Back Organisation Internationale de la Francophonie : « Conversation francophone », « Peine de mort dans l’espace francophone : tendances, défis et perspectives »

Seul le prononcé fait foi

 

Madame la Secrétaire Générale,

Mesdames et Messieurs les représentantes et représentants des Etats et gouvernements, de l’Assemblée parlementaire et des Opérateurs de la Francophonie

Mesdames et Messieurs,

 

Le fait que nous soyons côte à côte - même si c’est virtuellement -, en cette Journée internationale des droits de l'homme, témoigne de l’engagement de nos Organisations respectives en faveur de nos valeurs communes.

Ceci est en parfaite cohérence avec la Déclaration de 2008 sur le renforcement de notre coopération et je voudrais, Madame la Secrétaire Générale, vous remercier très sincèrement de votre invitation.

Je saisis également cette opportunité pour saluer les 50 ans de l’OIF.

Le thème de cette « Conversation » est d’une grande importance et je sais bien combien les positions peuvent diverger sur la question de la peine de mort. 

Pour les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, l’abolition de la peine de mort est aujourd’hui une conditio sine qua non : un élément fondamental des démocraties européennes.

Elle est l’expression ultime de la raison d’être de notre Organisation, telle que définie après deux guerres mondiales :  réaliser une plus grande unité entre nos membres, en créant un espace juridique commun, fondé sur les droits fondamentaux et sur une culture partagée, garantissant la paix, la stabilité et la sécurité. Protéger les droits de l'individu contre l'exercice arbitraire du pouvoir par l'État.

Mais pour autant, l’abolition de la peine de mort n’était pas évidente lorsque le Conseil de l’Europe a été créé.

Nous y sommes venus progressivement. Il a fallu du temps.

Nous célébrons cette année les 70 ans de la Convention européenne des droits de l’homme, un traité juridiquement contraignant, la pierre angulaire de notre Organisation.

Elle comporte notamment des articles garantissant le droit à la vie et interdisant la torture et les traitements inhumains ou dégradants.

En 1985, le sixième Protocole additionnel à la Convention est entré en vigueur, abolissant la peine de mort en temps de paix.

Il a été suivi en 2003 par le treizième Protocole additionnel, abolissant la peine de mort en toutes circonstances.

Et, au fil des années, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme s’est étoffée sur la question de la peine de mort.

La Cour a jugé dès la fin des années 1980, puis de plus en plus clairement, que l’extradition d’un individu vers un pays où il encourait la peine de mort était contraire à la Convention.

Entre temps, les deux Protocoles additionnels que j’ai cités ont été ratifiés par 44 de nos Etats membres.

Mais tous ont, soit aboli la peine de mort en droit, soit au moins introduit un moratoire, qui constitue un premier pas décisif.

Aujourd’hui, la question de la peine de mort est emblématique du travail du Conseil de l’Europe en faveur des droits de l’homme.

Notre principale organe politique, le Comité des Ministres, tient deux débats par an sur la peine de mort et son abolition, et nous réaffirmons régulièrement nos positions, ensemble avec l’Union Européenne.

Ainsi, le 10 octobre dernier, à l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort, avec le Haut Représentant Josep Borrell, nous avons publié ensemble un texte destiné à porter nos messages.

Nous nous sommes réjouis que le recours à la peine de mort continue de reculer, avec une tendance globale vers l'abolition. En 2019, pour la deuxième année consécutive, seuls vingt pays ont procédé à des exécutions. Il s'agit du niveau le plus bas jamais enregistré.

Dans cet esprit, j’appelle les pays membres de la Francophonie qui le peuvent à soutenir la résolution concernant un moratoire sur l'application de la peine de mort lors de la 75e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, dans quelques jours.

Mais dans tout ce que nous entreprenons, nous cherchons à convaincre, à toucher.

Ceci n’est possible que par le dialogue car, même - et en particulier - sur une question aussi clivante, un dialogue est possible.

Nous sommes toujours prêts pour un débat ouvert sur les obstacles qui entravent le cheminement vers l'abolition, notamment avec nos Etats observateurs qui pratiquent la peine de mort, ou ceux avec lesquels nous avons des liens institutionnels dans le cadre des Partenariats de Voisinage. A cet égard, nous suivons d’ailleurs avec attention les discussions qui ont lieu au Maroc et en Tunisie, deux pays dont nous sommes proches.

Et le Conseil de l’Europe rappelle régulièrement sa disponibilité à fournir son assistance dans ce domaine au Bélarus, le seul et le dernier pays Européen à appliquer la peine de mort.

Dans ces débats, il est fondamental d’essayer de comprendre quels sont les obstacles qui empêchent l’abolition dans chaque pays.

Parfois, les arguments utilisés sont d’ordre émotionnel. Dans d’autres cas, on invoque la religion, ou encore la culture juridique.

Sans sous-estimer la difficulté de ces questions, l’expérience du Conseil de l’Europe montre qu’avec la volonté politique, tous ces obstacles peuvent être surmontés, dès lors que le point de référence ultime est la dignité humaine.

Un autre constat que nous avons fait est que le travail sur l’abolition de la peine de mort va de pair avec un autre processus indispensable pour les démocraties :

La transformation d’une justice punitive en justice restaurative, ou réparatrice, où le droit des victimes est pleinement pris en compte et le droit à l’espoir légitime des personnes privées de liberté d’être libérées, reconnu.

Notre Organisation est également engagée dans ce processus, et apporte tout le soutien nécessaire à nos Etats membres afin de mettre en place une réponse pénale qui ne constitue plus une vengeance.

Et là encore, le dialogue et la pédagogie sont importants pour faire passer ce message.

En dernier lieu, je voudrais souligner le rôle que la culture peut jouer pour dépasser les différences, trouver ce que nous les humains, avons en commun.

« Tout homme persécute s'il ne peut convertir. A quoi remédie la culture, qui rend la diversité adorable », écrivait le philosophe Alain.

Au-delà des considérations juridiques, la peine de mort pose la question de la manière dont les citoyens adoptent et viennent à partager les valeurs qui sous-tendent l’abolition.

Nos activités d’éducation aux droits de l’homme pour la jeunesse, notamment dans nos Centres européens de la jeunesse, portent entre autres sur le droit à la vie et l’abolition. Notre manuel « Repères », sur la pratique de l’éducation aux droits de l’homme avec les jeunes, fournit des outils pour parler de ces questions avec eux.

Et nos activités en faveur de la culture favorisent le vivre ensemble sans la violence – et ce depuis les origines du Conseil de l’Europe.

J’espère que notre expérience pourra être bénéfique à d’autres, de par le monde.

Je vous remercie de votre attention et vous souhaite une bonne « Conversation ».

(par visioconférence) 10 décembre 2020
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