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Discours de Guy Verhofstadt, Premier Ministre de la Belgique
Varsovie, 16 mai 2005
« Je tiens tout d'abord à adresser mes chaleureux remerciements au Président Kwasniewski pour son hospitalité ainsi que pour l'engagement remarquable dont ont fait preuve les autorités polonaises tout au long de leur présidence ainsi que dans la préparation de notre Sommet. J'en profite également pour souhaiter plein succès à la nouvelle présidence portugaise et pour l'assurer du soutien de la Belgique dans l'accomplissement de sa mission.
Ce Troisième Sommet du Conseil de l'Europe se tient en un lieu et à un moment qui ont une grande portée symbolique. Nous venons de célébrer le 60e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale qui a déchiré le continent européen. Et nous sommes réunis ici, à Varsovie, une ville qui a beaucoup souffert des atrocités engendrées par ce terrible conflit.
C'est sur les ruines de nos pays et la détresse de nos citoyens que nous avons créé une nouvelle Europe unie et sans clivages, fondée sur des valeurs communes: les droits de l'homme, la démocratie et l'Etat de droit. Elles constituent le socle sur lequel nous édifions une Europe solidaire, prospère, ouverte et tolérante. Cette Europe est au cœur des convictions de nos citoyens. Elle est au centre de l'engagement de mon pays et de nous tous.
Nous sommes ici pour réaffirmer notre attachement à ces valeurs que nous partageons, mais aussi et surtout pour réfléchir ensemble à la manière de poursuivre notre entreprise commune dans une Europe en mutation. La fin de la division Est-Ouest et l'avènement de nouvelles démocraties ont marqué la dernière décennie du XXe siècle. Nos Sommets de 1993 et 1997 ont facilité l'adhésion de nouveaux partenaires et contribué au renforcement de la stabilité démocratique du continent.
Aujourd'hui, nous faisons face aux défis globaux que sont la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, les mouvements migratoires, la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, celle contre le racisme et la discrimination ou encore la promotion du développement durable. Ces défis, nous devons les relever ensemble, de manière concertée car ils peuvent constituer autant de menaces pour les valeurs que nous promouvons.
Dans ce contexte, le Conseil de l'Europe a un rôle spécifique et irremplaçable à jouer, compte tenu de sa nature paneuropéenne et de l'expertise qu'il a acquise. Il convient de confirmer les orientations de notre organisation afin qu'elle puisse continuer à remplir sa mission: l'édification d'une grande Europe de la démocratie et des droits des citoyens.
Le renforcement de l'efficacité du système de protection et de promotion des droits de l'homme apparaît, dans cette optique, comme une priorité. Le respect des droits fondamentaux et de la dignité de l'être humain ne souffre aucun compromis. Il est le fondement de notre civilisation européenne millénaire. C'est pourquoi, il est indispensable de veiller à ce que les Etats appliquent de manière rigoureuse les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et qu'ils renforcent leurs capacités nationales pour mieux se conformer à ses exigences.
Garantir la sécurité humaine est, avant tout, la responsabilité individuelle des Etats membres. Notre organisation s'est dotée de moyens de les y aider. Nous devons faire en sorte que ces organes remplissent pleinement leurs missions respectives.
Le Commissaire aux droits de l'homme est une institution particulièrement importante en la matière. Il faut s'assurer qu'il puisse exercer son mandat en toute indépendance et en s'appuyant sur des ressources suffisantes.
En créant un organe juridictionnel permettant à chaque citoyen de faire respecter ses droits, la Convention européenne des droits de l'homme a mis en place un mécanisme de protection sans égale dans le monde. C'est pourquoi aussi que les problèmes structurels que connaît la Cour de Strasbourg face à l'augmentation massive du nombre de recours individuels nous préoccupent.
Des solutions doivent être recherchées, dans une perspective à moyen et long terme. Nous soutenons la proposition de constituer un groupe de Sages appelés à formuler des recommandations. Il importe que le mandat et la composition de ce groupe soit à la hauteur de sa tâche. La Belgique a l'intention d'apporter une contribution à cet important débat.
