Retour Débat sur « Le référendum régional, un outil démocratique : défis et risques »

34e Session
Débat sur « Le référendum régional, un outil démocratique : défis et risques »

Le référendum « Stuttgart 21 » tenu en 2011 en Allemagne, le référendum de 2014 en Écosse, le référendum britannique de 2016 sur l’appartenance à l’UE, le très controversé « référendum » de 2017 en Catalogne et le référendum No – Billag de 2018 en Suisse sont autant de consultations organisées ces sept dernières années sur des thèmes tels que l’avenir du chemin de fer, l’indépendance ou la suppression des redevances audiovisuelles.  

Le débat de la Chambre des régions tenu le 28 mars 2018 sur « Le référendum régional, un outil démocratique : défis et risques » a permis l’expression de positions fortes et diverses sur ces questions de la part de pays très différents réunis au sein du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe.

Un acteur clé des discussions menées actuellement partout en Europe au sujet des référendums est la « Commission de Venise » du Conseil de l’Europe. Simona Granata-Menghini, Secrétaire adjointe de la « Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) du Conseil de l’Europe » a exposé de manière claire et détaillée l’attitude de son institution vis-à-vis des référendums tenus en Europe, ce qu’elle exige et attend et le type de cadres juridiques et politiques devant être mis en œuvre : « Il y a aussi certaines règles spécifiques relatives aux référendums qui portent principalement sur la liberté de vote, et plus précisément sur la libre formation de la volonté de l’électeur. Les plus importantes de ces règles sont les suivantes :

- l’unité de la matière – il doit exister un rapport intrinsèque entre les différentes parties de chaque question soumise au vote (sauf lors de la révision totale d’une constitution) ;

- les autorités publiques doivent être neutres – bien que cette exigence ne soit pas aussi stricte que dans le cas d’élections, les autorités publiques doivent se garder d’influencer le résultat du vote par une propagande excessive et unilatérale. L’usage de fonds publics par les autorités à des fins de propagande doit être interdit ;

- les autorités doivent fournir une information objective ;

- la question soumise au vote doit être claire ; elle ne doit pas induire en erreur ; elle ne doit pas suggérer une réponse ; l’électeur doit être informé des effets du référendum ; les participants ne doivent pouvoir répondre aux questions posées que par oui, non ou un vote blanc.

Les lignes directrices de la Commission de Venise précisent que l’effet du référendum (décisionnel ou consultatif) doit être défini clairement dans la Constitution ou la loi. Toutefois, le principe qu’il me semble le plus important de souligner ici est peut-être celui-ci : la prééminence du droit implique que « le recours au référendum doit respecter l’ensemble de l’ordre juridique, et notamment les règles de procédure ». »

Mme Granata-Menghini porte un regard critique sur le fait que, dans certains pays, le référendum est utilisé pour combattre des opposants politiques : « les référendums destinés à rétablir la légitimité d’un président sont très dangereux ». Elle a conclu son intervention par ce rappel vigoureux : « la Commission de Venise est l’organe consultatif incontournable pour tous les référendums prévus et organisés en Europe ! »

Marthe Fatin-Rouge Stafanini, directrice de recherche du CNRS à l’université d’Aix-Marseille (France), a présenté dans son intervention en tant qu’experte les différents rôles que les référendums pourraient et devraient jouer. Se fondant sur ses recherches, elle a conseillé de définir un cadre juridique pour la tenue de tout référendum. Un dialogue doit ensuite être engagé afin d’établir la finalité du référendum et il est essentiel de formuler la question de telle manière que chacun puisse comprendre l’intention visée par le référendum. Elle a souligné l’extrême diversité qui existe entre, d’une part, les référendums d’Ouzbékistan ou (très prochainement) du département français de Nouvelle-Calédonie et d’autre part, par exemple, les « refs » d’Espagne ou du Portugal sur des questions environnementales. « En Espagne, un référendum régional est impossible même s’il est exigé par des institutions régionales, car il ne serait pas conforme à la Constitution espagnole. Seul le pouvoir central peut décider de la tenue d’un référendum ». En conclusion de son intervention, elle s’est déclarée convaincue que « le référendum ne peut être qu’un outil complémentaire, et en aucun cas se substituer aux procédures de décision démocratique des parlements nationaux ».

