19e Conférence du Conseil de l'Europe des Directeurs des services pénitentiaires et de probation « Prison et probation : des objectifs communs, des valeurs communes »

Helsinki, 18 juin 2014

Monsieur le Président de session, Mesdames et Messieurs, chers amis,

Nous arrivons au terme de deux jours de travail intense, d’exposés intéressants et de discussions animées. Je tiens à vous remercier toutes et tous de votre présence et de vos contributions aux débats. Votre adhésion à des valeurs communes et à des objectifs communs me paraît très largement acquise.

M. Mauro Palma vient de faire une brillante synthèse de nos travaux, synthèse qui sera fort utile pour la suite de nos activités dans le domaine de la coopération pénitentiaire et de la probation. Je l’en remercie vivement. Pour ma part, je me limiterai à quelques observations et suggestions.

Une première observation : en ma qualité de responsable du secrétariat du Comité des ministres dans sa fonction de surveillance et d’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, je rappelle, une fois encore, que les personnes privées de leur liberté continuent de jouir de tous les droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l’homme, à l’exception, bien évidemment, du droit à la liberté. Je souligne également que de trop nombreuses affaires devant la Cour concernent la surpopulation carcérale, entraînant des traitements inhumains et dégradants. Je m’adresse ici tout particulièrement aux responsables des services pénitentiaires pour leur demander de tout mettre en œuvre afin de remédier à cette situation contraire à la dignité inhérente à chaque être humain.

Une deuxième observation : les peines privatives de liberté doivent être évaluées à l’aune du critère suivant : contribuent-elles à réduire la criminalité ou, au contraire, à engendrer une criminalité accrue ? A la lumière des statistiques qui nous ont été présentées, il semblerait qu’il n’y a pas de corrélation directe entre l’augmentation des incarcérations et la diminution de la criminalité.

Aussi convient-il de prendre en considération la panoplie des mesures alternatives à la détention telles que la probation, le travail d’intérêt général, la justice réparatrice, la surveillance électronique, les programmes de prise en charge psychologique et médicale, les offres de formation professionnelle, les possibilités d’emploi et de logement.

La peine privative de liberté ne saurait donc plus être considérée comme la panacée de la justice pénale.

Cela dit, personne ne conteste le fait que, pour certains délinquants, ceux notamment qui ont commis des crimes graves et violents ainsi que les délinquants dangereux et ceux qui présentent des risques non négligeables de récidives, la prison reste le moyen incontournable de les mettre dans l’incapacité de nuire et de protéger ainsi la société.

Une troisième observation : le nombre de personnes incarcérées dépend dans une large mesure de la législation, de la politique en matière pénale et des pratiques concernant la détermination des peines. Le système carcéral fait partie intégrante du système de justice pénale et n’en constitue pas simplement « la dernière case », lieu caché et oublié dont seule l’administration pénitentiaire serait responsable. Cela dit, il n’y a pas de système parfait qui serait exportable et applicable comme tel en toute circonstance. Chaque situation doit être examinée au regard d’un ensemble de paramètres tels que le système juridique ou les traditions culturelles et sociales.

Du fait de cette imbrication entre tous les éléments constitutifs du système de justice pénale, tout retard ou dysfonctionnement dans un secteur a des répercussions sur les autres secteurs qui composent l’ensemble.

Par exemple, lorsque les procédures judiciaires sont d’une durée excessive, le nombre de personnes placées en détention provisoire augmente systématiquement, engendrant une surpopulation carcérale.

Autre exemple, l'obligation introduite par la loi d'avoir un seuil de peine minimale peut avoir pour effet d’envoyer en prison, pour une courte période, un nombre de délinquants plus important que nécessaire.

Autre exemple encore, certains systèmes juridiques prévoient des peines de prison de longue durée ou à vie sans libération conditionnelle – les peines incompressibles – ce qui a comme effet l’accumulation d’un nombre croissant de détenus pour de longues périodes de leur vie.

Aussi est-il urgent de revoir les objectifs de l’incarcération. Une telle révision ne devrait pas se borner au traitement immédiat des détenus pris individuellement et à leurs conditions de détention mais devrait porter plus largement sur les buts de la détention et des sanctions en général. Les services pénitentiaires et de probation ne peuvent, à eux seuls, traiter ces questions. Aussi est-il indispensable d’engager, aux niveaux national et international, un dialogue entre les institutions concernées impliquant toutes les parties prenantes, y compris les juges et les procureurs, avec le concours d’experts en matière pénitentiaire et de probation, en vue de trouver des réponses à des questions telles que :

  • comment rendre le système de justice pénale plus efficace ? (comment accélérer les procédures pénales et remplacer la détention provisoire par d’autres mesures suffisantes et efficaces afin qu’il y ait moins de personnes en attente de jugement dans les prisons ?) ;
  • comment faire un usage plus ciblé des peines de prison ? (c'est-à-dire comment contrôler la taille de la population carcérale ?) ;
  • comment développer le recours à des sanctions et mesures appliquées dans la communauté ? ; ou encore,
  • comment améliorer le cadre de travail du personnel et les conditions de détention ? (dont le traitement des détenus et la préparation à la mise en liberté).

Voilà quelques-unes des questions auxquelles vous êtes appelés à répondre.

Comme je l’ai déjà dit lors de mon intervention d’ouverture de la Conférence hier matin, et cela vient d’être rappelé par Mauro Palma, le Conseil de l’Europe est prêt à s’engager dans un tel dialogue au niveau européen en créant un groupe de travail à cet effet. Il est temps de chercher d’urgence les réponses les plus adaptées à la criminalité qui n’impliqueraient pas automatiquement une réaction pénale lourde et figée mais une prise en charge adaptée et flexible.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, chers amis,

Permettez-moi de conclure mon propos en remerciant l’ensemble des intervenants et des modérateurs de leur contribution au succès de cette Conférence. Je remercie une fois encore chaleureusement nos hôtes finlandais de leur généreuse hospitalité et de la façon cordiale et amicale avec laquelle ils nous ont tous accueillis ici à Helsinki, ainsi que de la parfaite organisation de la Conférence, favorisant en cela son plein succès. J’associe à ces remerciements l’équipe finlandaise et l’équipe du Conseil de l’Europe qui se sont dévouées sans compter pour que cet événement se déroule de façon optimale.

Je remercie également les interprètes de leur précieuse contribution et vous toutes et tous de votre participation.

Me réjouissant de vous revoir lors d’une prochaine réunion, je vous souhaite un agréable voyage de retour.
 

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