Retour Visite officielle du Secrétaire Général

Bruxelles , 

« Renforcer les droits de l'homme dans toute l'Europe » European Policy Centre

 

Embargo jusqu'au prononcé / Seul le prononcé fait foi

Quand je viens à Bruxelles, il m'arrive souvent de penser à Sir Humphrey dans l'excellente série télévisée « Yes Minister ».

Sir Humphrey expliquait un jour au Ministre que l'objectif politique de la Grande-Bretagne en Europe était d'entrer dans la CEE pour la faire éclater et semer la pagaille en dressant les Allemands contre les Français, les Français contre les Italiens, les Italiens contre les Néerlandais. « Le Foreign Office est enchanté, c'est comme au bon vieux temps », concluait Humphrey.

Mesdames et Messieurs, chers amis,

L'Europe, sans l'ombre d'un doute, est aujourd'hui plus soudée qu'elle ne l'était au bon vieux temps.
Nous célébrons cette année le 60e anniversaire de la Convention européenne des droits de l'homme, qui a été ouverte à la signature en 1950, cinq ans à peine après la fin de la seconde guerre mondiale. En cette période où les plaies n'étaient pas encore refermées, les espoirs étaient grands, mais les incertitudes ne l'étaient pas moins. Cette signature était toutefois le signe d'une Europe unie autour des valeurs des droits de l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit.

Le Conseil de l'Europe – et la Convention européenne des droits de l'homme – sont le fruit de la conviction qu'avaient les gouvernements d'alors que les moyens militaires ne suffiraient pas pour protéger et faire progresser la paix et la stabilité en Europe. Il fallait approfondir notre sécurité en créant des institutions qui ancreraient notre identité et notre histoire dans la raison, les droits de l'homme et la liberté – et, sur cette base, nous permettraient d'aller de l'avant. Le concept de sécurité douce, ou sécurité profonde, était né.

Quarante ans plus tard, quand prit fin le conflit idéologique qui s'était installé en Europe, la Hongrie fut le premier des anciens pays communistes à signer la Convention européenne des droits de l'homme en 1990. Les clivages qui divisaient le continent ont ainsi commencé à se résorber.

Ce n'est nullement une coïncidence si la réconciliation politique et institutionnelle de l'Europe a commencé par une adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme.

Nous sommes aujourd'hui en 2010. Un autre chiffre rond et une nouvelle avancée historique pour la Convention européenne des droits de l'homme.

Deux événements très importants, qui auront des incidences directes et de grande portée sur la protection des droits de l'homme en Europe, se sont produits au cours des deux derniers mois : l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre dernier, et la ratification par le Parlement russe, il y a seulement quelques jours, du Protocole n° 14 à la Convention européenne des droits de l'homme.

Ces deux instruments juridiques ont été adoptés dans le cadre de deux organisations différentes, qui avaient en vue des fins très éloignées, mais ils ont en commun un point essentiel – ils prévoient l'un et l'autre l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme.

L'article 6 du traité de Lisbonne dispose en effet – je cite – que « [l]'Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ». Je vous invite à méditer sur le libellé de cette disposition, et particulièrement sur le mot « adhère ». Non pas « peut adhérer », ni « pourrait adhérer », ni « a la possibilité d'adhérer », ni même « devrait adhérer ». Non, le terme employé, Mesdames et Messieurs, est bel et bien « adhère ».

Du côté du Conseil de l'Europe, nous avons l'article 17 du Protocole n° 14 à la Convention aux termes duquel « [l]'Union européenne peut adhérer à la présente Convention ».

La différence entre les mots « adhère » et « peut adhérer » n'aura pas échappé aux fins juristes ici présents. Mais, je vous l'assure, ce « peut » est une formule de pure courtoisie, il ne traduit nullement un manque d'enthousiasme de la part du Conseil de l'Europe. Nous avons hâte que ce mariage se fasse, mais même si la promise a déjà décidé de dire oui, nous ne voulons pas la brusquer. Sans compter qu'il faut encore régler les détails du contrat de mariage.

Pour parler plus sérieusement, la future adhésion de l'Union européenne est un événement de la plus haute importance politique et juridique, non seulement pour l'Union européenne ou le Conseil de l'Europe, mais pour les citoyens européens et pour l'Europe tout entière. Elle créera un espace de protection des droits de l'homme qui s'étendra de Lisbonne à Bakou et de La Valette à Vladivostok en passant par Bruxelles.

