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Lignes directrices pour l’amelioration de l’acces a la protection sociale et expose des motifs

Groupe de spécialistes sur l’accès a la protection sociale

Introduction
I. LIGNES DIRECTRICES POUR L’AMÉLIORATION DE L’ACCÈS À LA PROTECTION SOCIALE

II. EXPOSE DES MOTIFS

Introduction 

Les chefs d'Etat et de Gouvernement des Etats membres du Conseil de l'Europe, réunis en octobre 1997 à Strasbourg, à l’occasion du Deuxième Sommet de l'Organisation, ont reconnu dans leur déclaration finale que la cohésion sociale est «l'une des exigences primordiales de l'Europe élargie et (…) un complément indispensable de la promotion des droits de l'homme et de la dignité humaine ». Ils ont chargé le Comité des Ministres de définir une stratégie sociale pour relever les défis de la société et mener à bien les réformes structurelles appropriées au sein du Conseil de l'Europe.

La première mesure prise par le Comité des Ministres a été de mettre en place un nouveau comité directeur intergouvernemental, le Comité européen pour la cohésion sociale (CDCS), instance regroupant divers domaines d'activité auparavant distincts (à savoir la politique sociale, la sécurité sociale et l'emploi). Les activités relatives à la cohésion sociale reposent donc sur la multidisciplinarité. Aux termes du mandat du Comité, sa première tâche sera d'élaborer une stratégie pour concevoir des activités en matière de cohésion sociale au sein du Conseil de l'Europe, à soumettre à l'examen du Comité des Ministres. Cette stratégie, précise le mandat, devra englober un programme d'activités à moyen terme.

L'un des éléments essentiels de la stratégie pour la cohésion sociale du Conseil de l'Europe est la promotion de l'accès effectif à la protection sociale des personnes qui, tout en remplissant les conditions d’octroi, rencontrent des difficultés pour faire valoir leur droit à la protection sociale. Un Groupe de spécialistes sur l’accès à la protection sociale (CS-PS), qui s’est réuni plusieurs fois entre 1999 et 2001, a été chargé ainsi par le CDCS de développer des orientations politiques visant l'amélioration de l'accès aux prestations sociales et aux services sociaux. Cette activité a été guidée par les instruments juridiques du Conseil de l'Europe, notamment la Charte sociale qui fait du droit à la protection sociale l'une des composantes majeures des droits sociaux, par les instruments juridiques du Conseil de l’Europe dans le domaine de la sécurité sociale et de l’assistance sociale, et par les travaux antérieurs de l’Organisation dans ce domaine, notamment les résultats du Projet sur la Dignité Humaine et l’Exclusion Sociale.

Le souci d’aborder la question de l’accès à la protection sociale sous un angle pluridisciplinaire s’est reflété dans le mandat qui a été donné au Groupe, ainsi que dans sa composition. Ainsi, le CS-PS a rassemblé des experts nationaux de plusieurs Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe1, des chercheurs dans le domaine social2 et des représentants de deux organisations non gouvernementales3 et d’autres organisations4.

En vue d'identifier et d'évaluer sous un angle pluridisciplinaire des obstacles concrets à l'accès à la protection sociale, les membres du Groupe ont décidé, dès leur première réunion, de recueillir le plus d’informations possible sur les obstacles à l'accès à la protection sociale dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Ils ont, pour ce faire, élaboré le « questionnaire sur les obstacles à l’accès à la protection sociale », qui a été adressé à deux types de destinataires: organismes chargés de la gestion des prestations de sécurité sociale, d'assistance sociale et de services sociaux et organisations non gouvernementales.

Sur la base des informations obtenues en réponse au questionnaire, M. Peter Melvyn, chercheur au Centre Européen de Recherche en Politique Sociale (Vienne, Autriche), a élaboré un rapport intitulé : « Obstacles à l’accès à la protection sociale en Europe ».

Les Lignes directrices sur l’amélioration de l’accès à la protection sociale qui figurent ci-après sont le résultat des travaux du Groupe de spécialistes sur l’accès à la protection sociale. Elles ont été complétées par un Exposé des motifs qui présente une synthèse des informations contenues dans les rapports de M. Melvyn qui ont, directement ou indirectement, inspiré les lignes directrices.

