Rapport final sur les actions menées lors de la Campagne nationale

(avril 2008)

La Principauté de Monaco, attachée au respect des droits de la personne et des libertés fondamentales, a toujours permis à toute femme victime de violence quelle qu’elle soit de faire valoir ses droits à la dignité et à l’intégrité physique et morale auprès des Services Sociaux, de la Sûreté Publique et des Tribunaux monégasques.

I/ Domaines thématiques du Programme de la Campagne du Conseil de l’Europe

1 – Mesures juridiques et politiques

Les violences domestiques sont poursuivies et condamnées en Principauté de Monaco selon les règles de droit commun des coups et blessures volontaires énoncées dans le Code Pénal.

Tout acte de violence à l’égard des femmes est incriminé, en particulier toutes les formes de violence physique, psychologique, de sévices sexuels à l’égard de l’époux/épouse, du/de la partenaire habituel(le) ou occasionnel(le) ou du/de la cohabitant(e), tout acte sexuel envers des personnes non consentantes ainsi que le harcèlement sexuel au travail et les mutilations génitales.

Les services de la Direction de la Sûreté Publique de Monaco sont juridiquement tenus d’enregistrer tous les cas de violence au sein de la famille et d’enquêter sur tous les cas enregistrés.

Les poursuites pénales sont engagées par le Procureur Général dans tous les cas de violence au sein de la famille et de violence sexuelle.

Des ordonnances judiciaires de protection pour les victimes de violences au sein de la famille sont prises, notamment des ordonnances d’éviction, des ordonnances de restriction, des ordonnances de non-molestation, et le déplacement de l’enfant en danger.

Les cas de violence à l’égard des femmes sont peu fréquents en Principauté et concernent rarement des nationaux.

Afin que ce type de situations cesse de se présenter en Principauté et pour contribuer aux actions visant à lutter contre cette forme de violence devant être conduites dans les pays membres du Conseil de l’Europe, le Gouvernement Princier mène depuis quelques années une Campagne nationale, dont la durée est indéterminée, pour combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique.

Le Gouvernement monégasque a mis en place depuis janvier 2005 des dispositifs d'aide aux victimes au sein de la Direction de l’Action Sanitaire et Sociale et de la Direction de la Sûreté Publique et a formalisé une collaboration entre ces entités.

Cette problématique mobilise également le Conseil National de la Principauté. Cette Haute Assemblée a ainsi adopté le 11 décembre 2006 une Déclaration solennelle condamnant ce type de violence à l’effet de soutenir la Campagne du Conseil de l’Europe. Les Conseillers Nationaux ont affirmé, notamment, « que la lutte contre la violence domestique à l’égard des femmes, ainsi que la protection des enfants, est un défi pour notre société et doit ainsi faire partie des sujets prioritaires abordés par (leur) Assemblée ». Ils se sont engagés « à contribuer à la mise en œuvre de la Campagne du Conseil de l’Europe par tous les moyens parlementaires dont » ils disposent. Ils ont fait part de leur « intention de prendre une initiative législative axée sur la protection de la victime et le traitement de l’auteur de violences, en (…) s’inspirant des bonnes pratiques existant dans plusieurs pays européens ».

Ainsi, un groupe de travail constitué de représentants du Gouvernement (Département des Affaires Sociales et de la Santé, Département de l'Intérieur) et de Conseillers Nationaux mène-t-il actuellement une réflexion sur l'adoption de mesures législatives pour que les violences conjugales relèvent désormais d'une incrimination et d'un quantum de peines spécifiques afin de protéger la victime et d'imposer un suivi thérapeutique à l'agresseur pour éviter les récidives.

Par ailleurs, la Principauté de Monaco a confirmé tout l’intérêt que les Autorités monégasques attachent à ce grave problème de société en co-parrainant une résolution, présentée par la France et les Pays-Bas, relative à l’intensification de l’action menée pour éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes qui a été adoptée à l’automne 2006 à l’issue des travaux de la Troisième Commission de l’Assemblée Générale des Nations Unies (Commission sociale, culturelle et humanitaire).

