Jérôme Bouvier, président de l'association Journalisme et Citoyenneté (France)

''L’affirmation bruyante de ses valeurs républicaines cache trop souvent la grande difficulté de la France a respecter toutes les diversités qui la composent. Il y a urgence a ce que les organisations de professionnels des médias se mobilisent pour mieux refléter la diversité ethnique et sociale du pays'', selon le journaliste Jérôme Bouvier, qui fut notamment directeur de la redaction de France Culture et de Radio France Internationale.

Par tradition, la France ne tient aucun compte des questions d’origine ethnique, afin de favoriser l’unité nationale et d’éviter le piège ''anglo-saxon'' du ''communautarisme'', qui est critiqué pour mettre trop l’accent sur les origines ethniques et culturelles au détriment de la cohésion nationale.

M. Bouvier affirme cependant que, quoique bien intentionné, le principe français a abouti à une culture des médias et de l’information qui est socialement élitiste, à la traîne des réalités de la France moderne. Il représente mal les préoccupations des communautés minoritaires du pays.

''La diversité ethnoculturelle en France - il y a un énorme retard'', dit-il. ''La culture française a toujours réfusé le communautarisme pour de bonnes raisons. Il y a la conviction en France qu'on est tous égaux et que on ne doit pas faire de distinction entre les cultures d’origine''.

''A force d'affirmer cela, on a fini par laisser de côté des acteurs de la société française, notamment issus de l'immigration, qui se sentent exclus par ce modèle''.

''Les journalistes et présentateurs de la télévision et de la radio ne sont pas suffisamment à l'image de la société française. Il y a un travail considérable à effectuer''.

Pendant une semaine, Jérôme Bouvier invite les journalistes et les patrons de presse a débattre de ces question lors des « Assises Internationales du Journalisme et de l’Information » que son association ''Journalisme & Citoyenneté'' organise pour la troisième année consécutive.

Cette manifestation, qui se déroulera entre le 5 et le 9 octobre à Strasbourg, en partenariat avec le Conseil de l'Europe, réunira quelque 450 journalistes pour discuter des problèmes auxquels se heurtent actuellement les médias en matière de liberté, d’indépendance et de qualité de l’information. Les journalistes s’efforceront aussi de mobiliser l’opinion publique locale par des réunions ouvertes.

M. Bouvier reconnaît qu’il est devenu plus urgent de rendre les médias français plus représentatifs de la société . il cite les émeutes urbaines qui ont embrasé tout le pays à l’automne 2005 comme ''un déclic'' d’un changement d’attitudes.

Selon lui : '' Comme partout, Il y a du racisme en France. Il est latent. La presse ne doit jamais cesser d’ouvrir le débat sur ces questions''.

Ses contacts avec des éditeurs et des journalistes ont encouragé M. Bouvier à croire que les médias français sont en train de changer et qu’ils sont maintenant prêts à faire face aux défis lancés par les transformations du tissu social du pays.

Il considère le recrutement de présentateurs noirs pour les journaux télévisés les plus regardés comme un ''symbole important'' du changement. Mais dit il, ce n’est qu’un point de départ. Il donne cinq ans aux organisations de médias du pays pour que les engagements qui commencent a être pris soient tenus.

''Aujourd’hui, il y a suffisamment prise de conscience pour que les vrais blocages soient lévés'', ajoute-t-il. ''Les choses sont en train de bouger. C’est un défi majeur. La diversité ethnoculturelle et sociale est l’une des clés de la réussite des médias dans l’avenir''.