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démocratie
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Citoyenneté démocratique,
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L’Europe et le monde

 

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Conference on
What future for human rights and democracy in Europe?
The role of the Council of Europe

Conférence
Quel avenir pour les droits de l’homme et la démocratie en Europe ?
Le rôle du Conseil de l’Europe

Paris, 11 September 2009
Assemblée Nationale, Salle Lamartine

Paris, 11 septembre 2009
Assemblée Nationale, Salle Lamartine

SYNTHESE DES DEBATS

    1. La conférence s’inscrit dans le programme d’activités pour le 60e anniversaire de la création du Conseil de Europe.

    2. Il y a 60 ans, en 1949, l’Europe sortait d’un conflit mondial dont elle avait été à l’origine après avoir vu grandir en son sein pendant trois décennies des régimes totalitaires qui violaient systématiquement les droits de l’homme et les libertés fondamentales des citoyens.

    3. Il était urgent de rétablir la démocratie et l’état de droit dans beaucoup de pays d’Europe et de reconstruire les structures économiques et sociales dans tous.

    4. Le Conseil de l’Europe était le fruit de la promesse « plus jamais ça ! », la promesse d’éviter à tout prix que l’histoire ne se répète, d’assurer une garantie efficace des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit. Le Conseil de l’Europe est donc né d’une volonté certaine de défendre et porter des valeurs éthiques fortes, que les pères fondateurs considéraient comme essentielles pour le développement européen et global.

    5. L’enthousiasme des pères fondateurs puisait sa force dans la mémoire des horreurs vécues, l’ampleur de la destruction à laquelle il fallait faire face et dans la volonté de construire un avenir solidement ancré dans le respect de tous les hommes et les femmes vivant sur le « vieux continent » quelque soit leur appartenance ethnique, culturelle et religieuse, un avenir à même de leur offrir une vie épanouissante et prospère, de resserrer les liens entre individus et de tirer richesse de leur diversité.

    6. A travers les années de la reconstruction, du boom économique, du premier choc pétrolier et de ses suites, de développements scientifiques et technologiques se suivant à un rythme soutenu sans précédent dans l’histoire de l’homme, le Conseil de l’Europe a élaboré des principes solides et reconnus en matière de droits de l’homme, qu’ils soient civils et politiques, économiques et sociaux, ou culturels ainsi que de démocratie et d’état de droit.

    7. Toutefois pendant 40 ans, les valeurs incarnées par le Conseil de l’Europe n’ont été une réalité que pour la partie occidentale du continent, puisque l’Europe était sortie du conflit mondial profondément divisée en deux camps politiquement et économiquement. Des conflits internes dans sa partie orientale avait fait de nombreuses victimes civiles et les régimes qui s’en sont suivis donnèrent lieu à des périodes très sombres pour les droits de l’homme en Europe.

    8. Il est important de mentionner aussi le retour dans l’Organisation de la Grèce en 1974 ainsi que l’entrée dans l’Organisation du Portugal et de l’Espagne en 1976 et1977 respectivement, après la fin des régimes totalitaires là aussi issus de guerres civiles et qui avaient vu une idéologie profondément hostile aux droits de l’homme et à l’état de droit s’installer et triompher dans la terre berceau de la démocratie, ainsi que dans la péninsule ibérique.

    9. En 1989, la chute du mur de Berlin, suivie par la fin des régimes totalitaires en Europe centrale et orientale ainsi que l’éclatement de l’Union Soviétique, ont permis d’élargir à tout le continent l’application des principes démocratiques sur lesquels se fonde le Conseil de l’Europe et d’entamer la reconstruction de la démocratie dans les pays d’Europe centrale et orientale, comme cela avait été le cas quatre décennies plus tôt dans les états fondateurs et dans ceux qui les avaient rejoint par la suite.

