Le paragraphe 1 comporte deux parties :
- un droit absolu à la liberté de pensée, de conscience et de religion, qui comprend la liberté de changer de religion ou de conviction ;
- un droit relatif à manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
- Seul le second droit est soumis aux limitations prévues au paragraphe 2.
La Cour a évité de définir « la religion et la conviction » et en a admis un grand nombre ; elle ne s'est pas limitée aux grandes religions bien établies dans le monde, comme le christianisme, le judaïsme et l'islam, mais a pris en compte des croyances plus récentes, telles que les témoins de Jéhovah et la scientologie. Au nombre des convictions, elle a admis le pacifisme, le végétalisme et l'opposition à l'avortement, mais pas la promotion du suicide assisté.
Ce sont en principe les manifestations directes d'une religion ou conviction qui sont protégées, comme par exemple le fait d'arborer une croix, un turban ou un voile islamique ou de manger kasher, et non les manifestations indirectes, telles que la distribution de tracts pacifistes à des soldats, contrairement à la proclamation de principes pacifistes.
Le paragraphe 2 se présente sous la forme classique.
Toute restriction imposée à ce droit doit être prévue par la loi. Dès lors, l'interruption sans justification légale d'un rassemblement de témoins de Jéhovah dans des locaux loués légalement emporte violation de ce droit (arrêt Kouznetsov c. Russie).
Les buts légitimes énumérés sont la sécurité publique, la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques et la protection des droits et libertés d'autrui.
Parmi les restrictions dont le bien-fondé a été reconnu figurent :
- l'interdiction pour une infirmière de porter une croix susceptible de présenter un risque sanitaire pour les patients ;
- les restrictions imposées aux tenues religieuses, en particulier au port du voile islamique dans les établissements scolaires ou universitaires ; la Cour accorde au gouvernement une marge d'appréciation étendue, motivée par la protection des droits et libertés d'autrui ;
- l'interdiction pour un prisonnier d'accomplir des rites religieux qui dérangent les autres détenus.
Parmi les restrictions dont le bien-fondé n'a pas été reconnu figurent :
- les poursuites engagées à l'encontre d'une personne pour « prosélytisme », alors qu'elle cherchait simplement à convaincre les autres des vertus de ses convictions ;
- l'interdiction du port d'une croix faite à l'agent d'enregistrement d'une compagnie aérienne en vertu de la politique de cette compagnie ;
- le refus d'accorder une demande de régime sans viande à un détenu.
Les questions relatives à la conviction et à ses manifestations sont souvent controversées et sensibles, surtout dans une société de plus en plus pluraliste. Les autorités doivent être sûres, d'une part, de pouvoir agir au nom d'une justification légale claire avant d'imposer des restrictions et, d'autre part, de poursuivre un but légitime de façon proportionnée.