L'Union européenne dispose d'un immense pouvoir économique et politique au service des citoyens, mais quiconque exerce un pouvoir, quel qu'il soit, court le risque de commettre des erreurs, de porter atteinte à des droits fondamentaux. En acceptant de soumettre les actions de ses institutions aux mêmes règles et aux mêmes contrôles que ceux applicables à tous les pays européens – à la regrettable exception du Bélarus – l'Union européenne envoie un message fort : à savoir que l'Europe est en train de changer, et que les plus influents et les plus puissants sont disposés à assumer leur part de responsabilité dans l'initiative et la mise en œuvre de ce changement.
De très importants changements – d'ailleurs liés au précédent – se produisent également dans d'autres régions d'Europe. Juste avant Noël, j'ai rencontré le Président Medvedev à Moscou, et la semaine dernière je me suis rendu à Istanbul et à Ankara pour des échanges de vues avec le Président Gül et le Premier ministre, M. Erdogan.

Le Président Medvedev m'a expliqué très clairement les raisons qui ont motivé la décision d'enfin ratifier le Protocole n° 14 à la Convention européenne des droits de l'homme. Ce Protocole, outre qu'il pose le fondement juridique de l'adhésion de l'Union européenne, instaure des mesures visant à rationaliser les procédures de la Cour pour lui permettre de faire face à un volume d'affaires toujours croissant.

Le Président Medvedev m'a indiqué qu'il voulait une Cour opérationnelle et efficace afin de tirer parti de sa jurisprudence pour réformer et moderniser les institutions de la Russie, et particulièrement son système judiciaire. Les signaux que nous avons reçus de Moscou ces derniers mois pointent tous dans la même direction :

La Russie est en train de parvenir à la maturité et voit son avenir dans l'Europe.

A cet égard, l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme vient aussi à point nommé. Rassembler tous les acteurs – y compris les institutions de l'UE – au sein du même système de normes juridiquement contraignantes et sous le contrôle de la même Cour aidera à dépolitiser et à dédramatiser les relations entre l'Union européenne et des pays comme la Fédération de Russie sur le terrain des droits de l'homme. Au lieu de monologues et de communiqués, nous aurons la possibilité d'engager un dialogue multilatéral authentique et productif sur ces questions.

Est-ce pour autant que s'ouvre à nous un chemin de roses ?

Rien n'est moins sûr. Mais nous tenons là une occasion d'opérer un tournant historique dans la coopération en matière de sécurité et de stabilité démocratiques en Europe. Je ne vois aucun objectif auquel l'Union européenne pourrait davantage aspirer. C'est pourquoi nous ne pouvons nous permettre de manquer cette occasion.

Ma visite en Turquie m'a laissé des impressions similaires. Ceux qui s'opposent à ce que la Turquie prenne toute sa place en Europe ignorent généralement que ce pays fait partie depuis des années de l'Europe politique – au moins depuis son adhésion au Conseil de l'Europe, en 1949, et sa signature de la Convention européenne des droits de l'homme, en 1950.

L'ancienneté, bien entendu, n'est pas une garantie de bonne conduite, et un examen rapide des statistiques de la Cour européenne des droits de l'homme montre que la Turquie est en tête des pays contrevenant à la Convention. Mais les choses bougent, et depuis quelques années les autorités turques s'emploient à mettre la législation et la pratique en conformité avec les normes européennes. Il reste encore beaucoup à faire pour mener à bien ce processus – comme nous le rappelle à l'évidence la peine d'emprisonnement extrêmement sévère qui a été infligée à un journaliste kurde par un tribunal turc la semaine dernière.

Il importe de noter que le moteur de ce processus est l'adhésion turque à la Convention européenne des droits de l'homme, et pas seulement des pressions extérieures. Les relations du pays avec l'Europe ne doivent pas être envisagées exclusivement dans le contexte des négociations interminables et souvent frustrantes menées avec l'Union européenne.

Les réformes politiques et administratives, parfois controversées, ne doivent plus être considérées comme des concessions faites à un partenaire qui n'est pas toujours le plus rapide à remplir sa part du contrat, mais comme une démarche d'alignement sur un système de valeurs que la Turquie a elle-même contribué à créer et à développer depuis 60 ans.

La Turquie parvient, elle aussi, à la maturité et voit, elle aussi, son avenir dans l'Europe.

L'adhésion de l'Union européenne à la Convention aura sans nul doute un effet positif et contribuera à conforter la Turquie dans son sentiment d'être partie prenante du mécanisme européen de protection des droits de l'homme. Là encore, nous avons une occasion d'établir un dialogue et une coopération constructifs et productifs sur les questions relatives aux droits de l'homme. C'est une bonne chose pour la Turquie, c'est une bonne chose pour l'UE, c'est une bonne chose pour leurs relations futures et c'est une bonne chose pour l'Europe tout entière.
La Turquie et la Russie ne sont bien sûr que deux exemples de l'effet d'entraînement qu'engendrera l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme sur les pays non membres de l'UE et sur l'ensemble de l'Europe. Ce que je veux dire ici, c'est que cette adhésion est un événement d'une portée considérable, qui ne se limite pas aux conséquences qu'elle aura pour la protection des droits de l'homme au sein de l'UE – conséquences en soi déjà très importantes.

