(Seul le texte prononcé fait foi)

Intervention de M. Terry Davis, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

8e conférence des ministres européens de la Santé

Bratislava, 22 novembre 2007

Bouger est naturel : les gens vont et viennent. Ils se déplacent d’un quartier à l’autre, d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre, d’un continent à l’autre. L’émigration est le plus vieux remède à la pauvreté et à la misère, pour les migrants eux-mêmes, pour leur pays d’origine mais aussi pour leur pays de destination.

La prestation de soins de santé appropriés doit faire partie intégrante de toute politique migratoire judicieuse et efficace. Si l’on ne protège pas convenablement la santé des migrants, les effets sociaux et économiques qui en résulteront seront inévitablement négatifs. En outre, protéger la santé des personnes qui se déplacent est, sous l’angle des droits de l’homme, un impératif. La présente conférence se fonde sur le principe énoncé à l’article 11 de la charte sociale européenne : le droit à la protection de la santé. Ce droit s’applique à tout un chacun, y compris aux immigrés, indépendamment de leur statut juridique, qu’il s’agisse, par conséquent, de personnes littéralement déplacées, de réfugiés, de rapatriés ou encore de personnes victimes de la traite des êtres humains.

Permettez-moi de rappeler quelques notions clés qui, bien entendu, ne sont étrangères à aucun d’entre vous. Néanmoins, il est bon, je crois de nous les remettre en mémoire dès le début, ce qui nous aidera lorsque, plus tard, nous examinerons les problèmes de fond.

Premièrement, les migrations et la santé publique sont, et ont toujours été, des problèmes mondiaux qui exigent des réponses mondiales ; ils sont liés et interdépendants. Maints facteurs à l’origine des menaces mondiales qui pèsent sur la santé sont aussi ceux qui engendrent les migrations. Une bonne gestion de la santé des migrants, et notamment de la santé publique, favorise le bien-être de chacun et facilite l’intégration des migrants au sein de la société. Une bonne politique de santé en la matière est essentielle pour passer de l’exclusion à l’inclusion. La santé est, en effet, une passerelle vers la paix et la cohésion sociale.

Deuxièmement, dans des circonstances normales, les migrations elles-mêmes ne sont peut-être pas un risque pour la santé mais les conditions dans lesquelles elles s’effectuent peuvent accentuer la vulnérabilité. Au Conseil de l’Europe, nous nous efforçons de traduire dans les faits le slogan « pas de santé au rabais pour les pauvres » auquel nous croyons et qui s’applique aussi aux migrants.
Troisièmement, et c’est très important, les professionnels de santé ne doivent pas faire office d’agents des migrations. Ils ont pour tâche d’examiner les radiographies et non pas les visas.

La migration des personnels de santé est une autre question connexe capitale qui pose désormais problème dans le contexte mondial de pénurie d’agents sanitaires et de vieillissement de la population dans les pays industrialisés. L’exode des professionnels de santé, dont les pays qui ont investi dans leur formation se voient ainsi priver, exige une coopération et une action internationale concertée.

Dans ce contexte, que doivent faire nos gouvernements ? Je dirai, en résumé, qu’ils doivent inscrire la santé dans le cadre des droits de l’homme et de la cohésion sociale.

Le projet de déclaration de Bratislava fixe les lignes directrices indiquant de manière plus précise les moyens d’y parvenir.
Premièrement, en supprimant les obstacles concrets à l’accès des migrants, parmi lesquels les personnes en situation irrégulière, à une protection sanitaire adéquate.

Deuxièmement, en intégrant et en renforçant la dimension sanitaire dans les politiques de développement et de coopération, sur la base du principe de prise en compte de la santé dans toutes les politiques, y compris migratoires.

Troisièmement, en encourageant la participation des immigrés. Nous devons donner aux membres de la « minorité silencieuse » une chance d’exprimer leur avis sur des questions qui les concernent de près.

Quatrièmement, en incitant les pays d’accueil à garantir aux demandeurs d’asile, réfugiés et autres personnes ayant droit à une protection internationale l’accès aux soins de santé sur un pied d’égalité avec les ressortissants du pays en question.

Cinquièmement, en renforçant la cohésion sociale et en enracinant le principe de solidarité et de dialogue interculturel dans les politiques sanitaires européennes.

Sixièmement, en élaborant un code international d’éthique en matière de santé pour toutes les catégories de personnes qui se déplacent.

Enfin, en s’engageant à adopter une conception éthique du recrutement des professionnels de santé et à élaborer un code de bonnes pratiques pour le recrutement international.

Nous savons tous que les questions liées aux migrations sont sensibles et soumises à un examen sourcilleux dans de nombreux, sinon dans tous, nos Etats membres. Cependant, la nature politiquement délicate, voire controversée, de ces questions ne doit pas nous dissuader de prendre des mesures. Assurer une protection sanitaire appropriée aux personnes qui se déplacent est un impératif non seulement éthique mais aussi social et économique.

Une bonne gestion des politiques sanitaires à l’intention des migrants sert les intérêts de la société dans son ensemble. Elle facilite l’intégration et l’inclusion et contribue à la cohésion sociale et au développement économique. C’est une remarque frappée au coin du bon sens !

Pour finir, je souhaite à cette conférence tout le succès possible et tiens à remercier la Slovaquie d’avoir choisi de s’atteler à cette question majeure dès sa prise de fonctions à la présidence du Comité des Ministres.