Retour Cérémonie marquant le 60e anniversaire de la Convention européenne des Droits de l’homme

Strasbourg , 

M. le Secrétaire général Ban Ki-moon,
M. le Président de « l'ex-République yougoslave de Macédoine » Gjorge Ivanov,
M. le Président de la Cour européenne des droits de l'homme Jean‑Paul Costa,
Excellences,
Eminents invités,

Nous sommes réunis ici aujourd'hui pour célébrer le 60e anniversaire de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; mais, tout d'abord, permettez-moi de saluer la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par les Nations Unies en 1948.

La Déclaration universelle a radicalement changé notre conception de l'homme et de la société. Elle a ouvert la voie à un certain nombre d'institutions et de traités internationaux visant à promouvoir les droits de l'homme, et, en particulier, à la Convention européenne des droits de l'homme.

Je vous invite donc à vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à notre invité d'honneur, M. Ban Ki‑moon, Secrétaire général des Nations Unies.

M. le Secrétaire général, nous sommes honorés de votre présence parmi nous aujourd'hui.

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tire sa force exceptionnelle du fait qu'au lendemain d'une terrible guerre, la seconde en un demi-siècle, ses maîtres d'œuvre étaient déterminés à ne plus jamais permettre que les auteurs de crimes contre l'humanité s'abritent derrière la souveraineté nationale pour se soustraire à leur responsabilité internationale.

La Convention européenne n'est donc pas une simple convention ; c'est tout un système de mécanismes et d'organes qui revêtent différentes formes :

Des organes de suivi qui ont le droit d'examiner ce qui se passe dans les Etats membres ;
Un Bureau du Commissaire aux droits de l'homme ;
Une Assemblée parlementaire ;
Un Congrès qui constitue un réseau unique de pouvoirs locaux et régionaux ;
Un Comité des Ministres qui suit de près l'application de la Convention et propose son assistance ;
Une Commission de Venise qui donne des conseils sur les questions législatives et constitutionnelles ;
Et, bien sûr, la Cour européenne des droits de l'homme.

Aujourd'hui, 800 millions d'Européens peuvent saisir la Cour de Strasbourg s'ils considèrent que leurs droits, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne, ont été violés. Les gouvernements du continent européen ne peuvent plus se retrancher derrière la souveraineté nationale.

Leurs actions ne relèvent plus exclusivement de leur juridiction.

C'est un fait sans précédent dans l'histoire de l'humanité qui révolutionne la notion d'individu et la façon dont cet individu peut être protégé.

Ce système de protection des droits de l'homme est géré sans relâche par un personnel motivé, compétent et infatigable. Qu'il soit ici remercié pour l'admirable travail qu'il accomplit.

Vos excellences,
Eminents invités,
Mesdames et Messieurs,

Au cours des 60 années écoulées, l'idée européenne a été marquée par la volonté d'élargir sans cesse, sur notre continent, le cercle des pays gouvernés par un régime démocratique.

Le temps est venu de donner une nouvelle impulsion à cette grande idée européenne. Nous devons passer de l'élargissement à l'approfondissement.

De nos jours, les migrations ne sont plus un phénomène transitoire mais constituent une donnée ordinaire du fonctionnement de la société. C'est pourquoi toutes les sociétés sont devenues multiculturelles.

De nos jours, nous jugeons tous parfaitement naturel que notre identité politique, religieuse ou sexuelle soit respectée. Ce qui m'inquiète pour l'avenir, c'est qu'un trop grand nombre de personnes s'attendent à ce que leur propre identité soit respectée mais ne sont pas nécessairement prêtes à respecter celle des autres.

Trop de personnes semblent construire leur propre identité en s'opposant à celle des autres. Trop de personnes considèrent les autres comme une menace pour leur identité et leur société.

Il faut changer cet état d'esprit.

Si nous ne sommes pas capables d'apprécier ce que la différence peut nous apporter, alors c'est notre cohésion qui est menacée.

Le défi majeur que doit relever l'Europe ne porte plus sur ce qui se passe entre les Etats mais plutôt au sein de chaque Etat. Si nous ne parvenons pas à comprendre et à relever ce défi, l'Europe risque une fois de plus d'être déstabilisée. Une telle perspective est absolument inacceptable ; elle témoignerait d'un mépris flagrant pour les victimes et les sacrifices des guerres mondiales du XXe siècle.

Telle est la nouvelle mission du Conseil de l'Europe et l'enjeu des années à venir. Nous devons utiliser nos institutions démocratiques pour renforcer les liens entre les individus, entre les groupes, entre les religions.

Seul un dialogue honnête, fondé sur la liberté d'expression nous permettra d'atteindre cet objectif.

Quant à ceux dont le discours sort d'une plume trempée dans la xénophobie, l'incitation à la haine ou à la discrimination, nous ne pourrons les combattre qu'en recourant à la même arme, la libre expression.

Nous devons développer l'harmonie dans la diversité.

Nos aïeux ont lutté pour la liberté dont nous jouissons aujourd'hui.

Notre lutte à nous doit consister à renforcer le respect et la tolérance fondés sur la libre expression au sein de la société. Notre sécurité est à ce prix.

René Cassin, qui a rédigé la Déclaration universelle des droits de l'homme et reçu le prix Nobel de la paix en 1968 pour son œuvre, a déclaré un jour : « L'heure est venue de proclamer que, pour l'organisation de la paix et la dignité de l'homme, chacun de nous doit travailler et lutter jusqu'au bout. »

M. le Secrétaire général,

Au nom de nous tous, je fais la promesse de suivre ce précepte.

Je vous remercie de votre attention.