Les Lignes directrices sur l’amélioration de l’accès à la protection sociale sont le fruit des informations contenues dans le rapport de M. Melvyn, mais également de la mise en commun de l’expérience en matière de protection sociale des membres du Groupe CS-PS. Au cours de leurs diverses réunions, en s'inspirant en partie sur les informations recueillies concernant les obstacles à l'accès à la protection sociale, les experts du Groupe CS-PS ont élaboré des propositions concrètes de mesures visant l'amélioration de l'accès à la protection sociale. Pour cette raison, les lignes directrices pour l'amélioration de l'accès à la protection sociale qui figurent ci-après vont souvent bien au-delà des informations qui sont contenues dans le rapport de M. Melvyn.

I. LIGNES DIRECTRICES POUR L’AMÉLIORATION DE L’ACCÈS À LA PROTECTION SOCIALE 

Ces lignes directrices ont été élaborées par le Groupe de spécialistes sur l’accès à la protection sociale (CS-PS). Elles ont pour but de faciliter l’accès aux prestations sociales aux personnes qui remplissent les conditions d’octroi de ces prestations mais qui rencontrent des difficultés pour faire valoir leurs droits. Elles ont aussi pour fonction de faciliter l’accès des personnes aux services sociaux. Elles sont fondées sur les principes généraux suivants:

L’exercice d’un droit présuppose la connaissance de ce droit et la conscience d’être sujet de droit;
l’accès effectif à la protection sociale doit être garanti à tous les ayants droit;
les organismes de protection sociale et les services sociaux doivent être au service des ayants droit;
une attention particulière doit être portée aux ayants droit les plus vulnérables;
un véritable partenariat entre les organismes de protection sociale et les services sociaux d’une part et les différents acteurs de la société civile d’autre part est essentiel en vue d’améliorer l’accès à la protection sociale;
une évaluation systématique de l’impact sur la lutte contre la pauvreté devrait être entreprise lors de modifications importantes de la législation en vigueur ou de l’introduction de nouvelles prestations.

1. Améliorer la communication et l’information concernant les droits, les prestations et les services

a. Le public devrait disposer de toute l'information nécessaire concernant les prestations sociales et les services sociaux; la diffusion de l’information devrait s’inscrire dans une politique performante d’information du public et une stratégie nationale d’information:

la diffusion de l'information devrait viser tous les ayants droit et utiliser le maximum de canaux d'information (brochures adressées à toute la population, spots TV, mise à disposition de brochures dans certains lieux publics, numéros de téléphone gratuits, opérations portes ouvertes, internet, etc.);
cette information devrait être accessible dans plusieurs langues (minorités nationales, travailleurs migrants);
cette information devrait être adaptée aux personnes handicapées (personnes à mobilité réduite, malentendants, malvoyants); 
lorsque l'information est diffusée sous forme de brochures (documentation), elle devrait être rédigée dans un langage simple et précis et mise à jour régulièrement;
une information à l'intention des relais (personnes proches des bénéficiaires potentiels) devrait être mise en place.

b. Les ayants droit devraient être en mesure d’exercer facilement leurs droits :

les formulaires de demande de prestations devraient être concis, bien ciblés et faciles à remplir ;
le rôle de conseil des organismes de protection sociale devrait être encouragé, notamment en vue de remplir les formulaires de demande de prestations, si nécessaire en adoptant des approches pro-actives (centres de téléphonie à numéros gratuits, services ambulatoires) ;
le refus d’une prestation doit toujours être motivé de manière simple et compréhensible et indiquer les voies de recours ;
la possibilité d’une explication orale devrait être proposée.

c. Les pouvoirs publics devraient porter une attention constante à la qualité et à l'efficacité de l'information:

les prestataires de service devraient être formés aux relations humaines;
des enquêtes devraient être menées périodiquement pour connaître le degré de pénétration de l'information;
des enquêtes devraient être menées périodiquement pour connaître le degré de satisfaction des ayants droit;
- des contrôles devraient être effectués pour vérifier que les bénéficiaires potentiels ont eu accès aux prestations, par exemple, en comparant les prévisions budgétaires et les dépenses effectuées;
- les personnes identifiées comme ne faisant pas usage de leurs droits devraient faire l'objet d'une démarche spécifique pour aller à leur rencontre.

