Le paragraphe 1 est libellé comme suit : « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations ».
La liberté d'expression est une pierre angulaire de la démocratie et un élément essentiel à la jouissance de nombreux autres droits. Le droit protégé est à prendre dans un sens très large, qui va bien au‑delà de la liberté de la presse. Il englobe le discours politique, le discours commercial et l'expression artistique. La Cour a souligné sa valeur constitutionnelle et a déclaré qu'une ingérence pouvait uniquement se justifier par des nécessités impérieuses et que les exceptions devaient faire l'objet d'une interprétation étroite. Elle a par ailleurs précisé que la formule protégée par le paragraphe 1 « vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives […], mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'Etat ou une fraction quelconque de la population ». Les opinions susceptibles d'être considérées comme extrêmes et choquantes et l'art qui peut être jugé obscène peuvent donc, en principe, être exprimés et présentés, sous réserve des exceptions limitatives prévues au paragraphe 2, dont l'interprétation doit être étroite. La liberté d'expression bénéficie d'une présomption favorable.
Le paragraphe 2 précise le caractère relatif de ce droit selon le modèle habituel expliqué plus haut : les restrictions qui lui sont imposées doivent être (i) prévues par la loi, (ii) poursuivre un but autorisé et (iii) être nécessaires dans une société démocratique, proportionnées et non discriminatoires. Mais l'article reconnaît également que l'exercice de la liberté d'expression « comport[e] des devoirs et des responsabilités ». Ces termes ont été utilisés par la Cour, par exemple pour justifier les restrictions imposées à la participation des fonctionnaires à des activités politiques (arrêt Ahmed et autres c. Royaume-Uni).
Les buts autorisés de ces restrictions, formalités, conditions ou sanctions sont les suivants :
- la sécurité nationale, l'intégrité territoriale ou la sûreté publique ;
- la défense de l'ordre et la prévention du crime ;
- la protection de la santé ou de la morale ;
- la protection de la réputation ou des droits d'autrui ;
- la prévention de la divulgation d'informations confidentielles ;
- la garantie de l'autorité et de l'impartialité du pouvoir judiciaire.
Parmi les nombreuses affaires de liberté d'expression dans lesquelles la Cour a statué, rares sont celles où étaient en cause des actes commis par les forces de police ou d'autres autorités directement en contact avec le public. Les griefs concernent d'ordinaire plutôt la législation nationale appliquée ou les actes des hauts fonctionnaires, procureurs ou juges qui décident d'interdire l'expression d'opinions ou d'idées indésirables, d'engager des poursuites à l'encontre de leurs auteurs ou de les condamner. Pour les forces de police, l'attitude la plus sûre consiste à pécher par excès d'autorisation de la liberté d'expression et à la restreindre uniquement lorsqu'il existe de solides raisons de le faire en poursuivant l'un des buts énoncés, sous réserve que cette restriction soit proportionnée et non discriminatoire. Même si les idées incriminées sont extrêmes, les supprimer exige une solide justification. Une grande prudence doit être observée lors de l'émission et l'exécution de mandats de perquisition de locaux d'édition de presse : les journalistes ont le droit de protéger leurs sources.