(Seul le texte prononcé fait foi)

Discours de Mme Maud de Boer-Buquicchio, SecrĂ©taire gĂ©nĂ©rale adjointe du Conseil de l'Europe, au Forum sur la gouvernance de l’Internet « Pouvons-nous gagner la guerre contre les menaces du cyberespace ?»

Rio de Janeiro, 12 novembre 2007

L’Internet recèle un potentiel de savoir et de communication considérable mais aussi un fort potentiel de criminalité. Des infractions telles que la fraude, le vol d’identité, la pornographie enfantine, la cyber-haine, les crimes pharmaceutiques, le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme, les attaques contre les systèmes informatiques, voire contre des infrastructures essentielles, sont souvent commises via l’Internet ou facilitées grâce à son utilisation.

Les nouvelles technologies remettent en question les concepts juridiques. Les lois sont gĂ©nĂ©ralement circonscrites Ă  un territoire spĂ©cifique mais les criminels sont de plus en plus installĂ©s dans des lieux autres que ceux oĂą leurs actes dĂ©lictueux produisent leurs effets. Grâce Ă  l’Internet, les criminels les plus ambitieux et les plus habiles techniquement ne sont plus limitĂ©s par la situation gĂ©ographique ou les frontières nationales.

La conclusion va de soi : toute solution efficace ne peut ĂŞtre que le rĂ©sultat de la mise en Ĺ“uvre d’une coopĂ©ration internationale plus Ă©troite et d’instruments juridiques internationaux spĂ©cifiques et performants.

C’est l’idĂ©e qui a prĂ©sidĂ© Ă  l’élaboration, en 2001, de la Convention du Conseil de l'Europe contre la cybercriminalitĂ©, premier traitĂ© global portant sur les infractions commises sur, via ou contre les systèmes informatiques.

La Convention sur la cybercriminalité a trois buts.

Premièrement, établir des définitions communes des infractions commises dans le cyberespace et contribuer à l’harmonisation des législations nationales.

Deuxièmement, définir de nouvelles méthodes d’enquête et d’action publique adaptées au monde de l’Internet.

Troisièmement, faciliter et intensifier la coopération internationale grâce aussi à la création d’un réseau permanent de contacts, fonctionnant 24h sur 24 et 7 jours sur 7.

A la date d’aujourd'hui, cette Convention a été signée par 43 Etats et ratifiée par 21 d’entre eux, en Europe et dans d’autres régions du monde. Elle a été notamment ratifiée par les Etats-Unis et signée par l’Afrique du Sud, le Canada et le Japon tandis que le Costa Rica, le Mexique et les Philippines ont demandé à y adhérer et le processus les concernant est actuellement engagé.

C’est bien, mais ça ne suffit pas. Toute campagne réussie contre la cybercriminalité devra être aussi mondiale que la cybercriminalité elle-même. La Convention du Conseil de l'Europe fournit la plateforme nécessaire à une telle coopération mondiale et c’est pourquoi d’autres pays devraient y souscrire le plus tôt possible. Dès le départ, la Convention a été conçue comme un instrument mondial. Ce n’est pas seulement un traité européen, c’est un traité élaboré en Europe dans l’intérêt du monde entier, que les Etats-Unis, l’Afrique du Sud, le Canada, le Japon, le Costa Rica, le Mexique et les Philippines ont parfaitement compris.

L’autre moyen serait d’élaborer un nouvel instrument juridique international. C’est possible, bien sĂ»r, mais cela n’a pas de sens. Je doute sincèrement que les criminels nous fassent la grâce d’interrompre leurs activitĂ©s illicites en attendant que la communautĂ© internationale mène Ă  bien des nĂ©gociations de longue durĂ©e visant Ă  rĂ©inventer la roue !

Cependant, la Convention peut être actualisée et améliorée, et elle le sera. C’est pourquoi nous nous félicitons de l’initiative de l’UIT de créer un programme mondial sur la cybersécurité (GCA) qui servira de plateforme de dialogue et de coopération internationale pour tirer parti des initiatives en cours et agir en partenariat avec des experts afin d’élaborer des stratégies mondiales visant à renforcer la confiance et la sécurité dans la société de l’information.

Nous estimons que le GCA peut être un soutien précieux dans la lutte internationale contre la cybercriminalité, à condition qu’il mette l’accent sur la valeur ajoutée et ne fasse pas double emploi. La Convention sur la cybercriminalité doit rester la base juridique de notre lutte commune. Toute autre approche risque de faire le jeu des sales types. Les cybercriminels n’ont guère de morale mais ils ont, en revanche, de grandes compétences techniques.

Le temps presse. Bien souvent, les délinquants ont déjà de l’avance sur nous. Gardons-nous de leur fournir de nouvelles occasions d’accentuer encore cette avance.

Je voudrais vous donner l’exemple du secteur privé. L’industrie s’est montrée au départ réservée au sujet de la Convention, mais a, depuis lors, changé de position et s’avère, à présent, favorable à son application la plus large possible. Le secteur privé a compris que la liberté d’expression et le libre échange ne sont pas incompatibles avec l’adoption de mesures concrètes pour lutter contre la criminalité en ligne. Un Internet plus sûr est un Internet plus libre et c’est dans l’intérêt aussi bien des utilisateurs individuels et des pouvoirs publics que de l’industrie.

C’est aussi dans l’intérêt de tous les pays progressistes du monde, quels que soient leur situation géographique ou leur niveau de développement économique. C’est pourquoi je tiens à remercier l’UIT, et plus particulièrement son Secrétaire général, d’avoir organisé ce forum. Je pense qu’à l’avenir, nous travaillerons de concert, de manière encore plus étroite, pour promouvoir le but commun à nos deux organisations et à tous nos Etats membres, à savoir empêcher les criminels de transformer en une calamité l’atout potentiel que représente l’Internet.