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Tunis, Tunisie , 

Seule la version prononcée fera foi

 

Excellences, Mesdames, Messieurs, chers collègues,

 

C’est avec un immense plaisir que je vous rencontre à l’occasion du lancement de deux programmes conjoints de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. Ces deux projets, présentés officiellement aujourd’hui, interviennent dans des domaines de réforme cruciaux pour la Tunisie, au cœur des attentes des citoyens, à savoir l’efficacité et l’accès à la justice et le soutien aux instances constitutionnelles et indépendantes, à même de protéger leurs droits.

 

Ce séminaire va nous offrir également la possibilité d’explorer, à travers deux tables rondes réunissant des participants de haut niveau, des questions d’actualité de grande importance pour la Tunisie.

Mesdames, Messieurs,

 

Le Conseil de l’Europe, qui fête cette année son 70ème anniversaire, « a été créé après la Deuxième Guerre Mondiale pour réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes de leur patrimoine commun et de favoriser le progrès économique et social en Europe » (statut). L’Organisation fédère ses 47 Etats membres autour de trois valeurs :

• Le respect et la promotion des droits de l’homme et de

• l’Etat de droit,

• ainsi que la bonne gouvernance démocratique.

  • Quelques 220 accords sur les normes de bases à respecter dans ces domaines – accords que nous appelons «conventions» - traduisent ces valeurs ambitieuses dans la vie quotidienne de citoyens de nos Etats membres.

L’Europe n’est pas isolée dans le monde, et elle ne veut pas l’être. C’est la raison pour laquelle plus de 150 de nos conventions sont ouvertes aux Etats non membres. Aussi, inspirés par ce qu’on appelle « le printemps arabe », nos Etats membres ont décidé de se rapprocher de nos voisins du Sud de la Méditerranée, par le dialogue, ce qui s’est traduit dans la politique du Conseil de l'Europe à l'égard des régions voisines.

Cette politique a pour but de :

• faciliter la transition politique démocratique ;

• contribuer à promouvoir une bonne gouvernance démocratique ; et de

• renforcer et élargir l’action régionale du Conseil de l'Europe dans la lutte contre des menaces transfrontalières et mondiales.

Elle s'appuie sur deux piliers :

• Un dialogue pour la coopération de voisinage qui offre un cadre au dialogue politique au plus haut niveau. Il permet un échange de vues sur les sujets d'intérêt commun, et il a été particulièrement intensif avec la Tunisie.

 

• Des priorités de coopération avec le voisinage, qui reflètent un accord formel sur des priorités spécifiques avec des pays de la région qui, en Tunisie a pris la forme de documents cadre de coopération entérinés au plus haut niveau. Cette coopération répond strictement à des intérêts exprimés clairement et à des engagements concrets de la part des pays partenaires et elle est développée en conformité avec les valeurs et les normes du Conseil de l’Europe.

Depuis le début de la coopération avec la Tunisie, nous avons franchi ensemble des pas très importants. Le soutien de la Commission de Venise à la rédaction de la Constitution de la Tunisie de 2014 a été fondamental pour consacrer droits et libertés fondamentales et pour définir un nouveau paysage institutionnel permettant de les promouvoir et de les protéger.

Pour faciliter sa mise en place le Conseil de l’Europe a pu offrir son expertise sur de nombreux projets de lois dans le domaine des droits fondamentaux, lois adoptées par l’Assemblée des représentants du peuple. Pour ne citer que quelques exemples:

• la loi organique instituant l'Autorité des droits de l'homme (prévue dans la Constitution de 2014) en 2018 ;

• la loi organique sur l'élimination de la violence contre les femmes, en 2017, s’inspirant des dispositions de la Convention relative à la lutte contre la violence à l'égard des femmes (Convention d’Istanbul), qui me tient particulièrement à cœur ;

• la base juridique qui permettra d’instituer l'Instance de la Bonne Gouvernance et de la Lutte Contre la Corruption (IBOGLUCC), adoptée par l'ARP en août 2018, et qui constitue un progrès important dans la politique anticorruption en Tunisie. Le processus en cours d’adhésion au Groupe d’Etats de Lutte contre la corruption (GRECO) s’inscrit dans cette même logique et ferait de la Tunisie le premier pays arabe partie de cet accord.

Ce travail se poursuit. A titre d’exemple, la Commission de Venise examinera ce mois-ci l’avis sur le projet de loi sur la nouvelle instance du développement durable.