2. Améliorer la gestion et l’organisation des fournisseurs de prestations et des services sociaux

a. La mise en place des organismes de protection sociale et des services sociaux devrait être adaptée aux besoins des ayants droit:

la répartition des compétences entre différents organismes et services devrait être clairement établie  et cette information communiquée à tous les organismes et services concernés;
les ayants droit devraient connaître l'existence des organismes de protection sociale et des services sociaux et leurs attributions respectives, le cas échéant par l'instauration du système de guichet unique (guichet social) ou d’autres mesures pour faciliter l’accès aux prestations sociales et aux services ;
les organismes de protection sociale et les services sociaux devraient être particulièrement adaptés aux besoins des personnes en situation d'exclusion;
- les locaux des organismes de protection sociale et des services sociaux devraient être accessibles à tous (personnes âgées, personnes handicapées, personnes avec jeunes enfants);
- les horaires d'ouverture devraient être aménagés pour tenir compte des différents besoins des ayants droit;
des bureaux sociaux ambulants (« mobile social welfare offices ») devraient être mis en place si nécessaire ;
les technologies de la communication, notamment les nouvelles technologies (internet), devraient être mises à disposition et utilisées dans le but de faciliter l’accès aux prestations sociales et aux services sociaux, en particulier aux personnes vivant dans des régions difficiles d’accès (zones géographiques isolées, zones rurales).

b. Le fonctionnement des organismes de protection sociale et des services sociaux devrait être adapté aux besoins des ayants droit:

- les différents organismes et services devraient coopérer entre eux pour traiter les dossiers des ayants droit, tout en respectant la protection des données personnelles;
l'accueil des ayants droit les plus vulnérables est déterminant, spécialement lors de leur première visite, car de cet accueil dépend leur confiance dans l'institution; dès lors, le personnel devrait être formé de manière à acquérir les compétences professionnelles et l’aptitude aux relations humaines nécessaires ;
la formation du personnel chargé de l’accueil devrait être particulièrement orientée sur l'aspect «anti-discrimination»; le personnel chargé de l'accueil devrait être particulièrement sensibilisé aux besoins des personnes en situation d'exclusion, ainsi qu’aux habitudes culturelles des migrants et des minorités avec lesquelles il est en contact;
- les organismes et les services sociaux devraient s’adjoindre les services d'interprètes et de médiateurs et, éventuellement, avoir recours à des personnes originaires des minorités ou des pays d’où proviennent les migrants, dans le but de faciliter la communication avec les ayants droit.

c. Les organismes de protection sociale et les services sociaux ont une responsabilité envers les ayants droit et devraient y être sensibilisés :

les organismes de protection sociale et les services sociaux devraient, à cette fin, fonctionner de façon efficace, notamment en termes de respect des délais et de résultat ;
des mécanismes permettant d’évaluer si les organismes de protection sociale et les services sociaux remplissent effectivement leurs responsabilités devraient, à cet égard, être mis en place.

3. Améliorer le partenariat entre les organismes de protection sociale, les services sociaux, les ONGs, et les autres acteurs de la société civile

Le partenariat doit être compris au sens large : partenariat avec des organisations représentant la société civile, les autorités locales, les partenaires sociaux et le secteur privé, et partenariat avec les ayants droit en vue de promouvoir la participation et l’autonomie (« empowerment ») de ces derniers.

a. La participation de tous les acteurs devrait être favorisée:

la participation et l’expression des personnes en situation d’exclusion devraient être encouragées, notamment en ce qui concerne les politiques et les actions développées à leur égard;
l’importance du bénévolat devrait être reconnue: les bénévoles sont des acteurs de terrain et il devrait être tenu compte de leur expérience lors de la mise en place de nouvelles mesures.

