Le Portfolio européen des langues : rétrospective (1991-2011)

 

Résumé

C’est en 1991, lors du Symposium de Rüschlikon, qu’a été présenté pour la première fois le concept du Portfolio européen des langues (PEL), parallèlement au Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR). Si le Cadre propose des instruments pour l’élaboration de curriculums, de programmes d’enseignement et d’apprentissage, de manuels et d’instruments d’évaluation dans le domaine des langues, le PEL a pour objectif de familiariser les apprenants, les enseignants et personnels scolaires, ainsi que tous les autres acteurs concernés, aux principes qui sous-tendent le CECR, à savoir le respect de la diversité linguistique et culturelle, la compréhension mutuelle entre les pays, les institutions et les différents groupes sociaux, la promotion de l’éducation plurilingue et interculturelle et le renforcement de l’autonomie des individus.

En 1997, le Conseil de l’Europe a publié le deuxième projet de CECR, qui s’accompagnait d’un ensemble d’études préliminaires portant sur la future mise en œuvre du PEL dans différents domaines de l’apprentissage des langues. Entre 1998 et 2000, des projets de PEL pilotes ont été menés par quinze Etats membres du Conseil de l’Europe, ainsi que par trois OING. En 2000, le Comité de l’Education de l’époque a institué le Comité de validation en lui donnant pour mandat de recevoir les projets de PEL et de s’assurer de leur conformité aux Principes et lignes directrices relatifs au PEL – des outils également mis au point par le Comité de l’Education.

C’est lors de l’Année européenne des langues (2001) qu’a été lancé le Portfolio européen des langues, dans le cadre du premier Séminaire européen sur le PEL, organisé à Coimbra (Portugal). En décembre 2010, 118 modèles de PEL émanant de trente-deux Etats membres et de six OING/consortiums internationaux avaient été validés (une liste complète des modèles figure en annexe). Des PEL ont ainsi été conçus pour tous les niveaux de l’éducation (enseignement primaire, premier et deuxième cycles du secondaire, formation professionnelle, éducation des adultes, enseignement supérieur et post-secondaire). D’après les estimations figurant dans le rapport 2007 du Rapporteur général, quelque 2,5 millions d’exemplaires de PEL avaient été produits/distribués cette année-là. Si le nombre total d’apprenants qui travaillaient avec un PEL s’élevait à environ 584 000, le nombre moyen de copies utilisées pour chaque modèle validé n’était que de 6 600. L’on manque encore de chiffres venant attester formellement d’une utilisation à grande échelle du PEL dans chaque Etat membre.

Le caractère novateur et pratique du PEL a été souligné dans les différents rapports du Rapporteur général, ainsi que dans l’étude d’impact menée au nom du Comité de validation et lors des huit séminaires européens sur le Portfolio organisés entre 2001 et 2009. Cet instrument repose sur un ensemble de principes (l’apprentissage fondé sur la réflexion, l’auto-évaluation, l’autonomie de l’apprenant, le plurilinguisme et l’apprentissage interculturel) qui favorisent l’adoption de bonnes pratiques dans de nombreux contextes éducatifs différents, ainsi que l’acquisition de compétences utiles pour l’apprentissage tout au long de la vie. Néanmoins, ces principes remettent en question les théories et pratiques pédagogiques traditionnelles, ce qui explique en partie pourquoi le PEL n’a toujours pas été adopté et mis en œuvre dans la mesure initialement espérée.

Si l’on peut se féliciter de la réussite du Portfolio, il importe également de reconnaître que le tissu linguistique européen a considérablement évolué depuis la conception du PEL, au début des années 1990. A l’époque, l’accent avait été essentiellement mis sur l’apprentissage des langues secondes et étrangères, comme nous le rappellent les Principes et lignes directrices. Mais aujourd’hui, le plurilinguisme « naturel » est devenu un phénomène de plus en plus courant dans de nombreuses sociétés européennes, ce qui est essentiellement lié aux nouvelles vagues de migrations et nous pose un nouveau défi : trouver les moyens d’étendre la portée des principes qui sous-tendent le PEL. Dans cette optique, il semblerait pertinent, par exemple, d’adopter une approche portfolio pour l’acquisition de compétences dans la langue de scolarisation, que celle-ci soit ou non la langue familiale de l’apprenant, et de s’intéresser plus attentivement aux langues apprises en dehors du cadre scolaire. La meilleure solution, pour ce faire, ne consiste pas nécessairement à étendre la portée du PEL en tant que tel, car l’instrument risquerait alors de devenir difficile à utiliser. Il s’agit donc, désormais, de trouver un moyen de relever ce défi – une tâche qui relève du projet Langues dans l’éducation/Langues pour l’éducation, dont l’objectif est de promouvoir l’éducation plurilingue et interculturelle pour tous.

