultant d'actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune de l'UE.

Nous sommes à présent dans l’attente de deux arrêts de la Cour de Luxembourg, en vue desquels l'Avocat général a donné des avis qui pourraient, s'ils étaient suivis, résoudre la question en suspens.

Ensuite, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le Parlement européen et la Cour européenne des droits de l'homme seront invitées à donner leur avis – non contraignant - sur l'accord d'adhésion, de même que, probablement, la Cour de Luxembourg, dont l’avis serait quant à lui contraignant au moins pour les Etats membres de l’Union.

Si tous ces avis étaient positifs, le Comité des Ministres serait invité à adopter l’accord d’adhésion, qui serait ensuite soumis à la ratification des parties à la négociation. L'expérience montre que la ratification peut prendre un certain temps.

Toujours est-il que les Chefs d’Etat et de gouvernement ont « encourag[é] l’adoption » de l’accord « dans les meilleurs délais », « soulignant que cette adhésion renforcera la cohérence dans la protection des droits de l’homme en Europe ».

Cette cohérence entre le Conseil, à Strasbourg, et l’Union, à Bruxelles est d’ailleurs un objectif fondamental au-delà de cette question. L’Union est notre « principal partenaire institutionnel (…) sur les plans politique, juridique et financier ».

Elle est étroitement associée également à nos travaux pour « relever les défis actuels et futurs », pour reprendre une fois encore les termes du Sommet de Reykjavik.

Des défis concernant d’abord l’environnement, nous l’avons dit.

Le Conseil de l’Europe fait partie des institutions internationales ayant un rôle à jouer.

Droits de l’homme et environnement sont intimement liés - et « un environnement propre, sain et durable est essentiel au plein exercice des droits humains des générations actuelles et futures », comme l’ont rappelé les Chefs d’Etat et de gouvernement.

Des « droits des générations futures » qui ont fait l’objet de discussions le mois dernier au cours d’une réunion internationale de haut niveau organisée par le Conseil Constitutionnel avec l’IERDJ, sur le thème « Justice, Générations futures et Environnement » et auquel la Présidente de la Cour européenne des droits de l’homme, Madame Síofra O’Leary, a participé. Je sais qu’un rapport de l’IERDJ a également été consacré à cette question, coordonné par Mme Djemni-Wagner, que nous connaissons bien en tant qu’experte et membre de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, la CEPEJ.

La Cour européenne n’est certes pas une juridiction environnementale, mais au même titre que les juridictions nationales, elle est saisie d’un nombre croissant de requêtes en matière d’environnement et de droits de l’homme, concernant non seulement le droit à la vie et le droit à la vie privée et familiale, mais aussi – entre autres - le droit d’accès à la justice pour des individus ou associations de protection de l’environnement, ou la liberté d’expression ou de réunion pacifique de militants.

La Grande Chambre de la Cour est actuellement saisie de plusieurs requêtes dans ce domaine, y inclus celle portant sur les émissions de gaz à effet de serre produites par 33 États membres et déposée par un groupe de jeunes ressortissants portugais, qui se plaignent du non-respect par les États en question de leurs obligations positives et estiment faire l’objet d’une discrimination, dans la mesure où le réchauffement climatique touche plus particulièrement leur génération.

Le Comité européen des droits sociaux a également une pratique étendue en la matière, relative entre autres au droit à la santé, reconnu dans la Charte sociale européenne.

Les juges nationaux des États parties à la Convention sont, eux aussi, de plus en plus régulièrement saisis de recours relatifs aux droits de l’homme et à l’environnement. La France ne fait pas exception, avec par exemple la décision du 20 septembre 2022 du Conseil d’Etat, qui, saisi par des particuliers qui demandaient en urgence la suspension de travaux routiers, a jugé que le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé constitue une liberté fondamentale.T

out cela se reflète notamment dans des travaux intergouvernementaux en cours, dans le contexte d’un « Processus de Reykjavik » lancé par les Chefs d’Etats et de gouvernement et destiné à « renforcer notre travail (…) sur les aspects de l’environnement liés aux droits de l’homme ».
Je mentionnerais deux chantiers.