b. Le rôle des ONGs et d’autres acteurs de la société civile devrait être reconnu et leur action soutenue :

l’existence des ONGs devrait être reconnue sur le plan juridique ;
l’activité des ONGs et d’autres acteurs devrait être encouragée et soutenue mais leur rôle n’est pas de pallier les carences des organismes et des services sociaux;
l’expérience des ONGs et d’autres acteurs, et notamment leur fonction de «signal d’alarme», devrait être prise en considération dans l’élaboration des politiques ayant pour but de garantir l’accès à la protection sociale.

c. Le partenariat avec les ONGs et d’autres acteurs de la société devrait être encouragé

la coopération entre les organismes de protection sociale et les services sociaux, d’une part, et les ONGs et autres acteurs de la société civile, d’autre part, devrait être encouragée; ceci serait de nature à favoriser une interaction entre le système de protection sociale et le bénévolat;
la concertation de tous les partenaires lors des réformes des systèmes de protection sociale devrait être encouragée dans la mesure du possible;
les ONGs et les autres acteurs devraient être reconnus en tant que partenaires dans la mise en œuvre et l’évaluation de mesures prises pour améliorer l’accès à la protection sociale.

II. EXPOSE DES MOTIFS 

1. Améliorer la communication et l’information concernant les droits, les prestations et les services

Les lignes directrices pour l’amélioration de l’accès à la protection sociale sont fondées sur des principes généraux devant guider la mise en œuvre de mesures pour faciliter l’accès aux prestations sociales et aux services sociaux. Ces principes généraux sont les suivants :

L’exercice d’un droit présuppose la connaissance de ce droit et la conscience d’être sujet de droit.

L’accès effectif à la protection sociale doit être garanti à tous les ayants droit.

Les organismes de protection sociale et les services sociaux doivent être au service des ayants droit.

Une attention particulière doit être portée aux ayants droit les plus vulnérables.5

Un véritable partenariat entre les organismes de protection sociale et les services sociaux d’une part, et les différents acteurs de la société civile d’autre part, est essentiel en vue d’améliorer l’accès à la protection sociale.

Une évaluation systématique de l’impact sur la lutte contre la pauvreté devrait être entreprise lors de modifications importantes de la législation en vigueur ou de l’introduction de nouvelles prestations.

Les réponses au questionnaire diffusé par le Conseil de l’Europe ont mis en évidence que le manque d’informations concernant les droits, les prestations et les services en matière de protection sociale, risque d’entraîner la perte du bénéfice des prestations ou services auxquelles la personne pourrait avoir droit, ou en retarder l’obtention. Dans certains cas, cette carence d’informations peut expliquer le faible taux d’utilisation de certaines prestations.

Même s’il s’avère difficile de déterminer si les informations nécessaires à l’exercice du droit n’ont pas été fournies, si les procédures de demande manquent de clarté ou si, simplement, les usagers n’ont pas pris connaissance des informations pertinentes, les conséquences du manque d’informations peuvent avoir des répercussions très graves dans certains cas, en particulier pour les personnes ne disposant que de ressources financières limitées.

Dans l’ensemble, les organismes officiels semblent être satisfaits de la qualité des renseignements qu’ils procurent au public au sujet des droits et des procédures de demande de prestations et de services sociaux. Dans leur réponse au questionnaire, ils insistent sur leurs efforts constants de diffusion des informations par différents moyens (journaux, internet, nombreuses brochures d’information, guides d’information, annonces TV, téléphones). Toutefois, quelques-uns reconnaissent que, dans certains cas, ils rencontrent des difficultés pour atteindre des personnes appartenant à des minorités ethniques ou linguistiques ou à des groupes spécifiques comme les travailleurs migrants.

Au contraire, la grande majorité des ONGs tend à critiquer l’information diffusée par les sources gouvernementales. Les principales critiques portent sur : la fragmentation des informations diffusées (qui reflètent la complexité de l’organisation du système de protection sociale); la qualité générale de l’information (inexactitudes ou erreurs dans les documents d’information, renseignements non tenus à jour) ; le déséquilibre entre la quantité de renseignements sur les différentes prestations (par exemple, beaucoup d’informations sur les régimes de pension mais peu sur les prestations soumises à conditions de ressources)  et, enfin, le manque d’adaptation de l’information à tout type de public : personnes à faible niveau d’instruction, minorités ethniques ou linguistiques et migrants, groupes défavorisés et personnes handicapées (notamment malentendants et malvoyants).

