Synopsis

La Commission de Venise du Conseil de l’Europe a organisé la dix-huitième Conférence européenne des organes d’administration des élections (OGE) en ligne le 29 octobre 2021.

Le thème de la conférence était "Les leçons tirées de l’impact de la crise sanitaire de la COVID-19 sur les processus électoraux". Plus précisément, les participants ont discuté de trois questions:

  • Les solutions réglementaires et pratiques que les administrations électorales ont adoptées pour garantir la sécurité des processus électoraux pendant une période d’urgence ;
  • Le rôle que jouent les administrations électorales pour assurer une bonne participation des électeurs, notamment des femmes et des groupes vulnérables ;
  • Comment assurer la continuité du processus d’observation électorale et la transparence des campagnes électorales et comment organiser les scrutins dans les conditions requises en période d’urgence au regard de leur situation financière et matérielle ?

Attila Nagy, président du bureau électoral national de Hongrie et Gianni Buquicchio, président de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, ont ouvert la conférence.

Une centaine de participants ont pris part à la conférence, représentant les administrations électorales et d’autres profils tels que des universitaires, des praticiens, des experts et des représentants de la société civile.

D’autres institutions du Conseil de l’Europe, en particulier l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, mais aussi des institutions internationales telles que le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE (OSCE/BIDDH) et la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES), ont participé à la conférence.

 

Conclusions

La 18e édition de la Conférence européenne administrations électorales s’inscrit dans la continuité d’une série réussie de conférences internationales dans le domaine électoral. Cette édition était consacrée aux "Leçons tirées de l’impact de la crise sanitaire de la COVID-19 sur les processus électoraux", avec un accent particulier sur le bilan des problèmes causés par la pandémie, ainsi que sur les solutions apportées par les administrations électorales pour le bon déroulement des élections en situation d’urgence et le respect du patrimoine électoral européen.

L’épidémie de COVID-19 continue d’influencer les élections de 2021, entraînant des défis considérables liés à la crise sanitaire et nécessitant des solutions juridiques dans un domaine largement inexploré. Ces circonstances extraordinaires ont un impact sur les trois piliers du Conseil de l’Europe, à savoir la démocratie, l’état de droit et les droits de l’homme. Elles conduisent à des limitations inévitables des droits électoraux et des libertés fondamentales, y compris les questions de la périodicité des élections et de la stabilité du droit. Dans le même temps, on attend des pays qu’ils anticipent ces limitations, qu’ils soient proactifs et qu’ils prennent toutes les mesures qu’ils jugent appropriées, comme indiqué dans les rapports de la Commission de Venise. Ces mesures ont été spécifiquement décrites dans le Rapport sur le respect de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit en situation d’état d’urgence – Réflexions et le Rapport intérimaire sur les mesures prises dans les Etats membres de l’UE suite à la crise de la Covid-19 et leur impact sur la démocratie, l’Etat de droit et les droits fondamentaux.

La bonne organisation des élections pendant une pandémie implique d’assurer la sécurité du public, ce qui suppose une logistique solide et adaptée, notamment l’acquisition de matériel, des bureaux de vote plus grands (ou en plus grand nombre), l’installation de bureaux de vote à l’extérieur, des centres de test rapide à proximité des bureaux de vote et des services d’assistance téléphonique. Une coopération étroite entre les différentes institutions est cruciale lors de la tenue d’élections pendant une pandémie. Cela implique également que la police soit mobilisée et préparée afin que la sécurité de tous soit assurée.

La situation actuelle a également conduit à offrir aux groupes vulnérables un meilleur accès au vote par le biais de méthodes de vote alternatives. Tous les électeurs doivent être informés des nouvelles règles pratiques mises en place, par le biais d’une campagne d’information généralisée. L’information faite aux électeurs doit également aborder le problème de la stigmatisation et des stéréotypes des groupes vulnérables.

Des efforts supplémentaires peuvent être nécessaires pour s’assurer que tous les électeurs éligibles sont en mesure de voter, y compris les groupes vulnérables. Les administrations électorales doivent consulter les organisations de personnes handicapées et celles représentant les femmes afin de connaître leurs préoccupations et leurs solutions pour garantir des élections accessibles et inclusives. Dans la mesure où la crise le permet, il est recommandé d’introduire progressivement des méthodes de vote alternatives. Le report des élections peut être envisagé, mais il doit être prévu par la loi, être nécessaire et proportionné. D’autres mesures consistent à répartir le scrutin sur plusieurs jours afin d’avoir moins d’électeurs au même moment, à exempter les candidats de l’inscription ou de la nomination, à adapter les procédures de vote et de dépouillement ou à exiger la collecte de signatures de soutien.

Pour assurer la sécurité du personnel électoral, notamment le jour du scrutin et lors du dépouillement, l’automatisation de certaines procédures électorales pourrait être envisagée, comme l’introduction de machines à voter ou le comptage automatique des bulletins de vote. Les administration électorales pourraient également modifier les procédures de vote existantes afin de raccourcir le séjour à l’intérieur d’un bureau de vote, de permettre la présentation de documents d’identité sans qu’ils aient besoin d’être manipulés par le personnel du bureau de vote, ou d’établir des voies d’entrée et de sortie des bureaux. Du temps supplémentaire peut être nécessaire pour recruter du personnel supplémentaire - pour remplacer ceux qui sont tombés malades - et pour leur fournir une formation appropriée, notamment sur les risques liés à la pandémie. Étant donné la nécessité de protéger le personnel électoral, il convient de distribuer des colis anti-pandémie contenant des masques, des gants jetables, des gels hydroalcooliques et d’autres équipements de protection.