D’abord, notre Comité directeur pour les droits de l'homme (le CDDH) a été chargé par le Comité des Ministres d’examiner la nécessité et la faisabilité d'un nouvel instrument sur les droits de l'homme et l'environnement, tel que par exemple un nouveau protocole additionnel à la CEDH, et/ou à la Charte sociale européenne, et/ou ou une convention autonome.

L'idée d'un protocole à la CEDH est particulièrement complexe, étant donné la nature particulière du droit à un environnement sain, à la fois individuel et collectif, les incertitudes quant à sa portée et à son contenu, les questions quant à l'impact des arrêts de la Cour concernant ce droit sur les politiques publiques dans d'autres domaines, et les suggestions selon lesquelles des modifications des règles et procédures de la Cour seraient nécessaires pour donner pleinement effet à ce droit.

Une convention autonome soulèverait peut-être moins de difficultés juridiques, mais il lui manquerait l'atout essentiel d'un Protocole à la CEDH, à savoir l'accès individuel à la Cour de Strasbourg et le caractère contraignant des arrêts de la Cour. Elle pourrait en revanche plus facilement aborder d'autres questions, telles que la responsabilité des entreprises pour les dommages environnementaux qui violent les droits individuels, et la protection des défenseurs des droits de l'homme dans le domaine de l'environnement.

Le Comité directeur devra faire rapport au Comité des Ministres en juin, après quoi les Etats décideront du mandat qu’ils souhaiteront donner, ou pas, de préparer un ou plusieurs nouveaux instruments.

En France, la CNCDH a adopté en septembre dernier une déclaration relative à ces travaux, prenant parti pour la reconnaissance d’un droit à un environnement sain dans le cadre d’un instrument contraignant du Conseil de l’Europe.

Le deuxième chantier porte sur une nouvelle convention sur la protection de l'environnement par le droit pénal, remplaçant la convention éponyme de 1998, qui n’était jamais entrée en vigueur.

Ce travail de rédaction est mené depuis début 2023 par un Comité d'experts sur la protection de l'environnement par le droit pénal (le PC-ENV).
Cette nouvelle convention doit être le premier instrument juridiquement contraignant ayant un impact mondial (car il s’agira d’une convention ouverte aux Etats non-membres) pour lutter contre la criminalité environnementale, aidant les États à prévenir, poursuivre et sanctionner les infractions pénales les plus graves, telles que la pollution, les déchets dangereux, l'exploitation forestière illégale, le commerce d'espèces sauvages etc.

Un projet de convention doit être présenté au Comité des Ministres d’ici la fin de l’année.

Nous oeuvrons également à renforcer notre action sur le terrain des droits de l’homme et des entreprises, avec un accent particulier sur les droits de l’homme et la protection de l’environnement. Nous nous appuyons pour cela sur la Recommandation de 2016 du Comité des Ministres aux Etats membres « sur les droits de l’homme et les entreprises ».

Aux menaces pour l’environnement s’ajoutent celles « (…) qui accompagnent l’émergence d’un monde entièrement repensé par le numérique et, de plus en plus, par l’intelligence artificielle », pour reprendre les termes du Président de la République.

Cela a été dit de maintes façons : si l’impact positif et les opportunités créés par le numérique sont clairs, il demeure nécessaire « d’atténuer les risques de conséquences négatives de leur utilisation sur les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit ».

C’est pourquoi les Chefs d’Etat et de gouvernement ont pris l’« engage[ment] » d’« assurer un rôle de premier plan au Conseil de l’Europe dans l’élaboration de normes à l’ère du numérique pour sauvegarder les droits de l’homme en ligne et hors ligne, y compris en finalisant, en priorité, la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’intelligence artificielle », les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit.

