Conférence du Conseil de l'Europe des Directeurs de services pénitentiaires et de probation: Implication de la communauté dans le travail pénitentiaire et de probation

Zaandam, 14-15 juin 2016

 

Monsieur le Président,

Madame la  Directrice générale,

Mesdames et Messieurs,

Chers collègues,

Permettez-moi tout d’abord de remercier chaleureusement nos hôtes néerlandais, notamment le Ministère de la Sécurité et de la Justice ainsi que l’Agence des institutions pénitentiaires, de la parfaite organisation de cette 21e Conférence des Directeurs de services pénitentiaires et de probation.

Nous sommes particulièrement ravis d’être accueillis dans cette magnifique enceinte, ici, à Zaandam, ville pleine de charme, dont Claude Monet a célébré la beauté dans plusieurs de ses tableaux.

Mesdames et Messieurs,

Nous célébrons cette année le 10e anniversaire de l’adoption des Règles pénitentiaires européennes par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Au cours de ces dix années, ce document essentiel a gagné en reconnaissance non seulement à l’échelle européenne mais également à l’échelle mondiale. Les Nations Unies s’en sont en effet inspirées pour élaborer le nouvel Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, appelées « règles Mandela », adoptées l’année dernière. Sur la plan européen, la Cour européenne des droits de l’homme se réfère régulièrement aux Règles pénitentiaires européennes dans ses arrêts relatifs aux conditions pénitentiaires et à la prise en charge des détenus et les rend ainsi juridiquement contraignantes ; le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) y fait également référence dans ses rapports. Ces Règles ont inspiré de nombreuses modifications des législations nationales et ont été intégrées aux programmes de formation du personnel pénitentiaire. Ces avancées sont importantes et nécessaires. Cela dit, et vous le savez bien en tant que professionnels, le succès réel de cet instrument ne se mesurera qu’à l’aune de son application concrète. Or, dans ce domaine, des efforts supplémentaires s’imposent, comme le révèle la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, dont les arrêts pilotes en la matière font $apparaître des problèmes structurels et systémiques graves dans plusieurs de nos Etats membres. Votre engagement au quotidien est essentiel pour remédier à cette situation même si, pour trouver des solutions durables, nous sommes évidemment bien conscients que des efforts joints de plusieurs institutions au sein de chaque Etat membre demeurent indispensables.

Depuis que le Conseil de l’Europe s’est intéressé aux questions pénitentiaires, dès le début des années 60, il faut bien reconnaître que beaucoup de choses ont changé dans ce domaine en Europe.

L’image publique des services pénitentiaires et des services de probation ainsi que  de leur personnel s’est considérablement améliorée. Leur rôle est désormais mieux connu et, surtout mieux reconnu. Le côté « punitif » a progressivement laissé une place croissante à la prévention de la criminalité et à la réinsertion sociale des délinquants. Le monde pénitentiaire, auparavant mal connu de l’opinion publique, s’est de plus en plus ouvert à la société, et ce, opportunément. Le rôle des sanctions et des mesures appliquées dans la communauté, dans ses composantes publiques et civiles, a nettement gagné en importance et celui des services sociaux et des services de probation s’est renforcé en conséquence.

Cette Conférence devrait démontrer que le personnel pénitentiaire et le personnel de probation ont besoin d’être épaulés par la société dans l’accomplissement de leur mission pour pouvoir la réussir pleinement. Parce que les délinquants sont eux aussi membres de nos sociétés et qu’ils doivent être pris en charge d’une manière qui les aidera à mener une vie hors de la délinquance, les services pénitentiaires et de probation doivent pouvoir compter sur la société tout entière, et sur la communauté locale en particulier. Aussi est-il essentiel qu’elles s’investissent pour instaurer une coopération plus étroite avec vos services.

L’implication de la société est indispensable à la réinsertion des délinquants privés de leur liberté afin de leur permettre de mener une vie normale.

Il en va de même pour la probation. Même si les probationnaires ne sont pas privés de leur liberté, les services de probation sont invités à investir davantage de temps, de moyens financiers et d’efforts dans la surveillance plutôt que dans l’assistance. A cet égard, vous découvrirez au cours de ces deux jours, les dernières évolutions en matière de surveillance électronique. Il est donc nécessaire d’associer de plus en plus des organismes extérieurs au processus de réinsertion et de réinstallation des délinquants. La nature même de leur mission incite les services de probation à favoriser l’adaptation sociale des délinquants ; la coopération avec la communauté locale devrait en être facilitée. Cette coopération doit néanmoins être régie par des règles, des structures et des échéances afin d’optimiser cette collaboration avec les autres organismes, professionnels et bénévoles.