Il s’ensuit des réponses au questionnaire que les informations diffusées ne sont pas toujours exactes, à jour et accessibles à tous et que, certains groupes de personnes semblent toujours rester en dehors du champ de diffusion des informations.

En outre, d’après les réponses au questionnaire, les informations sur les prestations sociales et les services sociaux, telles qu’elles sont présentées et diffusées par les organismes publics, donnent souvent l’impression d’être destinées à un public qui connaît déjà le fonctionnement des régimes de prestations. Fréquemment rédigés dans un langage juridique et bureaucratique, la plupart des documents d’information publiés ne sont compréhensibles que par les décideurs et les agents chargés de l’administration des services. Si ceci a pour conséquence des difficultés d’accès pour de nombreuses personnes ordinaires, les personnes qui ont des problèmes pour lire et écrire, par exemple, ou celles appartenant à certaines minorités se trouvent, quant à elles, devant un obstacle majeur.

Une partie importante des réponses au questionnaire admet, par conséquent, que le public a du mal à comprendre pleinement l’information qui lui est adressée sur les prestations sociales et les services sociaux. Les services publics et les ONGs considèrent pour la plupart que l'une de leurs principales fonctions consiste à conseiller et à aider les usagers à l’égard des procédures de demande.

Il y également unanimité sur le fait que les prestations devraient être faciles à demander et faciles à gérer : il faudrait qu'elles soient d'une compréhension aisée tant pour ceux qui les sollicitent que pour les agents qui les fournissent, surtout pour les agents chargés, au sein des organismes concernés, de transmettre ces informations au public. Il résulte également de certaines réponses au questionnaire que les règles régissant les formulaires de demande sont très souvent si difficiles à comprendre qu’ils découragent de nombreux demandeurs éventuels. D’après plusieurs exemples tirés des contextes nationaux, le fait que les formulaires soient longs et souvent compliqués, constitue un obstacle majeur à l’accès à la protection sociale.

2. Ameliorer la gestion et l’organisation des fournisseurs des prestations et des services sociaux

La plupart des réponses au questionnaire reconnaissent que la définition des compétences de chacun des organismes qui constitue le réseau de protection sociale n’est pas toujours aussi claire qu’il serait souhaitable, et que cela constitue une source d’obstacles d’importance majeure pour les ayants droit. Il en est de même avec la répartition des compétences au sein même des organismes et entre organismes de protection sociale (et niveaux de gestion) et, par conséquent, dans la détermination de leurs responsabilités et obligations. Tel qu’il est spécifié par plusieurs correspondants, plus l’organisation du système de protection sociale est complexe, plus la répartition des tâches et des responsabilités est difficile.

Cette situation est davantage compliquée dans les pays en transition vers l’économie de marché, dont les systèmes de protection sociale sont en cours de transformation et ne sont donc pas pleinement structurés. D’importantes difficultés sont mentionnées en particulier par des Etats fédéraux en transition, dans lesquels la décentralisation du système de protection sociale a été entamée sans que pour autant les organismes censés fournir les services dont ils ont nouvellement la responsabilité disposent de toutes les ressources nécessaires. Les domaines de l’assistance sociale et des services sociaux semblent être ceux dans lesquels les frictions se produisent le plus fréquemment, faute de définition et de répartition claire des pouvoirs et des responsabilités.