La tenue d’élections pendant une pandémie entraîne une baisse de la participation et donc de la légitimité des élections, notamment parce que les groupes les plus vulnérables peuvent ne pas participer et que la répartition des mandats peut différer des préférences de la société. On peut donc envisager d’introduire le vote postal, par correspondance ou le vote anticipé pour augmenter le taux de participation. Cependant, si des méthodes de vote alternatives sont introduites, le risque de manipulation augmente et les possibilités de contrôle sont réduites. Les femmes, les personnes âgées et les personnes handicapées peuvent être particulièrement vulnérables à la coercition et leur droit au secret pourrait être compromis si l’introduction de ces méthodes ne s’accompagne pas de garanties adéquates.

Le fait de proposer uniquement le vote en ligne pourrait limiter la participation aux électeurs qui sont habitués aux options de vote à distance. Cela pourrait entraîner une augmentation de l’abstention des autres électeurs, notamment des personnes âgées et des personnes appartenant à des groupes vulnérables. Cela pourrait avoir un impact sur le résultat des élections et favoriser les partis politiques soutenus par les électeurs des classes supérieures et moyennes supérieures. Les personnes qui votent en ligne et celles qui utilisent d’autres moyens peuvent en effet avoir des préférences politiques différentes.

Les discussions ont également porté sur l’observation électorale et les solutions innovantes adoptées par les organisations observatrices nationales et internationales dans le contexte des périodes d’urgence. La pandémie a eu un impact significatif sur l’observation électorale, tant sur la façon dont les administrations électorales peuvent assurer l’observation de manière à protéger la santé et la sécurité de leur personnel et des électeurs que sur la façon dont les organisations observatrices peuvent déployer des observateurs en toute sécurité. L’observation reste une partie intégrante de la transparence du processus, qui est clairement affectée en l’absence d’observateurs lorsque le potentiel de fraude et de manipulation des résultats augmente. Cela inclut l’accès des observateurs étrangers qui est restreint pour des raisons de santé ou d’autres raisons touchant à la sécurité des personnes.

En revanche, de nombreux pays ont pris des mesures supplémentaires pour que l’observation électorale internationale reste possible, en facilitant par exemple la levée des périodes de quarantaine et d’auto-isolement à l’arrivée. Le principe du maintien de l’équilibre géographique de l’observation a été mentionné comme un principe important à suivre. L’observation peut également être plus compliquée lorsqu’une élection s’étale sur plusieurs jours. Les mesures consistent à réduire le nombre d’observateurs et d’agents des partis affectés à un bureau de vote ou à une zone de vote sans réduire la possibilité d’une observation adéquate.

Le bon déroulement des campagnes électorales en temps de crise nécessite de garantir la transparence des campagnes en personne et en ligne. Dans une situation d’urgence, qui revêt par définition un caractère exceptionnel, la liberté de mouvement pendant les campagnes électorales "en personne" ou la liberté d’expression sont restreintes. Il peut être difficile de garantir le principe d’égalité des chances dans un contexte où la désinformation circule plus facilement. Certains aspects de la campagne électorale, tels que les rassemblements ou les visites de porte-à-porte, peuvent être restreints. Étant donné que la désinformation et les discours diffamants sont plus répandus en situation d’urgence, une attention particulière doit être accordée à l’anticipation et à la résolution de ces problèmes. Cela implique la mise en place de mesures préventives telles que des unités de déploiement rapide, une communication stratégique et la coopération de tous les acteurs concernés.

En outre, dans une telle situation, l’attention de la société peut être détournée des élections. Ainsi, si une campagne électorale peut rester possible pendant un état d’urgence, une attention particulière doit être accordée au devoir de neutralité des autorités ainsi qu’à l’obligation des radiodiffuseurs de couvrir les campagnes électorales de manière équitable, équilibrée et impartiale.

Des campagnes électorales réussies nécessitent également un financement durable et adéquat des administrations électorales ainsi que l’équipement nécessaire dans le contexte d’une crise sanitaire. Organiser des élections à temps dans une situation d’urgence pourrait être plus coûteux pour les institutions de l’État ainsi que pour les autorités locales et régionales, en particulier les municipalités. Cela peut être une meilleure solution que le report des élections, étant donné les mesures extraordinaires qui seront probablement nécessaires pour assurer la sécurité de toutes les parties prenantes. En période de crise, le budget de l’État doit être utilisé au maximum pour faire face à des circonstances extraordinaires. Par conséquent, pour organiser des élections pendant un état d’urgence, des ressources financières sont nécessaires pour assurer la sécurité du processus de vote, notamment l’achat d’équipements de protection et de nettoyage. Dans le même temps, il existe un risque de mauvaise utilisation des ressources administratives à un moment où l’État dépensera plus que d’habitude, en particulier pour la santé et la sécurité publiques.