Retour Le Comité anti-torture du Conseil de l'Europe exige que la Bulgarie mette fin aux mauvais traitements physiques des patients psychiatriques et des résidents des foyers sociaux et cesse immédiatement la pratique honteuse des chaînes utilisées comme moyen de contention

Dans un rapport sur la Bulgarie publié aujourd'hui, le Comité anti-torture du Conseil de l'Europe (CPT) observe avec une vive préoccupation que les autorités bulgares n'ont pas réussi à prendre des mesures efficaces pour améliorer la situation dans les hôpitaux psychiatriques et les foyers sociaux à la lumière des recommandations formulées par le Comité à la suite de ses précédentes visites.
Le Comité anti-torture du Conseil de l'Europe exige que la Bulgarie mette fin aux mauvais traitements physiques des patients psychiatriques et des résidents des foyers sociaux et cesse immédiatement la pratique honteuse des chaînes utilisées comme moyen de contention

Le Comité anti-torture (CPT) du Conseil de l'Europe a publié aujourd'hui le rapport sur sa visite ad hoc en Bulgarie, qui s'est déroulée du 10 au 21 août 2020. Le rapport a été rendu public dans le cadre de la procédure de publication automatique mise en place par les autorités bulgares.

Dans le rapport, le CPT conclut que les patients des hôpitaux psychiatriques bulgares continuent d'être physiquement maltraités par le personnel (giflés, poussés, frappés à coups de poing, de pied et de bâton) malgré la recommandation du Comité, suite à sa visite de 2017, que les autorités bulgares prennent des mesures pour prévenir les mauvais traitements des patients par le personnel et pour retirer de l’enceinte de tous les hôpitaux psychiatriques tout objet non standard susceptible d'être utilisé pour infliger des mauvais traitements.

Le Comité note que les effectifs des hôpitaux psychiatriques continuent d'être largement insuffisants pour fournir de manière adéquate aux patients une gamme de traitements psychiatriques modernes qui soit proche de ce qui est nécessaire, ni pour assurer la sécurité des patients dans des services souvent très austères. De l'avis du CPT, l'absence de mesures visant à remédier à la pénurie persistante de personnel donne l'impression que, au sein du ministère de la Santé, les soins de santé mentale ne sont pas suffisamment valorisés.

Le Comité soulève un certain nombre de préoccupations graves concernant l'utilisation des moyens de contention dans les hôpitaux psychiatriques, notamment l'absence de son enregistrement exhaustif. La situation la plus inquiétante a été constatée à l'hôpital psychiatrique d'État de Tsarev Brod où, malgré la disponibilité de ceintures de contention rembourrées correctement conçues, les patients étaient presque exclusivement attachés à des lits avec des chaînes métalliques appliquées aux poignets et aux chevilles, sécurisées par des cadenas, souvent pendant plusieurs jours. Une telle pratique honteuse, bien connue du personnel médical, infirmier et autre, ainsi que de la direction de l'hôpital, est totalement inacceptable et pourrait facilement être considérée comme inhumaine et dégradante.

Tout comme lors de sa visite de 2017, le Comité note qu'un certain nombre de patients titulaires d’une capacité juridique qui ont signé des formulaires de consentement à l'hospitalisation et sont toujours considérés comme volontaires, ne consentent néanmoins pas vraiment à leur hospitalisation, déclarant qu'ils veulent partir mais ne sont souvent même pas autorisés à faire de l'exercice en plein air, et encore moins à quitter l'hôpital, étant ainsi détenus de facto. À titre d'exemple, un patient de l'hôpital de Tsarev Brod a décrit avoir reçu l'ordre de signer un consentement "volontaire" à l'hospitalisation, contre son gré, peu après son arrivée, alors qu'il était enchaîné et qu'il était sous l'emprise de médicaments, une situation qui, de l'avis du Comité, pourrait être considérée comme inhumaine et dégradante.

Le CPT conclut également que les mauvais traitements graves infligés aux résidents souffrant de troubles de l'apprentissage et de maladies mentales semblent endémiques dans le système d'aide sociale et il semble qu'aucun progrès n'ait été réalisé par les autorités bulgares pour prévenir ce phénomène depuis la dernière visite du CPT en 2017, à la suite de laquelle l'utilisation de bâtons, ainsi que d'autres mauvais traitements physiques, par le personnel des foyers sociaux a été portée à l'attention du Ministère du Travail et de la Politique sociale. Lors de la visite de 2020, une fois de plus, des bâtons correspondant aux descriptions données par les résidents ont été trouvés par la délégation dans les bureaux du personnel de tous les établissements visités.

Le Comité note avec regret que la pénurie chronique de personnel dans les établissements de soins sociaux n’a guère été réduite, voire pas du tout, et que les résidents semblent toujours avoir été de facto abandonnés par l'État, qui n'a manifestement fourni à ces personnes vulnérables ni contact humain, ni confort, ni soins, et pas non plus l’assistance dont elles ont besoin, ainsi que la dignité qu'elles méritent.

Le Comité note également que même si l'isolement et la contention restent illégaux dans les foyers sociaux bulgares en vertu du droit national, de telles pratiques restrictives ont été constatées, à des degrés divers, dans les trois établissements visités (ce qui est similaire aux conclusions du CPT en 2017). Le Comité est particulièrement préoccupé par les récits des résidents du foyer social pour personnes handicapées mentales de Kudelin, selon lesquels, il arrive qu’ils puissent être fixés sur des bancs dans l'enceinte, ou même sur un lit dans l'une des deux chambres d'isolement, au moyen de chaînes métalliques sécurisées par des cadenas. Comme dans le cas de la pratique similaire observée à l'hôpital psychiatrique d'État de Tsarev Brod, le CPT est d’avis que ceci est totalement inacceptable et pourrait être considéré comme inhumain et dégradant.

Le Comité conclut que la préservation des foyers sociaux existants en Bulgarie n'est pas une option viable et il soutient fermement le projet des autorités bulgares de fermer un certain nombre d’entre eux d'ici 2022, les autres par la suite et de développer des établissements de soins communautaires appropriés.

D’ici la fermeture de ces établissements, le CPT invite les autorités bulgares à prendre, sans plus attendre, des mesures concrètes et urgentes visant à préserver la dignité humaine de toutes les personnes placées dans les foyers sociaux.

02/12/2020
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