    10. La voie était ainsi ouverte pour l’élargissement du Conseil de l’Europe aux 47 Etats membres actuels couvrant la presque totalité du territoire du continent, et allant même au-delà du point de vue strictement géographique, et c’est justement cette étendue qui constitue un avantage comparatif indéniable pour l’application des normes qu’il élabore.

    11. Toutefois, cette fin soudaine des régimes communistes en Europe a eu aussi comme conséquence le réveil d’anciens conflits territoriaux, cachés pendant presqu’un demi siècle par des frontières dessinées pour servir la suprématie d’un bloc dans une logique mondiale bipolaire, l’apparition de conflits territoriaux liés aux revendications de minorités nationales longtemps occultées par l’idéologie en place qui, dans sa quête affichée d’égalité économique et sociale, n’admettait pas l’existence d’ambitions d’indépendance et de diversité en son sein.

    12. De vieux démons sont alors réapparus, alors que l’Europe était convaincue avoir tenu sa promesse « plus jamais ça !» : Srebrenica, Grozny, Sarajevo mais encore Kosovo1, Haut Karabakh et, plus récemment, Ossétie du Sud, sont autant de noms entrés avec force dans l’actualité évoquant horreur et destruction, violence et arbitraire. Les photos de l’ex-Yougoslavie que les média nous ont montrées ressemblent à s’y méprendre à celles de camps de concentration nazis et les bâtiments détruits par les bombes à Grozny nous rappellent impitoyablement bien de villes européennes en 1945.

    13. La question se posait inévitablement : où nous sommes nous trompés ? Qu’avons-nous mal compris, mal fait, ou qu’aurions nous dû faire ou faire autrement ? et aussi - pour les moins optimistes - l’Europe a-t-elle encore un sens ?

    14. Ces questions ont aussi acquis une importance particulière en raison d’évènements qui, au cœur même de vieilles démocraties, ont atteint le comble de l’horreur : Madrid, Istanbul, Londres, Beslan. Ce n’était pas la première fois que la religion servait de catalyseur pour soutenir des buts politiques avec des actions violentes : l’Irlande du Nord notamment a été le théâtre d’attentats qui ont fait des morts innocents tout au long du XXe siècle, mais pour la première fois cette violence aveugle trouvait ses origines en dehors du continent et était donc perçue comme étrangère et mal ou pas comprise. Elle a eu comme conséquence immédiate de créer ou révéler des animosités entre différentes minorités ethniques et religieuses présentes dans les pays européens. Nos sociétés s’en sont trouvées profondément déstabilisées.

    15. En même temps la composition de nos sociétés a été bouleversée dans une période de temps relativement brève par des importants flux migratoires, conséquence de la chute du mur de Berlin, pour ce qui est de l’Est à l’Ouest ou de la globalisation croissante, pour ce qui est du Sud au Nord, en posant à nos sociétés un défi majeur non seulement sur le plan économique, social et politique, mais aussi culturel.

    16. Il est d’importance primordiale que l’Europe – et plus particulièrement le Conseil de l’Europe – relève se défit puisqu’il en va de notre avenir et de nos valeurs, et surtout de l’avenir et des valeurs des jeunes et des chances que nous souhaitons offrir aux générations futures.

    17. A la fin de la première décennie du XXIe siècle, l’Europe se doit d’être toujours très vigilante quant au respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit, que menacent des tentations extrémistes et totalitaires, réveillées par l’insécurité suscitée par les grands changements que le continent – et la planète – viennent de vivre ces dernières décennies, poussant les individus et les Etats à l’ostracisme et à la xénophobie, au repli sur soi même, à la négation des diversités et au rejet des autres.

    18. Il doit être rappelé avec force que les doctrines prônant la haine, le crime, la violence, le refus de l’Autre sont incompatibles avec le projet européen de société pacifique et démocratique, respectueuse des libertés et des droits fondamentaux de chacun.

    19. Il convient tout d’abord de souligner l’importance du partage des valeurs communes universelles des droits de l’homme, de l’idéal démocratique et de l’état de droit, valeurs aux quelles il ne saurait être dérogé au nom de particularismes ou spécificités dues à l’appartenance à l’une ou l’autre communauté culturelle, ethnique, religieuse etc.

