Retour au portail Internet du Conseil de l'Europeretour au site Convention Culturelle
Evénements en 2005
Manifestations dans les pays participants
 
Conférence "Dialogue interculturel : aller de l'avant"
27-28 octobre 2005
Programme (pdf)
  Rapport sur le colloque "Culture européenne : identité et diversité"
  Plate-forme ouverte de coopération (pdf)
  Mémorandum de coopération avec la Fondation Anna Lindh pour le Dialogue entre les Cultures
  Programme d’activités coordonné entre le Conseil de l'Europe et l’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (ALECSO)
  Déclaration de Faro (pdf)
  Convention-cadre (pdf)
  Rapport explicatif (pdf)
  Actes de la Conférence d'ouverture de Wroclaw (pdf)
  Galerie photos de la conférence de Faro
   
Colloque "Culture européenne : identité et diversité"
8-9 septembre 2005
Les intervenants et leurs contributions
Liste des participants
  Résumé (pdf)
 
Conférence de lancement
9-10 décembre 2004
Déclaration
Cérémonie d'attribution de mentions à cinq itinéraires culturels
Les nouvelles dimensions d'Europe
Cinquante ans de la Convention culturelle européenne (pdf)
Texte de la Convention - Etat des signatures et ratifications
 
Téléchargements
Logo
 
Publication
 
40 ans de coopération culturelle européenne 1954-1994 par Etienne GROSJEAN
Commander
Version électronique
 

Colloque : « Culture européenne : identité et diversité »
Strasbourg, France
8-9 septembre 2005

Benoît PAUMIER
Ministère français de la Culture et de la Communication

Monsieur le Secrétaire général,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames , messieurs,

Je voudrais tout d’abord excuser l’absence du Ministre de la culture et de la communication, Renaud Donnedieu de Vabres, retenu aujourd’hui à Paris pour des raisons impératives, mais dont vous connaissez l’attachement au Conseil de l’Europe qu’il a manifesté à plusieurs reprises depuis son entrée en fonction, et notamment lors de sa rencontre à Strasbourg en février dernier avec monsieur le secrétaire général Terry Davis, et lors de son intervention devant la Commission de la culture , de la science et de l’éducation de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en Septembre 2004.

Le Ministre se réjouit tout particulièrement du choix du thème “ diversité et identité ”, qui correspond à un enjeu que ce ministère considère comme tout à fait déterminant pour l’avenir des politiques culturelles, et qui, de manière plus générale, illustre la place nouvelle de la dimension culturelle dans les enjeux économiques, sociaux et diplomatiques de notre temps.

La première conférence de Ministres de la culture destinée à marquer le cinquantième anniversaire de la convention culturelle du Conseil de l’Europe, à Wroclaw à l’automne dernier avait permis de manifester avec force l’attention du Conseil de l’Europe sur ces sujets. Les derniers événements depuis cette réunion ont confirmé les risques liés à la tentation du repli sur soi ainsi qu’à l’irruption de plus en plus violente de l’intolérance et du terrorisme. Ils ne font ainsi que souligner la pertinence et l’urgence d’une réflexion plus approfondie sur ce thème de l’identité et de la diversité.

La culture est en effet au cœur des enjeux de la paix et de la guerre dans le monde. La crise d’identité à la quelle ni la France ni l’Europe n’échappent aujourd’hui explique pour une grande part les soubresauts du monde. L’un des défis essentiels aujourd’hui est de donner à nos concitoyens la mesure de la force que représente une identité solide, pour vivre avec la mondialisation et s’ouvrir à l’autre sans craindre de se renier soi-même.

Le Conseil de l’Europe dans ce débat a une responsabilité éminente. Ayant un rôle essentiel dans le respect des libertés et des droits de l’homme en Europe, et dans la prévention des conflits, il a pris en compte, avant beaucoup d’autres , le rôle essentiel de la culture et du dialogue interculturel dans la prévention des conflits, notamment dans la déclaration des ministres de la culture d’Opatija en octobre 2003 sur le dialogue interculturel et la prévention des conflits.

Il est ainsi en phase avec le renouvellement du rôle de la diplomatie culturelle : il ne s’agit plus seulement de mettre en valeur le patrimoine et la création ; il s’agit aussi de faire vivre et de faire ressortir la force des identités, d’une façon pacifique et respectueuse de l’autre, dans un monde dans lequel la plupart des conflits sont d’abord des conflits d’identité.

Ce débat, comme le souligne justement le programme de ce colloque, a des enjeux tant sur le plan international et diplomatique, que dans la sphère sociale interne.

Dans le domaine international, le défi est celui du développement des échanges sur une base de réciprocité entre toutes les cultures, qui concerne non seulement la culture au sens traditionnel du terme, mais aussi, celle qui s’exprime dans les outils modernes de communication. Au niveau de chacun de nos Etats, il s’agit de promouvoir un modèle de dialogue faisant un juste équilibre entre le respect des identités d’origine, et l’adhésion à des valeurs communes.

La mondialisation de la culture est un fait acquis. C’est à la fois une chance extraordinaire pour la circulation des idées des personnes des œuvres et des produits, c’est aussi un risque d’uniformisation et de disparition de nos cultures et de nos langues. Je rappellerai à ce sujet brièvement les chiffres déjà cités lors de la conférence de Wroclaw, sur les 85% de films produits dans le monde issus des studios d’Hollywood, sur les quatre sociétés qui se partagent le marché de la musique dans le monde, ou sur les 60% d’œuvres de fiction d’origine exclusivement américaine dans le total des fictions diffusées à la télévision dans beaucoup de nos pays.