2 – Soutien et protection des victimes

2.1 - Fonctionnement en réseau des autorités compétentes
Les autorités suivantes, compétentes dans la prise en charge des femmes victimes de violences conjugales et de leurs enfants, travaillent en réseau tous les jours ouvrables:

- les intervenants sociaux (assistantes sociales, éducateurs spécialisés, médiatrice familiale, psychologue)
- du Service Social de la Direction de l’Action Sanitaire et Sociale,
- de la Direction de la Sûreté Publique,
- de la Direction des Services Judiciaires,
- de la Mairie,
- de la Croix Rouge Monégasque,
- des Caisses sociales Monégasques ;

- les services du Centre Hospitalier Princesse Grace (Il convient de préciser que cet établissement dispose d’un personnel formé pour prendre en charge les femmes victimes d’agressions sexuelles qui leur fournit immédiatement les soins médicaux requis) ;

- les structures ambulatoires (équipe mobile de psychiatrie, Centre Médico-psychologique pour enfants et adolescents) qui dépendent de la Direction de l’Action Sanitaire et Sociale. En effet, la violence au sein du couple a une incidence majeure sur la santé des femmes et des enfants ;

- le milieu associatif (notamment l'Union des Femmes Monégasques).

Ce fonctionnement en réseau est favorisé par la proximité des intervenants (le territoire de la Principauté étant de 2km2) et le faible nombre de situations de violence conjugale (18 situations recensées depuis 2005).

La Principauté de Monaco vise à renforcer la collaboration entre les services concernés et permettre aux divers professionnels compétents d'accéder à une formation spécifique relative à l'accueil et à la prise en charge des personnes victimes de violences conjugales.

2.2 - Le Service Social de la Direction de l’Action Sanitaire et Sociale
Le Service Social de la Direction de l’Action Sanitaire et Sociale regroupe une équipe de travailleurs sociaux de formation différente (assistantes sociales, éducateurs spécialisés, médiatrice familiale) et une psychologue qui assurent une permanence tous les jours ouvrables.

Il effectue une prise en charge rapide des victimes en étant à même de mettre en œuvre les mesures d'accompagnement adaptées.

Un premier entretien de la victime avec une assistante sociale, éventuellement accompagnée de la psychologue, a pour objectifs :
- d’aider la femme victime à exprimer son vécu,
- de l’informer de ses droits (dépôt de plainte à la police, etc),
- d’évaluer la situation pour proposer les mesures suivantes d’accompagnement adaptées, à savoir :

- l’accompagnement professionnel,
- la médiation familiale.

Ce Service met en œuvre ces mesures d’accompagnement de la femme victime, ce qui garantit une réactivité dans la prise en charge de ce type de situation, notamment dans le cadre de l’urgence.

S’agissant de l’hébergement :
Ce Service dispose de logements réservés à l’urgence sociale et permettant de mettre rapidement la victime et ses enfants en sécurité, à titre gratuit et le temps de trouver une solution à leur situation. En cas d’indisponibilité de ces logements, une alternative est proposée.

S’agissant de l’aide financière :
De nombreuses aides sont attribuées par le Service Social mais également par le Service de l’Emploi, la Direction de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports : allocation mère chef de foyer, bons alimentaires et tickets restaurant service, allocation de loyer, allocation de chômage, allocations d’aide publique, bourse de promotion sociale, aide financière à la formation professionnelle.

Concernant l’accompagnement professionnel, :
Une assistante sociale et un éducateur spécialisé peuvent aider la personne dans la recherche d’un emploi, en partenariat avec le Service de l’Emploi.

S’agissant de la médiation familiale :
La médiation familiale a été établie en 2004. La médiatrice familiale a pour mission d’accueillir, conseiller, orienter et proposer une mesure de médiation familiale si le cas s’inscrit dans cette perspective de prise en charge. L’intervention de la médiatrice familiale se situe à deux niveaux :
- l’agresseur est responsable de ses actes ;
- le couple est co-responsable dans le maintien de la relation malgré la violence.