Ce qui est en train de se mettre en place, c'est un nouvel espace de dialogue, de coopération et d'interaction à l'échelle du continent dans les domaines de la démocratie, des droits de l'homme et de l'Etat de droit. Le concept de sécurité profonde, ou sécurité douce, inventé au lendemain de la seconde guerre mondiale, pourra ainsi être pleinement développé pour créer une Europe sûre, stable et réellement dénuée de clivages.

L'Union européenne est un acteur mondial et, du fait de son poids politique et économique, elle restera le chef de file dans ce processus. Son adhésion à la Convention ne diminuera aucunement son importance et son influence, bien au contraire. En acceptant les mêmes règles que celles qui s'appliquent à tous en Europe, elle gagnera en légitimité et en pouvoir de persuasion.

Quand l'Union européenne accédera à la Convention européenne des droits de l'homme, elle aussi atteindra la maturité et envisagera son avenir dans le cadre d'une Europe à la dimension du continent, solidement fondée sur les droits de l'homme, la démocratie et l'Etat de droit.

Le Conseil de l'Europe, gardien de la Convention européenne des droits de l'homme, jouera aussi, naturellement, un rôle majeur dans le nouveau contexte qui se dessine. Voici pourquoi ce rôle m'apparaît indispensable.

Premièrement, parce que le Conseil de l'Europe s'attache à défendre des valeurs européennes communes en menant à bien des activités normatives et en assurant le suivi des obligations contractées par les Etats membres sans devoir se préoccuper de considérations économiques, militaires et géostratégiques.

Deuxièmement, parce que le Conseil de l'Europe est la seule organisation européenne couvrant l'ensemble du continent. Ce n'est pas le cas de l'Union européenne, même si l'on prend en compte les pays candidats et les pays associés. L'OSCE, quant à elle, comprend des pays non européens qui n'ont pas forcément la même vision que nous des droits de l'homme et du fonctionnement des institutions démocratiques.

Troisièmement, parce que le Conseil de l'Europe est la seule organisation qui a pour mission d'assurer le suivi du respect des obligations des Etats membres en matière de droits de l'homme, de démocratie et d'Etat de droit et qui dispose des outils nécessaires pour la remplir pleinement et efficacement.

Quatrièmement, parce que le Conseil de l'Europe est une extraordinaire base de connaissances et d'informations. Il est à l'écoute de tous les pays européens, dispose d'instruments de suivi, est présent sur le terrain, rassemble des parlementaires de 47 pays, entretient des relations privilégiées avec les autorités locales et régionales et coopère étroitement avec la société civile ; tout cela lui donne un accès exceptionnel au savoir et à l'information.

Cinquièmement – et cette liste n'est bien sûr pas exhaustive –, parce que nous sommes l'organisation hôte de la Cour européenne des droits de l'homme. En effet, cette dernière est saisie de requêtes individuelles concernant des violations des droits de l'homme qui ont déjà été commises, mais il appartient à l'ensemble du Conseil de l'Europe de transformer sa jurisprudence dans les affaires individuelles en mesures systémiques et générales afin de prévenir les violations dans tous les Etats membres de l'Organisation. C'est un point qu'il ne faut pas perdre de vue lorsqu'on envisage l'adhésion de l'Union européenne à la Convention. Pour que cette démarche soit constructive, opérationnelle et efficace, il ne faut pas seulement que l'UE devienne membre de la Cour, mais aussi qu'elle entretienne des relations plus étroites et plus intégrées avec tous les organes compétents du Conseil de l'Europe.

C'est en raison des avantages comparatifs que je viens d'exposer que le Premier ministre du Luxembourg, Jean-Claude Juncker, a qualifié le Conseil de l'Europe de « véritable fabrique de démocratie », qui « constitue un élément de canalisation du continent européen indispensable et inégalé ».
Mais vous savez ce qu'il en est des fabriques. On ne peut se maintenir sur le marché sans la flexibilité nécessaire pour s'adapter rapidement aux nouvelles situations. On ne peut rester compétitif avec des machines et des lignes de production qui n'ont pas évolué depuis 50 ou 60 ans. C'est pourquoi j'ai présenté il y a quelques semaines aux 47 gouvernements une réforme globale qui vise à faire du Conseil de l'Europe une organisation plus pertinente, plus efficace et plus souple. Ainsi, nous pouvons dire que, nous aussi, nous avons atteint la maturité.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a récemment souligné la nécessité de repenser la configuration politique des institutions européennes pour faire face aux futurs enjeux de la sécurité européenne. Il a expressément demandé aux parties au processus de Corfou de travailler dans le cadre d'une structure paneuropéenne et d'un mécanisme de suivi, tels que développés par le Conseil de l'Europe.

