Réunion plénière du Conseil Consultatif de Juges Européens (CCJE)

Strasbourg, 22 octobre 2014

Monsieur le Président du Conseil consultatif de juges européens,

Mesdames et Messieurs les juges, membres du CCJE,

C’est toujours un privilège et un plaisir de pouvoir ouvrir les travaux de votre Conseil Consultatif.

D’abord parce qu’il n’existe pas deux instances telles que la vôtre au sein des organisations internationales : le Conseil de l’Europe a la chance unique de compter en son sein une instance composée exclusivement de magistrats, chargés de conseiller notre Comité des Ministres et, partant, nos 47 Etats membres, sur des questions relatives au statut des juges et à l’exercice de cette fonction oh combien essentielle pour construire, promouvoir et garantir l’Etat de droit.

Vous savez bien mieux que moi quel est votre rôle en la matière. Aussi ne m’y attarderai-je pas. Je vous confirme toutefois que notre Comité des Ministres et notre Secrétaire Général en sont pleinement conscients.

Les échanges réguliers de vos présidents successifs avec les Délégués des Ministres ont à chaque fois montré tout l’attachement de nos Etats membres à vos travaux.

Le rapport du Secrétaire Général sur la « situation de la démocratie, des droits de l’Homme et de l’Etat de droit en Europe », présenté officiellement à Vienne le 6 mai dernier lors de la réunion du Comité des ministres, inscrit parmi les principaux défis de nos sociétés européennes la lutte contre :

  • l’ingérence de l’exécutif dans le fonctionnement de la justice,
  • la corruption au sein de l’appareil judiciaire,
  • le manque de confiance du public dans la justice,
  • la durée excessive des procédures, et enfin
  • le non-respect chronique des décisions de justice.

A travers vos Avis, vous apportez des réponses concrètes à plusieurs questions essentielles qui se posent aux pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire de nos Etats membres. Je sais que vous aurez à cœur de compléter ces réponses dans vos travaux à venir. Je vous invite également à vous appuyer sur ce rapport du Secrétaire Général pour définir vos prochaines priorités de travail.

Je constate avec satisfaction que vos Avis font autorité au sein du corpus de normes du Conseil de l’Europe dans le domaine de la justice. Mais au-delà de ces Avis, je souhaiterais que les instances du Conseil de l’Europe et nos Etats membres fassent davantage appel à votre expertise irremplaçable lorsque l’un ou l’autre de nos Etats membres sont confrontés à des difficultés particulières concernant la situation des juges.

A cet égard, je relève que vous avez montré combien il est précieux de se tourner vers les juges eux-mêmes pour évaluer avec pertinence les réformes nécessaires dans une situation de crise telle que celle vécue cette année en Ukraine, ou pour garantir que les principes fondamentaux de l’Etat de droit soient respectés dans le cadre de réformes telles que celles conduites pour le Haut Conseil des Juges et des Procureurs en Turquie. Je sais que nous pouvons compter sur vous dans ces domaines. Je tiens à remercier très chaleureusement ceux d’entre vous qui ont œuvré dans ces dossiers, faisant preuve de beaucoup de professionnalisme et d’une grande disponibilité.

Je veux à ce propos saluer l’utilité de votre rapport sur la situation des juges en Europe, mis à jour régulièrement. Ce rapport est le fruit de votre propre expérience et des sollicitations auxquelles vous être amenés à répondre dans le cadre de l’exercice du mandat que vous confie le Comité des Ministres. Je ne peux que vous encourager à poursuivre dans cette voie.

Mesdames et Messieurs les juges,

Je suis également heureux d’être parmi vous cet après-midi parce que vous allez conclure votre année de travail consacrée à l’évaluation des juges. Ce sujet est complexe et il était essentiel que les juges puissent eux-mêmes donner leur avis.

Parce que le juge ne produit pas des biens quantifiables, mais du lien social, il n’est pas possible de lui fixer des objectifs comme on le ferait dans des secteurs de l’industrie marchande. Parce que le juge est indépendant, il est primordial que l’objet de l’évaluation, tout comme les méthodes utilisées pour cette évaluation, ne remettent pas en cause ce principe fondamental de notre Etat de droit.

Mais parce que le système judiciaire est financé par le contribuable, parce que les politiques publiques de la justice se doivent de produire des résultats pour la société, on ne peut pas non plus en conclure que le juge peut se soustraire à tout contrôle de son activité.

C’est un équilibre délicat – j’en conviens – mais indispensable qu’il faut parvenir à établir. Je suis convaincu que vous y parviendrez en étant à la fois intransigeant quant au principe d’indépendance, et responsable quant aux légitimes attentes de la population et de ses représentants politiques.

Je ne doute pas que vos travaux permettront d’apporter une vision éclairée et utile à ce débat. Soyez convaincus que nous attendons avec beaucoup d’intérêt le texte que vous adopterez demain.

Je vous souhaite donc plein succès pour ces travaux et vous remercie pour votre attention.

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