La médiatrice familiale prend en compte les différentes problématiques dans lesquelles les victimes sont enfermées :
- l’impossibilité d’accomplir certaines démarches (auprès du médecin, de la Police),
- le fait d’accepter que malgré la gravité de l’acte, certaines victimes se refusent à entamer une procédure judiciaire en raison de la crainte d’être seules ou en considération des charges financières à venir,
- la dépendance financière totale avec l’agresseur,
- la compassion exprimée par certaines victimes à l’égard de l’agresseur.

Lors du premier entretien, la médiatrice familiale informe la victime sur ses droits à :
- se rendre chez un médecin ou au Centre Hospitalier Princesse Grace de Monaco, pour faire constater les violences et obtenir un certificat médical,
- se rendre à la Direction de la Sûreté Publique de Monaco pour transcription de ce qu’elle a subi dans la main courante ou dépôt de plainte selon la volonté de l’intéressée,
- se rendre chez un thérapeute familial ou s’engager dans une médiation familiale.

A cette occasion, la médiatrice familiale sensibilise la victime sur les différentes formes de violence conjugale (physique, verbale, psychologique, économique/dépendance matérielle) et sur les facteurs qui la favorisent. Elle propose de rencontrer le couple pour l’inciter à sortir du huis clos familial, à faire évoluer la situation, à effectuer un travail de réflexion sur son histoire et l’aider à comprendre comment la violence s’est installée dans la relation.

Le Service Social a également une mission de protection de l’enfance. Une protection et une assistance sont ainsi données à l’enfant témoin de violence à l’égard de sa mère par un personnel spécifiquement formé pour répondre à leurs besoins. Les services pour cet enfant sont gratuits. La violence dont l’enfant est témoin ayant les mêmes effets sur lui que s’il en était victime, des mesures de protection peuvent être nécessaires suivant la gravité de la situation telle que la mise en place d’une « mesure d’assistance éducative ». Ce type de mesure, ordonnée par la Justice (sur signalement de la Direction de l’Action Sanitaire et Sociale) s’impose aux parents et consiste à assurer un suivi de l’enfant dans sa famille.

2.3 - La brigade de Section des Mineurs et de Protection Sociale (S.M.P.S.) de la Direction de la Sûreté Publique
Cette brigade a été créée au sein de la Direction de la Sûreté Publique en 2002. Cette unité est composée notamment de deux assistantes sociales. Elle a en charge le contentieux des mineurs auteurs et victimes, ainsi que des personnes adultes en situation de fragilité dont les femmes victimes de violences. Les assistantes sociales de cette brigade exercent un rôle de premier accueil, de conseil et d’orientation en liaison avec la structure de médiation familiale, susvisée, du Service Social de la Direction de l’Action Sanitaire et Sociale.

3 – Collecte de données

Depuis 2005, 18 situations ont été qualifiées de « violences conjugales ». Ce faible nombre de cas permet une prise en charge individualisée et la plus adaptée possible des victimes.

Ces cas ont été connus des autorités compétentes de la façon suivante :
- 6 par la Direction de la Sûreté Publique ou la Justice,
- 4 par un service administratif (2 : Mairie, 1 : Caisses Sociales Monégasques, 1 : service de l’Etat),
- 2 par les avocats,
- 6 femmes se sont présentées spontanément au Service Social de la Direction de l’Action Sanitaire et Sociale, dont seulement 3 au titre de violences conjugales.

Les prises en charge qui ont été proposées ont été les suivantes, sachant que plusieurs prises en charge peuvent être mises en oeuvre concomitamment :
- logement en urgence ou aide au relogement (3 cas),
- suivi social (11 cas),
- aide financière,
- protection de l’enfance : mesure d’assistance éducative (3 cas),
- suivi psychologique par la psychologue du Service Social (2 cas),
- thérapie de couple ou accompagnement vers un suivi par un psychiatre (4 cas),
- médiation familiale (8 cas).