Mesdames et Messieurs,

Une autre conséquence de l’emprisonnement, largement méconnue de la société, concerne les dommages qu’il peut causer au sein des familles des détenus, et, au premier chef, aux enfants. La perte d’un salaire et, souvent, d’un hébergement en raison de l’emprisonnement d’un père ou d’une mère de famille, bien que certes fort préjudiciables, ne sont que les aspects matériels du problème. L’emprisonnement a d’abord un impact émotionnel très fort sur les membres de la famille en général, et sur les enfants en particulier, quel que soit leur âge ; il a aussi un effet stigmatisant pour les enfants et leur famille, au niveau du quartier, de l’école, du milieu social.

Lors de la Conférence de l’année dernière à Bucarest, il avait été précisé qu’environ 2 millions d’enfants en Europe ont un parent emprisonné, leur père dans la plupart des cas. Très souvent, le parent est arrêté devant ses enfants, dans des conditions traumatisantes pour eux. A ce premier choc s’ajoute celui de la visite de l’enfant au parent emprisonné : la prison est une institution qui, par définition, ne lui est pas adaptée : la prison a un effet très intimidant. Les enfants les plus jeunes développent alors la hantise que cette perte temporaire du contact avec leur parents, ne devienne permanente et que leur vie soit brisée à tout jamais.

Vous, les directeurs d’établissements pénitentiaires, vous pouvez – du moins en partie - changer la donne ! Vous pouvez rendre les établissements pénitentiaires plus accueillants pour les enfants, par des procédures de visite adaptées et des parloirs aménagés pour eux par exemple. Vous pouvez également trouver des solutions plus efficaces afin de préserver les relations parent-enfant, si précieuses pour la construction de la personnalité de l’enfant et pour la préservation du sentiment de sécurité et d’appartenance à la société dont il a besoin pour se développer harmonieusement.

Aussi, je me félicite tout particulièrement de la présence parmi nous d’orateurs qui se pencheront sur toutes ces questions et nous présenteront de bonnes pratiques en la matière, dont la présidente de « Children of Prisoners Europe » (COPE), Mme Lucy Gampell.

Je ne prétends évidemment pas que l’emprisonnement est toujours une mauvaise solution. Bien au contraire : l’emprisonnement a son rôle et sa place dans le système punitif et il peut effectivement être efficace non seulement pour sanctionner mais aussi pour resocialiser les délinquants. Une bonne gestion des établissements pénitentiaires et de la probation, des méthodes de travail innovantes, la création d’un sentiment de justice, la non-discrimination, la protection des droits fondamentaux aussi bien des membres du personnel que des auteurs d’infractions sont des éléments indispensables dans ce contexte, à condition toutefois de bien définir et de planifier le déroulement de l’exécution des peines en étant pourvu des ressources nécessaires. D’où l’importance de remédier au surpeuplement carcéral et à la surcharge de travail des agents de probation. Vous êtes mieux placés que quiconque pour savoir qu’un personnel débordé et manquant de moyens ne peut pas s’acquitter de sa mission. Cette situation contribue, hélas trop souvent, à faire augmenter les taux de criminalité.

M. Mykola Gnatovskyy, Président du CPT, nous présentera les dernières normes du CPT en matière d’occupation des prisons et de conditions carcérales. Mme Mélanie Tiago, de l’équipe chargée de collecter les Statistiques pénales annuelles du Conseil de l’Europe (SPACE), vous communiquera les dernières données comparatives pertinentes. Les délégations italienne et néerlandaise présenteront quant à elles quelques exemples de mesures visant à lutter contre le surpeuplement carcéral.

Autre problème récurrent, la radicalisation, qui sera, cette année à nouveau, à l’ordre du jour de la Conférence. L’accent sera mis plus particulièrement sur l’implication de la communauté locale dans la lutte contre la radicalisation des détenus et des probationnaires. A la suite de l’adoption par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, en mars 2016, des Lignes directrices à l’intention des services pénitentiaires et de probation concernant la radicalisation et l’extrémisme violent, nous avons élaboré, pour vos services, un Guide consacré à cette question.

Enfin, je vous informe que les nouvelles Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté seront finalisées cette année. Comme nous l’avons fait l’année dernière dans le cadre de l’élaboration des Lignes directrices sur la radicalisation, vos suggestions et commentaires seront à nouveau les bienvenus et nous permettront de réviser cet instrument important.  Nous comptons donc sur votre contribution active lors de la présente Conférence.

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi, avant de terminer mon propos, de remercier les autorités néerlandaises d’avoir organisé une visite dans un établissement pénitentiaire voisin. Je sais combien il est important pour vous, professionnels, de voir, in situ, de vos propres yeux comment les normes et les principes européens sont appliqués dans la pratique par vos collègues.

Je souhaite à toutes et à tous une excellente Conférence et des débats animés.

Je vous remercie de votre attention.

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