Le partenariat entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne en Tunisie, mais surtout les efforts indéniables et soutenus des partenaires tunisiens pour mettre effectivement en place le paysage constitutionnel amorcé par la Constitution de 2014, ont résulté dans l’adhésion de la Tunisie à plusieurs conventions du Conseil de l’Europe, comme par exemple :

• la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel et son Protocole additionnel concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données, suivie le 24 mai 2019 par la ratification de la Convention modernisée pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (Convention 108+).

• Suite à sa demande, la Tunisie a été invitée par le Comité des ministres à adhérer aux Conventions de Lanzarote sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels, la Convention de Budapest contre la cybercriminalité ainsi qu’à celle sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique et, pour terminer, à la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains.

Vous voyez là des exemples très concrets de cette « traduction des valeurs dans la vie quotidienne » dont j’ai parlé, et l’impact positif sur les citoyens.

Notre coopération se joue sur un pied d’égalité et dans le plus grand respect mutuel. C’est ainsi qu’en 2018 la Tunisie a été élue vice-présidente du réseau de coopération du Groupe Pompidou sur les drogues et l'abus de drogues dans la région méditerranéenne (MedNET) et dont elle assumera la présidence en décembre 2019.

De manière générale, les contacts entre le Conseil de l’Europe et la Tunisie se sont accélérés et diversifiés. Diverses entités du Conseil de l’Europe coopèrent régulièrement avec différentes instances tunisiennes. Outre la Commission de Venise qui est devenue un partenaire indéniable des réformes en Tunisie, la Tunisie détient le statut d’observateur auprès de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) et l'Assemblée des Représentants du Peuple participe régulièrement aux sessions de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Plus récemment, en mai 2019, la Tunisie a demandé le statut de partenaire pour la démocratie locale.

Le Conseil de l’Europe a également fourni un appui ciblé à de nombreuses instances tunisiennes, que nous avons le plaisir d’accueillir ici aujourd’hui, notamment en ce qui concerne le renforcement de leurs capacités, et je souhaite chaleureusement la bienvenue aux représentants de : l’Instance nationale de prévention de la torture (en tant que mécanisme national de prévention de la torture), l’Instance de lutte contre la corruption, l’Instance de régulation de la communication audiovisuelle, l'Instance nationale de lutte contre la traite des personnes, l’Instance nationale de protection des données, et l’instance nationale d’accès à l’information.

Une dimension de notre coopération qui me semble particulièrement constructive est la participation des experts tunisiens dans les Comités directeurs intergouvernementaux du Conseil de l’Europe dans les secteurs dans lesquels nous travaillons ensemble. Ceci nous permet conjointement d’identifier les thèmes porteurs dans les domaines des droits de l’homme, de l’état de droit et de la bonne gouvernance, et de développer les réponses ensemble. Les grandes menaces à nos sociétés démocratiques ne connaissant pas de frontières, il faut que nos réponses les surmontent aussi.

Mesdames, Messieurs,

 

Les progrès de la Tunisie pour mettre en place les bases et consolider la démocratie sont indéniables ; ils constituent un exemple et un espoir pour la région.

Toutefois, les chantiers restent nombreux, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre effective du cadre juridique, d'où l'importance de poursuivre les efforts conjoints visant à construire une démocratie durable.

Soutenus par notre partenariat tripartite (UE/ Tunisie/ CdE)… et forts de l’expertise du Conseil de l’Europe, les deux nouveaux projets conjoints permettront de compléter les cadres législatifs et règlementaires des instances afin de permettre le plein exercice de leurs attributions en toute indépendance. Nous nous devons également de les accompagner pour assurer leur visibilité, la compréhension de leur rôle par les médias et par le public sur l’ensemble du territoire afin d’en faire des instances vraiment efficaces.

Nos efforts s’attèleront également à promouvoir l’indépendance et l’impartialité du pouvoir juridictionnel, l’amélioration et l’efficacité de la justice. L’accès à la justice par les justiciables est au cœur du nouveau projet, y compris avec le concours de la société civile et par le biais du renforcement des capacités de l’ensemble des auxiliaires et professionnels de la justice.

Les échanges ouverts nous permettront aujourd’hui de cerner davantage les problématiques que nous devrons affronter conjointement. Mais je reste convaincue que la volonté d’avancer sur la voie de la démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme, soutenue par un partenariat tripartite qui a fait ses preuves, est la clé de notre succès conjoint.