Parmi ces 18 couples, 9 sont désormais séparés ou divorcés et 4 envisagent la séparation.

4 - Sensibilisation

La Campagne nationale a pour objectifs :

- d’éradiquer ce type de violence qu'elle soit verbale, physique ou psychologique ;

- de poursuivre les efforts de mobilisation pour informer et sensibiliser :
- les enfants dès l'école (apprentissage du respect de l’autre),
- le grand public,
- les professionnels concernés (Services de Police, Justice, travailleurs sociaux, professionnels de santé, thérapeutes),
sur l'accueil et la prise en charge des femmes victimes de violence conjugale et de leurs enfants par les autorités compétentes ;

- de mieux informer les victimes sur leurs droits, les inciter à entamer des démarches auprès des autorités compétentes précitées, ne plus avoir de compassion à l'égard de leur agresseur,

Des informations sur les droits des femmes et les mesures pour les protéger contre la violence, sur la disponibilité des services de la Direction de la Sûreté Publique et de l’intervention juridique ainsi que sur les services pour les victimes sont régulièrement diffusées, notamment en utilisant les médias, de façon à être connues de l’ensemble des femmes de la Principauté.

Cette Campagne devrait permettre aux victimes de pouvoir avouer leur vécu sans que cela soit un tabou.

Grâce à ce changement de mentalité, les autorités compétentes de la Principauté pourront être mises en mesure de prendre en charge le plus tôt possible les victimes et leurs enfants afin de proposer dans les meilleurs délais des mesures d'accompagnement adaptées de l'adulte et des mesures de protection de l'enfance.

II/ Plan d’action national

La Principauté de Monaco a élaboré un plan d’action national de lutte contre la violence à l’égard des femmes dont la durée est indéterminée. Ce plan s’applique à tous les domaines de la violence précitée : viol et violences sexuelles, violences perpétrées au sein de la famille, harcèlement sexuel, violence en milieu institutionnel, non-respect du droit au libre choix en matière de procréation (étant précisé que ce plan ne concerne pas les mutilations génitales, les violences en situation de conflit et d’après conflit, les meutres d’honneur et les mariages forcées car Monaco ne connaît pas de telles situations).

III/ Evaluation de l’impact de la Campagne du Conseil de l’Europe

1. Chaque acte de violence à l’égard des femmes est-il pénalisé dans votre pays ?
Oui.
Cf. les éléments d’information mentionnés dans le présent rapport.

2. Les violences commises par un conjoint ou un ex-conjoint sont-elles punies plus sévèrement que les violences perpétrées par des inconnus (càd. la violence fondée sur le sexe ou les abus de pouvoir seront-ils considérés comme une circonstance aggravante) ?
Non.

3. Les victimes ont-elles la possibilité de demander justice dans le respect des droits humains (càd. des tribunaux spécialisés dans la violence domestique, des unités spécialisées au sein de la police, des services du Procureur Général ou de la magistrature) ?
Oui.
Cf. les éléments d’information mentionnés dans le présent rapport.

4. Existe-t-il à Monaco un centre d’appel d’urgence national fonctionnant en permanence (24h/24 et 7j/7) et gratuit pour les victimes de violence domestique ?
Oui.
Les services de la Direction de l’Action Sanitaire et Sociale et de la Direction de la Sûreté Publique – cf. les éléments d’information mentionnés dans le présent rapport.

5. Des refuges sûrs pour les victimes de violence domestique ont-ils été mis en place en nombre suffisant à Monaco ?
Oui.
Cf. les éléments d’information mentionnés dans le présent rapport.

6. Des données administratives sur les victimes de violence domestique sont-elles collectées ?
Oui.
Par les services de la Direction de l’Action Sanitaire et Sociale et de la Direction de la Sûreté Publique.

7. La violence domestique est-elle considérée comme une violation des droits humains dans le système juridique monégasque ?
Oui.