    20. Le partage de ces valeurs communes, mutuellement consenti par tous les individus, et non imposé par l’Etat ou quelconque autre autorité, doit constituer la base de nos sociétés, sur la quelle repose la réalisation d’une véritable citoyenneté démocratique.

    21. Par ailleurs, nous nous devons de souligner que le sentiment d’appartenance simultanée à plusieurs traditions culturelles se concilie tout à fait avec une citoyenneté européenne, et il en est même un élément constituant, lors qu’il repose sur la reconnaissance mutuelle de différentes cultures et à l’attachement aux valeurs partagées.

    22. Cette multiple appartenance culturelle ne peut se réaliser que si nos sociétés et les individus qui les composent font preuve d’ouverture aux autres cultures et d’une volonté d’échange entre elles, favorisant ainsi la reconstruction des liens sociaux pour autant que des conditions de vie décentes, soient réunies.

    23. Dans cette fonction de ciment et de fondation de nos sociétés, l’indivisibilité et la complémentarité des droits de l’homme révèlent toute leur importance pour construire une société équilibrée, inclusive, et porteuse d’espoir pour l’avenir, où les individus se sentent épanouis, respectés et mis en valeurs. Et il en va de même pour les états.

    24. En cette période de crise économique, une menace particulière pèse sur les droits de l’homme que certains voudraient considérer comme un luxe que l’Europe ne peut plus se permettre, une extravagance couteuse pour des sociétés affluentes, qui pèserait sur la concurrence en défaveur de nos économies et empêcherait ainsi la reprise d’une activité productive florissante. Toutefois, une telle lecture strictement financière des conséquences de la crise économique est non seulement potentiellement en violation avec les droits de l’homme mais elle fait aussi preuve d’oubli de notre passée relativement proche et se montre myope sur les dangers qu’elle fait peser sur notre avenir.

    25. La venue au pouvoir de régimes d’extrême droite dans les années trente en Europe n’est-elle pas allée de pair avec la détérioration des conditions économiques et sociales dans nos pays suite à la « grande crise » ? L’emprise, dans nos sociétés, d’une idéologie exaltant l’appartenance à un groupe ethnique unique, à des traditions et à une culture de l’exclusion, fermée à la diversité, refusant l’Autre parce que différent jusqu’à en prôner son élimination physique, n’a-t-elle pas trouvé son terreau dans le désespoir causé par la pauvreté, dans la détresse qu’un manque total de perspectives pour l’avenir apporte et dans la perte de respect pour soi-même qui s’en suit, poussant ainsi des peuples entiers à chercher refuge dans des promesses rassurantes de sécurité qu’apporte le connu par rapport à l’inconnu, l’uniformité par rapport à la différence ?

    26. Il est important d’éviter que l’histoire ne se répète. Pour cette raison, le respect des droits de l’homme s’impose encore d’avantage en période de crise économique, afin de limiter les tentations de dérives qui peuvent être porteuses de conséquences extrêmement graves pour le fonctionnement démocratique de nos sociétés puisqu’elles nuisent à la capacité de celles-ci d’offrir à chaque individu des conditions de vie décentes et donc de se reconnaitre en elles.

    27. Il faut souligner que la défense des droits de l’homme et les intérêts de la politique des Etats, la « Realpolitik », ne doivent pas être en opposition mais se renforcer mutuellement. Cela n’est pas impossible ou incohérent mais une évidence que le passé a déjà démontré à plusieurs reprises.

    28. En outre, seule une relation raisonnée des Etats et des peuples avec leur histoire commune et leur capacité à transcender les conflits du passé permet de vivre ensemble, d’envisager une réconciliation entre ennemis d’hier et reste le plus sûr moyen de prévenir des nouveaux conflits.