Un autre champ d'action dans lequel le Conseil de l'Europe a un rôle déterminant à jouer est la promotion de la démocratie,
de l'Etat de droit et de la bonne gouvernance. L'élaboration et l'évaluation des normes indispensables au fonctionnement des institutions démocratiques, les programmes liés au développement de la stabilité démocratique, les mécanismes de coopération juridique sont autant d'instruments efficaces pour atteindre cet objectif. Ils convient de les développer.
La promotion de la démocratie et des droits de l'homme demeure la mission centrale du Conseil de l'Europe. Mais on ne peut édifier une Europe stable et démocratique sans lutter efficacement contre la pauvreté, l'exclusion et l'inégalité sociale. Une place importante revient, dans cette optique, au renforcement de la cohésion sociale ainsi qu'à la dimension culturelle. C'est pourquoi, la mise en œuvre de la Charte sociale révisée doit rester une préoccupation majeure. La stratégie dans ce domaine doit également être adaptée en tenant compte, entre autres, des problèmes liés au vieillissement de la population, à l'immigration et au développement durable.
Le rôle joué par la culture dans le progrès des connaissances, la compréhension des autres, la permanence de nos valeurs et la réconciliation et la tolérance dans le monde est considérable et reconnu. C'est pour cette raison que nous sommes favorables à la promotion de la diversité culturelle et que nous encourageons le développement du dialogue interculturel, comme cela fut proclamé à l'occasion du 50ième anniversaire de la convention culturelle européenne, à Wroclaw.
Il n'y a pas de démocratie sans la participation active et responsables des citoyens à la prise de décision dans leurs communautés. L'éducation à la citoyenneté démocratique permet d'aider les jeunes et adultes à prendre conscience de leur responsabilité individuelle et collective. Les initiatives du Conseil de l'Europe en la matière doivent être poursuivies et développées. En cette année européenne de l'éducation à la citoyenneté démocratique, nous nous réjouirons d'ailleurs du renforcement de la sensibilité du public aux valeurs européennes.
Le Conseil de l'Europe et l'Union européenne sont deux grandes institutions nées du même projet de réaliser une Europe unie, solidaire et démocratique. Elles se distinguent dans leur dimension géographique comme dans leur fonctionnement institutionnel. Mais elles poursuivent le même objectif, fondé sur des valeurs communes. La complémentarité est encore plus manifeste aujourd'hui avec l'inclusion de la Charte des droits fondamentaux dans le projet de Traité constitutionnel.
L'élargissement de l'Union européenne et l'intégration plus poussée de sa politique externe appellent un renforcement de la coopération avec le Conseil de l'Europe de manière à créer un véritable partenariat entre les deux institutions. Ce partenariat devrait prendre la forme d'un dialogue politique réunissant les Etats européens membres et non-membres de l'Union européenne. Il susciterait, de cette manière, un renforcement mutuel de l'action des deux organisations, notamment dans les régions d'Europe centrale et orientale ainsi que dans le Caucase.
L'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme donnera une impulsion dynamique au partenariat. La Belgique a toujours défendu l'idée que cette adhésion devait se faire aussi vite que possible après l'entrée en vigueur de la Charte des droits fondamentaux. C'est pourquoi, je recommande que les travaux préparatoires à l'adhésion puissent être entamés sans délai.
Aussi, la création, au sein de l'Union européenne, d'une Agence des droits fondamentaux va mettre en place un nouvel instrument de nature à renforcer la coopération avec le Conseil de l'Europe et ses propres mécanismes. Le même souci de cohérence dans les objectifs comme dans les moyens d'action doit guider la réflexion en cours sur la définition du mandat de l'Agence.
La Belgique attache également la plus grande importance au renforcement de la coopération entre le Conseil de l'Europe et l'OSCE, organisation dont elle s'apprête à assumer la présidence en 2006. Je me réjouis particulièrement de la signature par les deux organisations de la Déclaration par laquelle elles consacrent cet engagement. Il conviendra de stimuler cette synergie en tenant compte de leurs spécificités et de la complémentarité qui existe entre elles.
Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire général, Mesdames et Messieurs, les engagements que nous prenons à ce Sommet devrions être de nature à donner au Conseil de l'Europe un élan nouveau dans son action au service de la démocratie et des droits de tous les citoyens européens. C'est notre tâche commune. Mon Gouvernement s'engage à y contribuer. »