L’Europe, dans son ensemble a bien compris tous les dangers de ces évolutions, et nous nous réjouissons que le projet de convention sur la diversité culturelle , tel qu’il a été élaboré en Juin dernier par le comité d’experts intergouvernementaux de l’UNESCO, ait suscité le consensus et l’approbation de la totalité des Etats du Conseil de l’Europe membres de l’UNESCO. Ce consensus de tout un continent , que laissaient prévoir les déclarations des ministres de la culture du Conseil de l’Europe, tant à Opatija en 2003 qu’à Wroclaw, a constitué l’un des atouts majeurs qui ont permis de faire avancer cette difficile négociation.

Il n’y a là rien d’étonnant si l’on songe que l’un des traits marquants de la civilisation européenne tout au long de son histoire, c’est l’échange , l’ouverture, la curiosité du monde extérieur et la culture de l’altérité. Plus encore, pour continuer de se construire, l’Europe a besoin de la diversité culturelle.

Si, comme nous l’espérons, le projet de convention internationale sur la diversité des expressions culturelles est adopté lors de la conférence générale de l’UNESCO d’octobre prochain, puis ratifié, la spécificité des biens culturels et audiovisuels en tant que biens porteurs d’identité et donc ne pouvant pas être traités comme les autres , sera enfin reconnue, et par là-même la possibilité pour les Etats de mettre en œuvre les mécanismes de soutien et de coopération indispensables au maintien de cette diversité culturelle.

Ce projet n’est donc pas un point d’aboutissement, mais il est aussi un point de départ : nous sommes ainsi invités concrètement à réfléchir sur les mécanismes nationaux et internationaux à mettre en place pour préserver le respect des cultures et la diversité culturelle ; et je crois que dans cette nouvelle phase, le Conseil de l’Europe, fort de son rôle pionnier en matière de coopération patrimoniale, et de sa sensibilité particulière à la question du rôle de la culture dans la prévention des conflits, a un rôle très éminent à jouer.

Mais, au-delà de cet aspect international qui concerne d’abord la consolidation d’un droit internationale de la culture au même titre que le droit international qui se développe en matière de santé ou d’environnement, la question de la diversité culturelle au sein même de nos sociétés , prend une nouvelle actualité. Si certains Etats connaissent bien ce sujet en raison de leur caractère traditionnellement multiethnique, les conséquences de l’immigration tant à l’intérieur de l’Europe, que venant de l’extérieur en font une question qui nous concerne tous.

Dans un tel contexte, la politique d’échanges culturels ne peut plus seulement se limiter à favoriser les échanges d’œuvres d’art et l’ouverture à d’autres apports culturels. Il doit s’agir aussi, de manière plus générale, de promouvoir des pratiques culturelles qui fassent progresser la tolérance, le dialogue dans le respect des différences, la lutte contre toutes les formes d’exclusion ou même de ségrégation, et qui, enfin, suscitent le désir de vivre et de créer ensemble.

Aussi, de manière emblématique, l’ouverture à Paris d’une Cité nationale de l’histoire de l’immigration en 2007 à Paris au palais de la Porte Dorée destiné à rendre accessible et visible à l’ensemble de la population française de la richesse des apports des vagues d’immigration successives en France témoignera de cette approche renouvelée.

Mais, ce combat n’a de sens que si nous donnons à l’éducation artistique et culturelle toute la place qui doit être la sienne.

La transmission d’un patrimoine commun d’œuvres, des valeurs culturelles qui y sont attachées, au plus grand nombre est une condition absolue de défense de la diversité culturelle.

Mais, nous le savons, une action véritable de démocratisation de la culture passe par la prise en compte de la culture par le système éducatif dans son ensemble. Elle doit gagner en intensité et en étendue à l’intérieur de celui-ci, et justifie donc de sensibiliser sans relâche les responsables en charge du système éducatif à cette dimension essentielle.

De surcroît, les politiques d’éducation artistique et culturelle doivent prendre en compte le fait que pour le plus grand nombre, l’accès à la culture ne passe pas nécessairement par une pratique artistique, fût-elle amateur, ou même par la fréquentation des équipements culturels, mais se nourrit aussi et de plus en plus de la consommation des œuvres produites par les industries culturelles.

L’éducation artistique et culturelle doit permettre aux enfants et aux jeunes de mieux se repérer dans la très grande offre de productions culturelles offertes par le développement, à l’échelle mondiale, des industries culturelles et leur permettre d’acquérir un regard critique face aux risques d’uniformisation et de standardisation des goûts et des pratiques culturelles. Cette politique doit intégrer l'éducation au respect des droits d'auteur, principalement en matière de production musicale et d'images.

Dans ce contexte , la mise en commun de nos expériences au sein de nos différents Etats sur l’évaluation des effets de l’éducation artistique et culturelle sur l’intégration et la cohésion sociale nous paraît devoir être un thème de recherche essentiel. Le ministère de la culture et de la communication français organisera à ce sujet un colloque l’année prochaine à Paris. Nous souhaitons que le Conseil de l’Europe , qui a également commencé à se pencher sur ces questions, avec l’élaboration et la diffusion du compendium des politiques culturelles en Europe, puisse également apporter sa part à cette recherche.

Mesdames, messieurs, c’est parce que notre diversité, à nous Européens, est notre force, qu’il nous faut continuer à agir et à nous organiser, et que le Conseil de l’Europe a toute sa place comme laboratoire d’idées et de soutien aux échanges culturels. L’alternative dont nous ne voulons pas est celle d’un monde où, parallèlement à une culture de masse uniformisée et standardisée, nos sociétés seraient traversées par des fractures identitaires de plus en plus irréductibles et porteuses de violence et de conflits. C’est parce que les enjeux culturels concernent aussi la cohésion de chacune de nos sociétés et la paix sur notre continent, que le combat pour l’Europe de la diversité culturelle et du dialogue interculturel réclame la mobilisation de chacun de nous.

Je vous remercie.