    29. Il revient aux Etats de créer les conditions nécessaires pour la défense de ces valeurs communes, et de prévenir et condamner les comportements contraires au projet européen de tolérance, d’inclusion, de respect de l’Autre et d’ouverture, et cela quels qu’en soient les origines ou les auteurs.

    30. Pour cela, il convient non seulement que les Etats adoptent un cadre juridique traduisant les valeurs communes, notamment telles que définies dans les traités internationaux et européens, dans les textes au niveau national, mais également qu’ils veillent au fonctionnement indépendant et impartial de leurs systèmes judiciaires, qui permet l’application de ce cadre juridique dans l’esprit de ces valeurs mêmes, assurant ainsi à tout individu, grâce au plein respect du principe de l’état de droit, la jouissance effective de ces droits fondamentaux.

    31. Le soutien de ces valeurs et normes communes ainsi que le souci de leur respect doivent être placés au centre de l’élaboration des politiques nationales dans tous les domaines d’action de l’Etat, favorisant ainsi un enrichissement de la base commune à l’origine de l’émergence d’une citoyenneté démocratique européenne, son évolution et adaptation aux grands défis technologiques, scientifiques et environnementaux, et permettant ainsi l’épanouissement de l’Europe et des européens à la fois sur le continent et sur la scène internationale.

    32. La gestion du défi que ces « différentes » identités posent à nos sociétés aujourd’hui nous impose de partir du postulat de l’universalité des droits de l’homme, de leur jouissance sans discrimination aucune par tous les membres de la société ; les droits fondamentaux ne peuvent en aucun cas être écartés au nom de la gestion de la diversité culturelle. Bien au contraire, ils doivent en constituer le fondement.

    33. Compte tenu de ceci, le Conseil de l’Europe se doit de poursuivre et affirmer son rôle de gardien de ces valeurs, non seulement en les développant, dans le respect du projet fondateur de rapprochement des Etats et des personnes dans le respect de la diversité, perçue comme facteur d’enrichissement, mais également en assurant le respect effectif de ces valeurs par, et en soutenant leur promotion dans, les Etats membres.

    34. En particulier, les différents mécanismes du Conseil de l’Europe pour surveiller et évaluer l’application et le respect des normes par les états membres doivent être valorisés et les résultats de leurs travaux doivent être pleinement pris en compte par les autorités nationales compétentes dans l’élaboration et l’application de leurs politiques.

    35. Les programmes de coopération technique mis en œuvre par le Conseil de l’Europe ainsi que par les autres institutions internationales et européennes visant l’amélioration des systèmes nationaux de protections des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit doivent se fonder à la fois sur les normes élaborées par le Conseil de l’Europe ainsi que sur les travaux de ses mécanismes de contrôle.

    36. Le Conseil de l’Europe se doit de jouer pleinement son rôle dans l’élaboration du discours historique de la construction européenne en tant que centre porteur des valeurs de démocratie, de liberté et de droits de l’homme. En tant que tel, le Conseil de l’Europe constitue, en effet, un élément incontournable du déroulement de cette dimension historique européenne.

    37. Les Etats membres sont invités à veiller à ce que leur action soit cohérente avec les valeurs qu’ils affirment soutenir, notamment en déployant toutes les mesures à leur disposition afin qu’elles soient efficacement respectées en Europe et ailleurs.

    38. Les Etats membres doivent s’assurer que le Conseil de l’Europe dispose des moyens politiques nécessaires pour défendre efficacement ces principes et pourvoir intervenir concrètement en cas de violation. Il leur appartient également de s’assurer que le Conseil de l’Europe dispose des moyens matériels et notamment financiers pour assumer pleinement son rôle.

    39. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pourrait préparer un rapport sur les valeurs fondamentales, leur pertinence et leur application dans la société européenne actuelle, rapport qui servirait de base pour un large débat à ce sujet.

/6 11/09/2009

1 Toute référence au Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit le territoire, les institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies et sans préjuger du statut du Kosovo