Le carnet des droits humains de la Commissaire

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Le carnet des droits de l'homme
Les arrêts rendus par la Cour européenne ne sauraient être ignorés

Les individus s’adressent à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg parce qu’ils estiment ne pas pouvoir obtenir justice au niveau national. Bien que la majorité des États européens se conforment aux décisions de la Cour, certains d’entre eux font preuve d’une lenteur excessive lorsqu’il s’agit de respecter leur obligation d’exécution des arrêts. Cette situation est préoccupante, dans la mesure où une exécution rapide, complète et effective des arrêts de la Cour est essentielle à la mise en œuvre effective des normes de la Convention européenne en droit interne.

Les normes et procédures applicables sont très claires. En vertu de l’article 46 de la Convention européenne des droits de l’homme, les États « s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels ils sont parties ». Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe surveille l’exécution de ces arrêts. Il examine les défaillances constatées par la Cour, afin de mettre un terme aux violations et de prévenir leur répétition.

Il incombe cependant aux États de veiller à une meilleure mise en œuvre de la Convention au niveau national. Les États parties versent en règle générale l’indemnisation due aux victimes, cette « satisfaction équitable » ordonnée par la Cour. La plupart du temps, ils s’acquittent de ces versements avant le délai imparti par la Cour. Mais l’exécution d’un arrêt ne se limite pas au paiement d’une certaine somme d’argent : il comporte d’autres obligations. L’une consiste sans nul doute à prendre des mesures afin de rectifier la situation des requérants. Une autre consiste, le cas échéant, à modifier la législation ou une pratique.

Les retards d’exécution, source de vive préoccupation

La lenteur de l’exécution des arrêts de la Cour pose problème dans un certain nombre d’affaires. Dans son dernier rapport annuel sur la surveillance de l’exécution des arrêts, le Comité des Ministres constate par exemple que, bien que le pourcentage d’affaires pendantes depuis moins de deux ans ait diminué, le pourcentage d’affaires de référence sous surveillance depuis plus de deux ans a augmenté en 2010, par rapport à 2009. Plus de 9000 arrêts sont actuellement en attente d’exécution.

Certains arrêts importants n’ont toujours pas été exécutés au bout de plusieurs années, en dépit des instructions claires données par la Cour et le Comité des ministres. La Cour a par exemple conclu que les enfants roms de certains États membres avaient été victimes de discrimination dans l’exercice de leur droit à l’éducation. Trois ans après le premier arrêt important rendu par la Cour en la matière (D.H. et autres contre la République Tchèque), la situation a fort peu changé sur le terrain dans ces Etats.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a critiqué à plusieurs reprises les retards extrêmement préoccupants pris dans l’exécution des arrêts, en particulier dans neuf États parties : la Bulgarie, la Grèce, l’Italie, la Moldova, la Pologne, la Roumanie, la Fédération de Russie, la Turquie et l’Ukraine.

Les retards dans l’exécution concernent principalement l’inexécution chronique de décisions de justice internes, les mauvais traitements infligés par des fonctionnaires de police et l’absence d’enquêtes effectives à cet égard, la détention illégale et la durée excessive du placement en détention provisoire.

Les décisions de la Cour renforcent les droits de l’homme en Europe

Le Comité des Ministres a proposé aux États membres de désigner un coordinateur national chargé de suivre l’exécution des arrêts et de tenir les parlements nationaux informés de la situation et des mesures prises [Recommandation (2008)2].

Ce pourrait être là un moyen de garantir que les arrêts rendus par la Cour de Strasbourg soient systématiquement pris au sérieux. De telles mesures démontreraient par ailleurs que les autorités nationales compétentes sont soucieuses de préserver l’efficacité du mécanisme européen de protection des droits de l’homme, qui a jusqu’ici permis à des milliers d’individus d’obtenir justice lorsque cela leur était impossible au niveau national.

Thomas Hammarberg

Strasbourg 19/07/2011
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