Pour conclure, j'aimerais partager une réflexion avec vous. Depuis que j'ai pris mes fonctions de Secrétaire Général il y a un peu plus de quatre mois, j'ai été constamment exposé à des questions sur la relation entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne. La perspective de l'adhésion de l'UE à la Convention a encore accru la nervosité.

Ce qui m'a frappé, c'est que beaucoup de gens, à Strasbourg comme à Bruxelles, voient cette relation en termes de concurrence. C'est ainsi que certains ont perçu l'adoption de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la création de l'Agence des droits fondamentaux, et c'est ainsi qu'ils risquent d'envisager l'adhésion à la Convention, en voulant à toute force qu'il y ait un gagnant et un perdant.

Cette attitude est bien sûr tout à fait absurde.

L'Union européenne et le Conseil de l'Europe ne sont pas en concurrence. Il ne faut pas voir autre chose dans les chevauchements d'activités et les frictions que de simples dysfonctionnements dans l'exercice de nos missions respectives – et surtout pas imaginer qu'ils fassent partie de ces missions.

Pour autant, nous devons poser la question suivante : quel est le but de l'Union européenne ? L'Union est-elle un but en soi ? Ou le but est-il une plus grande unité européenne ?

Pour moi, la réponse est très claire. Tous les développements qui, ces dernières années, ont amené l'Union européenne à s'engager davantage sur le terrain des droits de l'homme s'inscrivent dans la continuité du processus amorcé au lendemain de la seconde guerre mondiale avec la création du Conseil de l'Europe et, plus tard, des Communautés européennes – processus qui contribue depuis 60 ans à préserver la paix et la stabilité sur notre continent.

Oui, cela est évident – le but de l'Union européenne est bien une plus grande unité en Europe. Une Europe sans clivages, dotée d'institutions qui se renforcent mutuellement au service d'un intérêt supérieur commun. La liberté, la paix, le droit, la diversité et la solidarité, qui sont devenus si essentiels pour notre continent.
Les nouveaux développements auxquels nous assistons aujourd'hui sont l'occasion d'aller encore plus loin dans ce processus – vers un respect plus strict des droits de l'homme, une démocratie plus complète, un Etat de droit plus solide, une sécurité et une stabilité plus grandes pour TOUS les Européens. Cela est de la plus haute importance. Je vous rappelle la formule de Willy Brandt : la sécurité en Europe est indivisible – soit elle est garantie à tous, soit elle n'est garantie à personne !

Je puis vous assurer que le Conseil de l'Europe se tient prêt à remplir son rôle dans cette circonstance historique. Nous serons un partenaire actif et constructif dans la négociation – si tant est que l'on puisse parler de négociation. Après tout, les 27 Etats membres de l'Union européenne, qui sont assis des deux côtés de la table, ont déjà décidé, non pas à une seule mais à deux reprises en ratifiant le traité de Lisbonne et le Protocole n° 14, que l'Union européenne devait adhérer à la Convention européenne des droits de l'homme.

Je sais que cette adhésion est un projet complexe sur le plan juridique et administratif, mais cela devrait plutôt nous inciter à nous mettre à l'œuvre au plus vite.

Ma longue expérience politique m'a appris qu'il y avait deux catégories de personnes : celles qui créent les problèmes et celles qui les résolvent. Le moment est venu de choisir à quelle catégorie nous voulons appartenir.

L'histoire manque de patience et n'a que faire des pinaillages formalistes, des prés carrés bureaucratiques et de ceux pour qui l'Europe se résume à douze étoiles tournant autour de leur nombril. Tel est mon message à mes collègues du Conseil de l'Europe et je sais qu'il traduit la position des dirigeants politiques de l'UE. Lorsque j'ai rencontré le Président de la Commission en octobre, quelques jours seulement après ma prise de fonctions, le message a été sans ambiguïté : l'adhésion est une priorité et doit intervenir le plus rapidement possible.

Il est temps aujourd'hui de passer à l'acte. Ne perdons pas de vue la situation dans son ensemble. Nous avons là une occasion historique de faire avancer le projet européen. Le moment est venu de nous demander ce que nous pouvons faire pour les droits de l'homme et la sécurité en Europe, et non le contraire. Le moment est venu de résoudre les problèmes.

Je vous remercie.