Retour Le Comité anti-torture du Conseil de l'Europe publie un rapport sur la Serbie

Le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l'Europe publie aujourd’hui le rapport relatif à sa visite de mai-juin 2015 en Serbie ainsi que la réponse des autorités serbes.

Le rapport met en lumière le fait qu’un nombre considérable d’allégations de mauvais traitements physiques infligés par des policiers à des personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction a été recueilli tout au long de la visite. Ces allégations consistaient pour l’essentiel en des gifles, des coups de poing et de matraques, un menottage prolongé dans des positions inconfortables mais également en des procédés pouvant s’apparenter à de la torture tels que le fait de recouvrir la tête des suspects d’un sac plastique afin de provoquer une impression d’étouffement ou de porter des coups à la plante des pieds à l’aide d’objets non réglementaires comme des lames de parquet en bois (procédé appelé la « falaka »). Des recommandations sont adressées aux autorités serbes afin qu’elles adoptent une approche à plusieurs volets permettant de mettre un terme aux mauvais traitements infligés par les policiers, comprenant la création d’un système de plainte efficace et indépendant contre les abus de la police. De plus, le rapport constate qu'aucun progrès n'a été réalisé en ce qui concerne la mise en œuvre concrète des garanties formelles contre les mauvais traitements, notamment le droit de notifier une tierce personne de sa situation et d’être assisté de manière adéquate par un avocat commis d’office.

Dans sa réponse, le ministère de la Justice récuse les allégations de mauvais traitements infligés par des policiers et décrit le fonctionnement d’un système de responsabilisation des forces de l’ordre en cas d’abus policiers. 

S’agissant des établissements pénitentiaires, la délégation du CPT a recueilli de nombreuses allégations de mauvais traitements physiques infligés aux détenus par le personnel pénitentiaire, y compris à l’établissement correctionnel pour mineurs de Valjevo. Ils consistaient essentiellement en des gifles, des coups de poing et de matraque. Par ailleurs, la violence et les intimidations entre détenus étaient fréquentes, notamment dans l’établissement pénitentiaire de Sremska Mitrovica ou à la prison du district de Pančevo. Plusieurs facteurs ont contribués à ce phénomène : un manque de personnel chronique, la consommation de drogues illicites, les mauvaises conditions matérielles et le manque d’activités. Le CPT formule une série de recommandations afin que ces problèmes soient résolus. Il recommande également que les détenus soient examinés par un médecin en toute confidentialité et que les blessures constatées soient correctement consignées.
 
Les conditions matérielles de détention constatées dans la plupart de prisons visitées étaient déplorables ; les conditions d’hygiène et le délabrement des infrastructures y étaient intolérables. La situation était exacerbée par un grave problème de surpopulation. Par exemple, à la prison du district de Pančevo, six détenus partageaient une cellule mesurant à peine 8 m². Selon le CPT, détenir des personnes dans les conditions constatées à l’hôpital et dans le bâtiment Odmaralište de l’établissement pénitentiaire de Sremska Mitrovica ainsi que dans les sections fermées de la prison du district de Pančevo pourraient s’apparenter à un traitement inhumain et dégradant. Les recommandations formulées appellent les autorités serbes à prendre immédiatement les mesures qui s’imposent pour remédier à cette situation en réduisant les taux d’occupation des établissements et en entreprenant des rénovations d’envergure dans les prisons visitées. Une fois de plus, le CPT a constaté que les prévenus ne bénéficiaient toujours pas d’activités motivantes et pouvaient rester 23 heures sur 24 enfermés dans leur cellule. Le Comité a appelé les autorités serbes à proposer des activités hors cellule aux prévenus et à leur offrir la possibilité de se dépenser physiquement en plein air au moins deux heures par jour. Il est également recommandé que les effectifs en personnel médical soient renforcés, notamment à l’établissement pénitentiaire de Sremska Mitrovica, que les soins psychiatriques soient améliorés et que le placement et traitement des détenus, y compris des mineurs, faisant l’objet d’une surveillance renforcée soient reconsidéré.

La réponse du ministère de la Justice indique que des mesures ont été adoptées pour lutter contre la surpopulation carcérale, rénover et assainir les sections appropriées des établissements pénitentiaires visités, planifier la construction de nouvelles prisons, améliorer les possibilités de formation du personnel pénitentiaire, augmenter les effectifs en personnel médical et acheter les équipements médicaux, conformément aux recommandations formulées par le CPT.

En ce qui concerne les établissements psychiatriques, la délégation du CPT a constaté que l’attitude du  personnel à l’hôpital psychiatrique spécial « Dr Slavoljub Bakalović » de Vršac était globalement bienveillante à l’égard des patients. Néanmoins, un certain nombre d’allégations de mauvais traitements– gifles et insultes verbales – infligés par le personnel avaient été recueillis. En outre, la violence entre patients constituait un véritable problème, lié pour l’essentiel au fait que les effectifs en personnel étaient insuffisants dans cet établissement. Le rapport critique également le manque d’approche individuelle des traitements des patients ; le Comité recommande aussi de limiter le recours aux moyens de contention mécanique ou à l’isolement des patients.

Le ministère de la Santé n’a pas encore fourni de réponses aux recommandations formulées par le CPT.

Le rapport est critique quant au traitement des pensionnaires du foyer social de Veternik. Un certain nombre d’allégations des mauvais traitements physiques – des gifles principalement – infligés par le personnel aux pensionnaires ont été recueillies et la violence entre pensionnaires était un phénomène fréquent et lié en partie au personnel en sous-effectif. Par ailleurs, le rapport décrit la situation où un groupe de pensionnaires faisant l’objet d’une contention mécanique et de placement à l’isolement pendant une durée prolongée. Il est également fait référence à l’utilisation généralisée de médicaments psychotropes sur des pensionnaires qui ne souffraient pas de troubles mentaux ;  le CPT recommande qu’un organisme externe indépendant réalise une étude sur le recours à la contention chimique dans cet établissement. Le rapport décrit les mauvaises conditions matérielles ainsi que la surpopulation de certaines unités (notamment celles où des pensionnaires devaient partager leur lit) de même que la nécessité d’élargir l’éventail d’activités de physiothérapie et d’ergothérapie. Les garanties fondamentales entourant le placement des pensionnaires en foyer doivent également être renforcées.

Dans leur réponse, les autorités serbes font référence à un certain nombre de mesures prises pour pallier les problèmes soulevés dans les recommandations du CPT.

Les principales constatations que le CPT a faites se retrouvent dans le résumé du rapport (en anglais uniquement).
 
Le rapport de visite du CPT ainsi que la réponse du Gouvernement serbe sont disponibles, en anglais, sur le site internet du Comité : http://www.cpt.coe.int.

24/06/2016
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