En avril 2011, les processus de validation et d’accréditation des nouveaux PEL ont été remplacés par un enregistrement en ligne basé sur le principe de l’auto-déclaration. Le nouveau site Internet conçu à cet effet contient des instructions détaillées sur la marche à suivre pour créer un PEL à partir des éléments génériques élaborés par le Comité de validation. Ces éléments ont été créés à la lumière des bonnes pratiques observées en la matière au cours des dix dernières années ; ils devraient permettre à toutes les autorités, institutions et organisations éducatives de concevoir un PEL de qualité, et ce, sans trop de difficulté. La gestion et le suivi du processus d’enregistrement sont assurés par le secrétariat de la Division des Politiques linguistiques.

Le Centre européen pour les langues vivantes (CELV), une instance du Conseil de l’Europe basée à Graz (Autriche), fait office de catalyseur pour les réformes de l’enseignement et de l’apprentissage des langues. Le deuxième programme à moyen terme du CELV (2004–2007) englobait deux projets liés au PEL. Le premier, intitulé Impel – Soutien à la mise en œuvre du PEL, a abouti à la conception d’un site Internet destiné à faciliter la mise en œuvre des projets de PEL. Le deuxième, ELP-TT – Former les enseignants à l'utilisation du Portfolio européen des langues, a consisté à mettre au point un kit de matériels de formation au PEL qui ont été testés lors d’un atelier central et utilisés de façon sélective dans le cadre d’événements nationaux de formation organisés dans dix-sept Etats membres du Centre. Le troisième programme à moyen terme du CELV (2008-2011) comporte quant à lui trois projets liés au PEL : ELP-TT2, qui poursuit les travaux entamés dans le cadre du projet ELP-TT en contribuant à la tenue d’événements de formation dans dix autres Etats membres du Centre, ELP-WSU – Emploi du PEL à l'échelle de l'établissement scolaire, qui consiste à coordonner des projets menés dans dix Etats membres du Centre, et ELP-TT3, qui devrait aboutir à la création d’une nouvelle plate-forme destinée à soutenir la mise en œuvre du PEL.

L’importance du nombre de PEL validés atteste de la réussite du projet PEL au niveau européen, de même que l’intérêt croissant porté aux principes de l’auto-évaluation, de l’autonomie de l’apprenant et de l’apprentissage des langues fondé sur la réflexion. En outre, le projet ELP-WSU du CELV a permis de démontrer que lorsque le Portfolio est utilisé au niveau de l’établissement scolaire pour soutenir l’apprentissage de toutes les langues secondes et étrangères enseignées dans le curriculum et pour stimuler la réflexion sur la langue de scolarisation et d’autres langues enseignées ou présentes au sein de l’établissement, il contribue dans une très large mesure à la réalisation des principaux objectifs poursuivis en matière d’éducation aux langues dans le cadre du projet Langues dans l’éducation/Langues pour l’éducation. De nouveaux PEL continueront donc d’être créés, et le processus de révision des modèles existants se poursuivra. L’enregistrement permettra de consigner les différents projets et de les rendre accessibles à la communauté internationale. De plus, le CELV continuera de soutenir la mise en œuvre du PEL dans tous les secteurs éducatifs. Il s’agit désormais de trouver les moyens d’étendre les principes et processus pédagogiques du PEL à de nouveaux domaines de l’éducation aux langues – une tâche qui s’inscrit dans le projet Langues dans l’éducation/Langues pour l’éducation.

David Little, Francis Goullier et Gareth Hughes
Février 2011


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