Retour La Commissaire attire l'attention sur la lutte des Tatars de Crimée pour les droits humains

Rapport

"Ukrainien", dessin örnek tatar de Crimée (1920) par Adviya Efendiyeva, une maître tisserande et brodeuse tatar de Crimée (Musée central de Tavrida via : Wikimedia commons)

« Les Tatars de Crimée en Crimée, et en particulier ceux qui s'opposent à l'annexion illégale de la Crimée ou expriment des opinions dissidentes, sont soumis à de nombreux schémas de violations graves des droits humains, de persécution, de discrimination et de stigmatisation de la part des autorités occupantes russes. Cette situation est encore renforcée par la culture d'impunité pour de telles violations qui prévaut dans la péninsule », a déclaré aujourd'hui la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović, lors de la publication d'un rapport sur la situation des droits humains des Tatars de Crimée dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol, en Ukraine, illégalement annexées par la Fédération de Russie[1]. « Les Tatars de Crimée ont été exposés à une série ininterrompue de violations des droits humains et ont été injustement chassés de leur terre ancestrale à de nombreuses reprises au cours de leur histoire troublée. Ils ont déjà trop souffert. Les torts qui leur ont été infligés, et qui continuent de l'être, doivent être réparés ».

Le rapport de la Commissaire vise à amplifier la voix des défenseurs des droits humains et des victimes tatars de Crimée et à sensibiliser le public au sort des Tatars de Crimée et à leur lutte séculaire pour l'identité, la dignité et les droits humains. Elle met l'accent sur les multiples violations des droits humains commises à l'encontre des Tatars de Crimée tout au long de leur histoire, en particulier après l'occupation et l'annexion illégale de la Crimée en 2014 par la Fédération de Russie et l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie en février 2022.

 « L'annexion illégale de la Crimée par la Russie a déclenché un enchaînement tragique d'événements et de mesures caractérisés par des violations graves et répétées des droits humains des Tatars de Crimée. Ces mesures contribuent globalement à créer un environnement qui stigmatise les Tatars de Crimée et sème la division ethnique, en antagonisant la population générale de Crimée contre eux », déplore la Commissaire. Elle réitère son appel à la cessation de la persécution des Tatars de Crimée et à l'arrêt immédiat de toutes les arrestations arbitraires, du harcèlement et des perquisitions au domicile de Tatars de Crimée qui sont défenseurs des droits humains, militants, responsables, journalistes, ainsi que membres ordinaires de ce groupe.

Rappelant que le droit international humanitaire interdit à une puissance occupante d'appliquer ses lois pénales sur un territoire occupé, la Commissaire appelle à la fin de toutes les poursuites pénales fondées sur l'utilisation abusive des lois russes de lutte contre l'extrémisme et le terrorisme, ou sur d'autres accusations également fallacieuses, visant de nombreux Tatars de Crimée en Crimée. Elle appelle en outre à ce que toutes les personnes détenues en Crimée et les détenus de Crimée placés dans des centres de détention en Russie soient traitées de façon humaine. « Les mécanismes internationaux de suivi des droits humains et les organisations humanitaires devraient pouvoir accéder librement et en toute sécurité à tous les détenus, y compris les Tatars de Crimée », a déclaré la Commissaire, ajoutant que « les transferts de détenus de la Crimée vers des centres de détention en Russie - une pratique contraire au droit international humanitaire - devraient cesser immédiatement ».

La Commissaire souligne que les avocats tatars de Crimée et les avocats qui représentent des Tatars de Crimée devraient être autorisés à exercer leurs activités sans subir d'intimidation, de harcèlement ou d'entrave. Tous les Tatars de Crimée, y compris les défenseurs des droits humains, les militants et les journalistes, devraient jouir de leur liberté de réunion et d'expression sans crainte de représailles. Ils devraient également pouvoir pratiquer leur religion en public ou en privé, recevoir un enseignement en langue tatare de Crimée et préserver leur patrimoine culturel. La liberté des médias ayant été fortement restreinte par les autorités occupantes russes en Crimée, la Commissaire encourage les autorités ukrainiennes à veiller à ce que les chaînes de télévision et les stations de radio tatares de Crimée qui restent actives en Ukraine bénéficient d'un soutien adéquat et durable pour continuer à émettre dans l'intérêt des Tatars de Crimée.

Dans son rapport, la Commissaire appelle également à mettre fin à la conscription forcée et à la mobilisation militaire des Tatars de Crimée en Crimée, une autre pratique qui viole clairement le droit international humanitaire. Elle estime que les Tatars de Crimée qui tentent de se soustraire à l'enrôlement illégal dans les services armés russes devraient bénéficier d'une aide humanitaire et juridique adéquate dans tous les pays où ils pourraient chercher refuge.

En ce qui concerne les disparitions forcées, une grave violation des droits humains qui depuis l'annexion illégale de la Crimée en 2014 a touché plusieurs dizaines de personnes dont de nombreux Tatars de Crimée, la Commissaire demande que le sort des personnes disparues et le lieu où elles se trouvent soient établis dans le cadre d'enquêtes rapides, efficaces et adéquates. « Tous les responsables de ces graves violations des droits humains doivent être traduits en justice et les victimes, les proches des personnes disparues et leurs associations doivent bénéficier d'un soutien adéquat », a souligné la Commissaire.

« Les Tatars de Crimée font partie intégrante de l'histoire et de la communauté européenne au sens large. Je suis inspirée par la solidarité et la résilience singulièrement fortes qui les ont caractérisés au fil des siècles », a déclaré la Commissaire. Exprimant l'espoir que les Tatars de Crimée puissent, dès que possible, reprendre la place qui leur revient dans le tissu social de la société multiculturelle de Crimée, en tant qu’habitants autochtones de la péninsule, après des décennies d'exil forcé, la Commissaire a souligné qu’ils « devraient bénéficier de tout le soutien nécessaire pour préserver et maintenir leur identité unique et pour permettre la pleine réalisation, attendue depuis longtemps, de leurs droits humains ».


[1]Le rapport de la Commissaire ne traite pas des questions liées au statut. Il ne peut être interprété comme une reconnaissance des autorités occupantes russes en Crimée ou d'un quelconque changement de statut du territoire en question. Rien dans le rapport ne doit être considéré comme une atteinte à l'indépendance, à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues.

Strasbourg 18/04/2023
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