Mais ce problème n’est pas propre aux pays dont l’économie a longtemps été soumise à la planification centralisée. Des réponses en provenance d’Etats à systèmes de protection sociale consolidés déplorent que la protection sociale à laquelle le citoyen a droit soit fournie par de nombreux organismes administratifs différents et donc l’absence d’un système intégré rendant service au client. Si dans l’ensemble le droit à une prestation ou service n’exclut pas le droit à une autre prestation ou service (lorsque le bénéficiaire potentiel remplit les conditions d’octroi) l’exclusion d’une prestation ouvre rarement l’accès à une autre. Dans la pratique, la demande de prestations, notamment de celles soumises à conditions de ressources, doit être faite séparément, bien que les renseignements à fournir dans chaque demande soient souvent fondamentalement identiques. Pour remédier à ces situations, des mesures mises en œuvre dans différents pays ont pour but d’offrir aux ayants droit des services intégrés. Cela se traduit, notamment, par la mise en place de guichets uniques pour faire face à la fragmentation des tâches et des responsabilités.

Les réponses au questionnaire reconnaissent également que les locaux des organismes de protection sociale et de services sociaux ne sont pas toujours accessibles à tous les ayants droit, pour des raisons diverses. Les raisons évoquées concernent au premier chef l’étendue géographique du réseau de protection sociale ; ainsi, l’accès des populations rurales ou de celles vivant dans des zones géographiques isolées aux services de protection sociale pose souvent problème, indépendamment de l’emplacement géographique du pays en Europe et de la taille de son territoire. Toutefois, les conditions climatiques, surtout les hivers longs et rigoureux, aggravent la difficulté en Europe du nord-est. Dans de nombreux pays, de denses réseaux de points d’offre des services facilitent l’accès aux prestations sociales et aux services sociaux et dans d’autres, notamment si de vastes régions sont faiblement peuplées, les contacts sont très souvent entretenus par téléphone, par courrier, par télécopie et par courrier électronique.

L’accessibilité difficile des services pour les personnes âgées et pour les personnes handicapées est également mentionnée dans de nombreuses réponses. Les difficultés particulières rencontrées par ces personnes concernent l’utilisation des transports publics et l’accès aux bâtiments officiels, qui, la plupart du temps, ne sont pas équipés pour accueillir les personnes à mobilité réduite, des personnes âgées ou des personnes accompagnées de jeunes enfants.

Pour remédier à cette situation, certains pays ont mis en place des services de visites a domicile, qui contribuent à fournir des informations et à apporter conseil à l’heure de remplir des demandes. De nombreux pays ont également adopté des dispositions législatives pour garantir l’accessibilité aux handicapés, qui s’appliquent aux nouveaux bâtiments et, dans certains pays, à l’aménagement des caractéristiques physiques qui constituent des obstacles à l’accès dans les bâtiments déjà existants.

Les pays qui, en réponse au questionnaire, ont fourni des informations sur les compétences et la formation du personnel travaillant dans des organismes de protection sociale, reconnaissent l’existence d’un manque de personnel qualifié pour tout un ensemble de raisons. Ils reconnaissent également que si les besoins en termes de qualification du personnel varient d’un organisme à l’autre et au sein d’un même organisme, les qualifications requises pour chaque poste ne sont pas toujours clairement déterminées.

Plusieurs pays comptent sur des programmes de formation permanente pour leur personnel, dont le suivi n’est toutefois pas toujours obligatoire pour les agents concernés ; d’autres pays déplorent l’absence de moyens permettant d’offrir aux employés des possibilités d’améliorer leurs compétences de façon continue. A titre d’exemple, certaines réponses soulignent le manque de personnel formé aux méthodes modernes d’action sociale dans le domaine des services sociaux et d’autres rappellent que même si les travailleurs sociaux ont une formation spécifique, le bas niveau de rémunération dans cette profession ne contribue pas à améliorer le niveau de compétence dans la profession. 6

Il est presque unanimement reconnu dans les réponses au questionnaire que le personnel manque souvent de connaissances précises au sujet d’autres prestations et services et n’est pas en mesure, pour cette raison, d’acheminer le client sur la voie qui lui permettrait, éventuellement, d’obtenir une autre prestation ou service. Ce rôle d’information générale est souvent assumé par des organismes d’information indépendants (organisations non gouvernementales ou autres), qui ont une vision d’ensemble plus large du système national de protection sociale.

