Retour Conférence à haut niveau sur la Charte sociale européenne

Turin (Italie) , 

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Embargo jusqu’au prononcé / seul le prononcé fait foi

Monsieur le ministre,
Monsieur le maire,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs,

J’ai le grand plaisir et l’honneur d’ouvrir cette Conférence à haut niveau sur la Charte sociale européenne.

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à M. le ministre, à M. le maire et aux autorités italiennes qui ont rendu cette conférence possible.

Cette conférence est particulièrement opportune.

L’Europe traverse une crise sans précédent qui a de profondes répercussions économiques et sociales.

Le chômage augmente. D’après un rapport récent de l’OCDE, les pays membres de l’Organisation comptent 45 millions de chômeurs, soit 12 millions de plus qu’avant la crise financière.

Les jeunes sont particulièrement touchés.

La pauvreté et les inégalités s’accroissent dans tous les pays européens.

Le nombre de pauvres augmente et ceux qui l’étaient déjà le deviennent encore plus.

Les écarts de revenus et de richesses se creusent à un rythme inquiétant.

Dans le même temps, certaines mesures d’austérité destinées à favoriser la relance risquent d’affaiblir la protection des droits sociaux, ce qui peut nuire à la cohésion sociale et menacer le modèle social européen fondé sur la solidarité.

La diminution des dépenses publiques, la réduction de la protection du travail et les réformes des pensions ont des effets négatifs, en particulier sur les groupes vulnérables comme les enfants, les chômeurs, les personnes âgées et les personnes handicapées.

En 2012, le Comité européen des droits sociaux, organe de contrôle de la Charte sociale européenne, a jugé certaines mesures d’austérité contraires à la Charte dans deux affaires concernant la Grèce.

Dans un cas, il s’agissait de réductions spectaculaires de pensions, qui avaient toutes les chances de détériorer profondément les conditions de vie des pensionnés ; dans l’autre, il était question du salaire minimum des travailleurs de moins de 25 ans avec pour conséquence que ces jeunes tombaient en dessous du seuil de pauvreté.

Cette situation n’est pas inévitable.

Les dirigeants politiques devraient commencer à considérer les droits économiques  et sociaux  comme faisant partie intégrante des plans de relance.

Dans ce contexte, je pense qu’il est grand temps d’imprimer un nouvel élan à la Charte sociale européenne, ici à Turin, plus de 50 ans après sa signature en octobre 1961.

Avec la Convention européenne des droits de l’homme, la Charte exprime le meilleur du modèle démocratique et social européen.

Elle énonce les droits minimum essentiels pour garantir le respect de la dignité humaine, à savoir les droits à une éducation de qualité, à la santé, au logement, à une rémunération équitable, à la sécurité sociale, à l’assistance sociale.

La Charte représente un filet de sécurité dont les gouvernements devraient tenir compte lorsqu’ils modernisent ou réforment leur législation du travail ou leurs systèmes de pension.

Il est de notre devoir de relancer la Charte en tant que pilier du système conventionnel du Conseil de l’Europe aux côtés de la Convention européenne des droits de l’homme.

Nous contribuerons ainsi à réaffirmer l’indivisibilité, l’interdépendance et la complémentarité des droits de l’homme et à renforcer la sécurité démocratique en Europe.

Mesdames et messieurs,

J’ai énoncé, dans mon rapport sur la situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit en Europe, et dans le programme de mon deuxième mandat, certains impératifs incontournables en ce qui concerne la Charte sociale européenne.

Premièrement, tous les Etats membres devraient ratifier la Charte révisée et accepter la procédure de réclamations collectives.

Lorsqu’ils acceptent cette procédure, les Etats contribuent à ce que nos partenaires sociaux et la société civile jouent un rôle plus important en faisant respecter les droits sociaux et en renforçant la responsabilité démocratique.

Cette procédure a donné des résultats.

Elle a facilité l’accès à l’éducation des enfants et des jeunes adultes handicapés.

Elle a contribué à la réduction du travail des enfants.

Elle a renforcé le droit des personnes âgées à la protection sociale.

Ratifiée par davantage de pays, elle serait encore plus efficace.

Deuxièmement, les Etats Parties doivent donner suite aux décisions et aux conclusions du Comité européen des droits sociaux.

Les droits sociaux fondamentaux ne sauraient exister uniquement sur le papier.

Ils doivent exister dans la pratique, s’inscrire dans la vie quotidienne des citoyens.

Les Etats membres jouissent d’une grande liberté pour ce qui est du suivi.

Les mesures prises doivent toutefois être conformes à la Charte.

Troisièmement, il doit y avoir de fortes synergies entre la Charte et le droit de l’Union européenne pour éviter tout conflit juridique.

Permettez-moi de rappeler une affaire contre la Suède. Le Comité européen des droits sociaux a récemment estimé qu’il était contraire à la Charte de restreindre le droit des syndicats de prendre des mesures pour réglementer les conditions d’emploi des travailleurs détachés, sur la base d’une directive de l’Union européenne de 1996.

Le Conseil européen a depuis lors pris une mesure déterminante et adopté, en mai dernier, une directive d’exécution relative au détachement des travailleurs. Cette nouvelle directive est destinée à garantir le respect des droits des travailleurs détachés dans la pratique.

C’est dans ce contexte que je tiens à étudier les possibilités d’adhésion de l’Union européenne à la Charte, dans le sillage de l’adhésion prévue à la Convention européenne des droits de l’homme.

Enfin, les activités de coopération relatives à la Charte doivent être renforcées, y compris par des plans d’action nationaux et des activités de formation ciblées.

Aujourd’hui plus que jamais, la Charte sociale européenne est une référence à l’aune de laquelle se mesure notre attachement aux droits sociaux.

Ensemble, nous devons faire en sorte qu’elle soit adaptée à la vie et aux aspirations des citoyens européens.

Mesdames et messieurs,

Je voudrais conclure en disant que cette conférence est assurément une étape très importante, mais elle marque simplement le début d’un long processus que l’on pourrait à bon droit qualifier de « processus de Turin ».

Le succès de cette conférence dépendra de la qualité des suites qui y seront données.

Il reste beaucoup à faire pour que les droits sociaux soient reconnus au même titre que les droits civils et politiques. Or il est impossible de jouir pleinement de ces droits en l’absence de droits sociaux.

Il est donc grand temps que les Etats redoublent d’efforts pour protéger et mettre en œuvre les droits énoncés dans la Charte.

La protection et la mise en œuvre des droits sociaux ne sont pas seulement un choix politique, elles sont une obligation morale.

Je vous remercie.