L’expert Stefano Bonaccini, Président de la région italienne d’Émilie-Romagne et Président du Conseil des communes et régions d’Europe, a présenté un exemple très actuel. Dans sa région, a-t-il expliqué, un référendum a été organisé « en vue de décider si sept collectivités devaient et pouvaient passer de la région d’Émilie-Romagne à une région voisine ». La population de ces sept collectivités avait le sentiment qu’elle appartenait bien plus à cette autre région et qu’il valait mieux pour elle la rejoindre que de rester en Émilie-Romagne. Pour permettre ce changement, a indiqué M. Bonaccini, il s’est impliqué activement dans les discussions – ce qu’il a appelé le dialogue – entre le pouvoir national à Rome et la région, qui ont abouti finalement à une modification de la Constitution italienne introduisant de nouvelles règles et procédures sur ce nouvel outil de décision.

Si de nombreux délégués ont pu dans ces interventions un modèle de référendum acceptable, il en a immédiatement été autrement lorsque la Chambre s’est intéressée aux référendums sur l’indépendance de l’Écosse et de la Catalogne. Si de nombreux délégués espagnols ont indiqué très clairement que le « prétendu » référendum catalan avait été illégal, contraire à la Constitution et assurément « non conforme à l’État de droit », la réponse de Christina McKelvie, membre du Parlement écossais pour le Parti national écossais, a été très différente. « Les Catalans ont demandé dix-sept fois la tenue d’un référendum », a-t-elle déclaré, « et ne l’ont jamais obtenue ». Au final, ils devaient réagir. Pour bien comprendre cette intervention, il peut être utile de savoir que les partisans de l’indépendance de l’Écosse et de la Catalogne sont étroitement liés, la Catalogne voyant dans l’« Indy Ref1 » écossais un modèle de la manière dont un État-nation et un parlement régional doivent se parler et, au terme de ce dialogue, décider de la finalité d’un référendum et de « la question à poser ».

Mme McKelvie a affirmé très clairement que même alors un résultat « net » du référendum n’était pas un gage d’unité : « ces quatre dernières années, la situation du Royaume-Uni a modifié le résultat du référendum écossais sur l’indépendance. On nous avait dit de voter NON (c’est-à-dire en faveur du maintien dans le Royaume-Uni) afin de rester dans l’UE, pour nous voir finalement, après le référendum britannique sur l’UE, exclus de l’Union européenne contre notre volonté ». L’Écosse a majoritairement voté pour le maintien dans le Royaume-Uni, mais a aussi voté à 62 % pour le maintien dans l’UE, tandis que le Royaume-Uni dans son ensemble a voté pour le départ de l’UE.

Les « délégués jeunes de la 34e Session du Congrès » ont insufflé des idées nouvelles et très stimulantes dans ce débat animé et aux positions affirmées. Isabelle Schneider, étudiante et stagiaire à la représentation suisse auprès du Conseil de l’Europe, a insisté sur l’utilité des référendums pour résoudre les « confrontations » politiques, pour impliquer les citoyens et les laisser décider de questions politiques et/ou locales et régionales. « Dans mon canton, nous avons eu près de 52 référendums ces dernières décennies. Tous portaient soit sur des questions nationales, soit sur des questions locales/régionales et ont permis aux gens « ordinaires » de décider et de faire entendre leur voix », a-t-elle déclaré. Le modèle suisse de démocratie directe, a-t-elle affirmé devant l’hémicycle, est peut-être le seul moyen d’associer les citoyens aux processus politiques et de leur permettre d’être entendus. D’autres délégués jeunes, comme l’étudiant en droit portugais Joao Ferreira, l’étudiant allemand de l’université de Mannheim Weihua Wang ou l’Autrichien Johannes Hasselsteiner, travaillant pour l’organisation « Développement régional et participation citoyenne », ont appelé à trouver de nouvelles solutions pour élargir – et rajeunir – la participation aux futurs référendums. S’ils ont unanimement considéré que le référendum était un bon outil pour décider de questions nationales ou locales/régionales, ils souhaitent aussi voir de nouveaux modes de participation, notamment au moyen d’internet. De nouvelles plateformes en ligne doivent proposer des informations de base impartiales sur les questions et les discussions relatives aux décisions à prendre. « Une information de meilleure qualité est nécessaire », a déclaré Johannes Hasselsteiner, demandant aux délégués de commencer à concevoir de nouveaux outils donnant « accès à des informations impartiales, afin d’éviter que des informations mensongères (fake news) ne menacent la démocratie ».

La déclaration finale, du délégué britannique Andrew Dawson, conseiller de Cheshire West-and-Chester, a apporté une conclusion à un débat animé, disputé mais toujours respectueux sur le thème « Le référendum régional, un outil démocratique : défis et risques » : « Certes, le risque d’une mauvaise réponse existe, mais plus les gens prennent conscience que les décisions sont réelles et ont des conséquences, plus il y a de chances qu’ils votent ».  

 

** 34e session du Congrès **
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Strasbourg, France 28 mars 2018
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