La question de la qualité de l’accueil est traitée dans de nombreuses réponses au questionnaire. La qualité de l’accueil du public est largement liée au niveau de la qualification des prestataires de services. En outre, le rôle des agents chargés de l’accueil du public est d’extrême importance en particulier pour les personnes en situation de vulnérabilité. Alors que l’importance du rôle des agents chargés de l’accueil du public comme point de contact entre l’individu et l’administration est reconnu, et que des expériences négatives à ce stade peuvent être susceptibles d’engendrer un sentiment de vulnérabilité, certaines réponses au questionnaire qualifient d’insuffisante l’aptitude aux relations humaines des agents chargés de l’accueil du public et mentionnent l’absence de formation de ces agents aux relations humaines en soulignant que de telles formations ne font pas toujours partie des programmes de formation proposés.

L’attitude des agents chargés de l’accueil envers les clients est souvent décrite comme indifférente et condescendante. La stigmatisation sociale, qu’elle soit réelle ou ressentie comme telle par le bénéficiaire ou le bénéficiaire potentiel, toucherait, d’après les réponses au questionnaire, deux groupes de personnes: les groupes ou individus réputés marginaux (malades du sida, drogue-adicts, sans-abri, les mères célibataires, auxquels s’ajoutent, d’après un bon nombre de réponses, les personnes atteintes de maladie mentale ou même les personnes handicapées physiques) et les bénéficiaires de l’assistance sociale non contributive, auxquels s’ajoutent parfois aussi les bénéficiaires des indemnités d’assurance-chômage. Il est intéressant d’observer que certaines réponses, qu’elles proviennent de sources gouvernementales ou d’autres sources, font état d’attitudes très répandues et solidement ancrées dans leurs sociétés conformément auxquelles chacun devrait être capable d’assumer la responsabilité de sa propre existence et de celle de sa famille sans aide extérieure. Le sentiment de stigmatisation est répandu également dans des pays en transition, surtout parmi les personnes qui bénéficiaient antérieurement d’un statut économique et social plus élevé.

Lorsque la qualité de l’accueil est mise en question, des références sont faites également aux conditions de travail défavorables du personnel d’accueil, au mauvais état des salles d’attente ou au manque de confidentialité dans les locaux.

L’amélioration de la qualité de l’accueil est à l’ordre du jour de grand nombre d’administrations nationales de protection sociale. Des exemples cités dans les réponses au questionnaire ont pour but d’offrir aux agents d’accueil une formation ciblée sur les relations humaines, et des formations spécifiques aux agents chargés de l’accueil de certains groupes (ex. migrants). Dans plusieurs cas des médiateurs pour garantir la bonne conduite administrative sont mis en place et il est fait recours, dans le but de faciliter la communication avec les utilisateurs, à des services d’interprètes et à des personnes originaires des minorités ou des pays d’où proviennent les migrants. Ceci est d’autant plus important que plusieurs pays ont informé que certaines catégories de personnes ou certains groupes sont soit exclus de différentes prestations ou services, soit confrontés à des difficultés pour y accéder comme par exemple les personnes en situation irrégulière (notamment les immigrants illégaux), les demandeurs d’asile, les réfugiés et certains groupes autochtones.

3. Améliorer le partenariat entre les organismes de protection sociale, les services sociaux, les ONGs, et les autres acteurs de la société civile

Le rapport élaboré en réponse au questionnaire repose sur des informations fournies aussi bien par des instances gouvernementales que par des organisations non gouvernementales travaillant dans le secteur de la protection sociale et soulève, par la force des choses, la question des relations entre ces deux types d’acteurs. Certes, ces relations sont devenues davantage complexes au cours des dernières décennies en raison d'un individualisme plus marqué, du déclin des structures familiales traditionnelles et de la diversification croissante des populations résultant des flux migratoires. En contrepartie, la communication et la coopération entre les services publics et les divers acteurs de la société civile se sont progressivement améliorées, à mesure que l'on a pris conscience des limites et des difficultés que rencontre l'Etat pour instituer et mettre en œuvre tout l'éventail de la protection sociale.