Les travaux relatifs à cette convention-cadre sont d’ailleurs d’une actualité absolue car, à l’instant même où se tient votre Assemblée Générale, le Comité intergouvernemental chargé de la négocier tient ce qui doit être sa dernière réunion.

Les Recommandations de l'UNESCO et de l’OCDE sur l’Intelligence Artificielle ont constitué des étapes clé dans la sensibilisation et la réglementation des aspects les plus délicats de l'IA au niveau mondial.

Mais les normes éthiques et la réglementation du marché ne suffiront pas, en soi, à assurer une protection suffisante contre les abus et les mauvais usages. Et les législations purement nationales, voire régionales, risquent d'entraîner une fragmentation de la protection des droits de l'homme fondamentaux.
D’où l’importance d’avoir un cadre juridiquement contraignant de portée mondiale.

Les négociations en cours sur notre nouvelle convention-cadre sur l'Intelligence Artificielle impliquent non seulement nos 46 Etats États membres, mais aussi l'Union européenne et une série de partenaires non européens, l’Argentine, l’Australie, le Canada, le Costa Rica, les Etats-Unis, Israël, le Japon, le Mexique, le Pérou, le Saint-Siège et l'Uruguay. Les autres organisations internationales pertinentes et environ 70 organisations non gouvernementales et représentants du secteur privé sont également associés.

Autant d’éléments qui contribuent à garantir que le texte final sera solide et équilibré.

Au-delà de ces travaux transversaux, le Conseil de l’Europe développe des outils et activités sectoriels en matière de développement numérique et en particulier d’intelligence artificielle : par exemple concernant la cyberjustice. Un domaine dans lequel nous collaborons d’ailleurs avec l’IERDJ, avec notamment l’organisation conjointe de deux conférences « Cyberjustice Europe ».

Je mentionnerais en particulier les travaux de la CEPEJ, notamment une Note préliminaire qu’elle a publiée sur « l'utilisation de l'intelligence artificielle générative (IA) par les professionnels de la justice dans un contexte professionnel ».

Cette note donne une première idée de ce que les juges et autres professionnels de la justice du secteur public peuvent attendre d'outils tels que ChatGPT dans un contexte judiciaire. Elle rappelle quels sont les risques, mais explique aussi comment utiliser ces outils et notamment qu’il faut rester maître de ses choix et du processus de décision et examiner d'un oeil critique les propositions qui sont faites par ces outils. Elle met en garde enfin sur les situations où il ne faut pas les utiliser.

La CEPEJ poursuit cette année ses travaux dans ces matières – par exemple en approfondissant la question de l’application potentielle de l'IA générative dans l'administration de la justice.

Cet aperçu, même très rapide et partiel, des défis face auxquels le Conseil de l’Europe est mobilisé ne serait toutefois pas complet sans s’attarder, ce sera mon dernier point, sur la menace existentielle en termes de sécurité que constitue la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine.

Une bascule pour notre continent – et la raison première pour laquelle le Sommet de Reykjavik a été convoqué.

Dès les premiers instants de cette agression, le Conseil de l’Europe a été clair, dans son soutien sans réserve à l’Ukraine et son peuple, excluant la Fédération de Russie, dès lors qu’il était devenu évident que la voie du dialogue autour de nos valeurs démocratiques et humanistes européennes était devenu vain.
Notre Organisation a, dès 2022, apporté un soutien très concret aux autorités ukrainiennes, y inclus le Bureau du Procureur Général, le ministère de la justice, les juridictions suprêmes, pour les aider à enquêter et traiter les allégations de crimes de guerre, et à assurer le fonctionnement de la justice en temps de guerre, en accord avec les obligations découlant pour l’Ukraine de la Convention européenne des droits de l’homme.

Autant de questions qui font écho au cycle annuel de séminaires de l’IERDJ consacré au thème « Justice et guerre », et qui demeureront d’une actualité totale pour le Conseil de l’Europe dans les temps à venir.

Le soutien du Conseil de l’Europe à l’Ukraine tend non seulement à soutenir l’exercice de la justice pénale au niveau national et international. Il porte également – et c’est un point sur lequel le Conseil joue un rôle décisif – sur la question de la réparation des préjudices et dommages causés par les faits internationalement illicites de la Fédération de Russie en Ukraine ou contre l'Ukraine, à compter du 24 février 2022.

Il en a été beaucoup question : un Registre des dommages causés à l’Ukraine a été mis sur pied en mai dernier, sous la forme d’un Accord partiel élargi du Conseil de l’Europe.

Ses organes, y compris le Conseil du Registre, Présidé par l’ancien Président de la Cour européenne des droits de l’homme, Robert Spano, ont été constitués dès l’automne et ses règles de fonctionnement sont sur le point d’être adoptées, de sorte que le Registre devrait pouvoir commencer à enregistrer des demandes d’indemnisation dès le mois d’avril.

« Enregistrer des demandes d’indemnisations », car le Registre ne constitue qu’une première étape, mais une étape essentielle, pour garantir une indemnisation rapide des victimes.

Le travail se poursuit, en coopération avec l'Ukraine et les organisations et organismes internationaux compétents, pour la mise en place, par un instrument international séparé, d'un futur mécanisme international d'indemnisation, qui pourra comprendre une commission des demandes d'indemnisation et un fonds d’indemnisation.

Ce qui renvoie évidemment à la question du financement des réparations.

La convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme doit ici être mentionnée.

Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a mis sur pied cette année un « Comité d’experts sur le recouvrement des avoirs criminels », ayant pour mandat de rédiger un protocole additionnel à la convention que je viens de mentionner.

Les domaines clés devraient entre autres englober l'introduction de procédures de confiscation sans condamnation et la reconnaissance mutuelle de ces procédures.

Ce futur protocole n'a pas de lien direct avec les mécanismes d’indemnisation des victimes ukrainiennes. Mais il n’est pas impossible que la négociation fasse apparaître d’éventuelles façons de rendre le protocole utile pour faciliter le recouvrement des produits de la corruption et d'autres crimes et de les mettre au service de l’indemnisation.

D’autres questions liées à votre cycle « Justice et guerre » prennent une signification particulière en Ukraine et dans d’autres pays, telles que celle de l'utilisation d'informations de sources ouvertes dans le cadre d'enquêtes sur des crimes de guerre et des violations flagrantes des droits de l'homme dans les conflits armés.

Nous travaillons avec l'Ukraine sur la question de la recevabilité et du traitement des renseignements de sources ouvertes, qui comprennent notamment des images, vidéos et données satellitaires, en tant que preuves électroniques potentielles.

Un de nos rapports récents a identifié les lacunes à combler dans la législation ukrainienne pour garantir la recevabilité et la pertinence de ces données dans les procédures pénales.

Nous accompagnons aussi l’Ukraine dans le renforcement de son droit procédural en vertu de la Convention de Budapest sur la cybercriminalité.

Monsieur le Premier Président,
Mesdames et Messieurs,

Les sujets évoqués ce matin ne sont qu’un aperçu très partiel de l’action du Conseil de l’Europe en 2024.

Bien d’autres sujets auraient pu être évoqués – la lutte contre la violence à l’égard des femmes, contre la discrimination, la traite des êtres humains, la protection de la liberté d’expression, la promotion de la citoyenneté démocratique, le soutien à la société civile – pour ne citer que ceux-là.

J’espère toutefois avoir su illustrer la vivacité qui est celle de notre Conseil, en cette année jubilaire.

Pour finir, je voudrais non seulement adresser mes remerciements à l’IERDJ pour sa collaboration passée et à venir avec notre Organisation - et notre Direction Générale en particulier. Je voudrais aussi l’encourager pour la suite de ses travaux.

Je vous remercie de votre attention.