Les ONGs et autres acteurs de la société civile travaillant dans le domaine social occupent un terrain qui se situe entre le secteur public et le secteur privé, et existent en raison d’un besoin social qui, pour des raisons diverses, n’est pas couvert comme il devrait l’être. En contribuant à la réalisation de la protection sociale, ils remplissent, d’après les réponses au questionnaire, toute une série de fonctions allant de l’information sur les prestations et les services et le conseil lors des demandes de prestation et de services à la lutte en faveur des droits sociaux en passant par l’assistance dans la défense des droits individuels et collectifs (par exemple en cas de recours), l’expérimentation de nouvelles approches (par exemple, dans le cas de certains services sociaux) ou la formulation de critiques constructives envers l’administration et le renvoi à celle-ci d’un feed-back sur la situation et le ressenti de la société.

La tradition d'engagement volontaire ancrée de longue date en Europe occidentale a fait que l'Etat-providence ait toujours pu compter sur la participation de la société civile et donc sur le rôle joué par les organismes bénévoles. Ce rôle s'exerce essentiellement au niveau national et local – bien que les ONGs internationales aient pris une importance considérable –, où ils se placent souvent comme intermédiaires entre les citoyens et l'Etat. Même si les ressources financières, les rapports de force et l'influence politique des ONGs varient grandement, toutes contribuent à mettre en avant les besoins de certaines catégories de la population, ce qui peut aboutir, en dernier lieu, dans l'adoption de nouvelles politiques ou de nouvelles législations dans le domaine sociale. Des exemples donnés dans les réponses au questionnaire illustrent l’importance du bénévolat qui, dans le domaine social, contribue à renforcer l'action des pouvoirs publics.

Dans les pays de l’Europe centrale et orientale, les changements de régime qui se sont produits au cours de la dernière décennie ont incité un nombre important de citoyens à s'impliquer davantage dans du travail bénévole, pour défendre des causes qui leur semblaient importantes. Le nombre d'ONGs a considérablement augmenté dans la majorité de ces pays, mais elles sont le plus souvent, au mieux, tolérées par les pouvoirs publics et rarement considérées comme des partenaires. Il s’ensuit des réponses au questionnaire que ce phénomène, certes important, va en s'accroissant, aussi bien en Europe occidentale que dans les pays de l’Europe centrale et orientale.

Le partenariat favorise l'émergence d'approches basées sur la consultation des ayants droit. L'un des principaux volets de cette approche est de faciliter l'accès aux prestations sociales et aux services sociaux. Les informations fournies dans les réponses au questionnaire dessinent plusieurs tendances : de décentralisation de la fourniture de prestations et de services vers de petites structures locales (ce point est particulièrement important pour ceux qui sont tributaires de leur environnement immédiat en raison d'une mobilité réduite, de ressources insuffisantes ou de contraintes familiales), de modification de la façon dont les services sont dispensés et de mise à la disposition des ayants droit de services intégrés.

1 Autriche, Croatie, République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, Islande, Irlande, Italie, Lettonie, Norvège, Portugal, Fédération Russe, Slovénie, Espagne, Suisse, Turquie, Royaume-Uni, Saint-Siège

2 Centre Interdisciplinaire Droits Fondamentaux et Lien Social, Faculté Universitaire Notre Dame, Namur, Belgique et le Centre européen de Recherche en Politique Sociale, Vienne, Autriche

3 Réseau Européen de Lutte contre la Pauvreté et l’Exclusion Sociale (REALPES) et ATD-Quart-Monde

4 Association Internationale de Sécurité Sociale (AISS)

5 Au cours de ses travaux, le Groupe de spécialistes sur l’accès à la protection sociale (CS-PS) a pris en considération la situation des personnes défavorisées. Il a également gardé à l’esprit la situation des personnes qui, sans être défavorisées, peuvent être, sous certaines circonstances, davantage vulnérables (tel que, par exemple, les personnes âgées, les jeunes ou les personnes handicapées). Afin de pouvoir se référer à ces deux catégories de personnes en utilisant un seul concept, le Groupe CS-PS a délibérément décidé d’utiliser le terme « vulnérables ».

6 En vue d’améliorer le niveau de compétence des travailleurs sociaux, il convient de mentionner l’intérêt de la Recommandation nº(2001)1 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les travailleurs sociaux (http://www.coe.int/)