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Discours
Discours au 4e Sommet du Conseil de l'Europe

Allocution de la Commissaire aux droits de l'homme, Dunja Mijatović, au 4e Sommet du Conseil de l'Europe à Reykjavik, Islande

Mesdames et Messieurs,

La guerre menée par la Russie contre l'Ukraine est la négation de toutes les valeurs que notre Organisation défend. C’est aussi le tragique épilogue d’années de mépris pour les normes des droits humains, et un exemple édifiant de ce qui peut arriver lorsqu’un État bafoue le droit international et les règles communes établies pour garantir la paix à l’échelle internationale.

Notre Organisation doit continuer à œuvrer pour que les victimes obtiennent justice et pour que les responsables des terribles souffrances et des destructions causées par la guerre répondent de leurs actes.

En mars, j’ai effectué ma deuxième visite en Ukraine depuis l'invasion massive du pays par la Russie. Cette visite a porté principalement sur les droits humains des enfants séparés de leurs familles ou de leurs tuteurs légaux et transférés vers la Russie ou vers les territoires ukrainiens temporairement occupés.

Dans les observations que j’ai formulées après cette visite, j’ai demandé un accès sans entrave aux dossiers et aux informations concernant tous ces enfants ukrainiens. J’ai aussi appelé à agir d’urgence et à coopérer au niveau international pour que ces enfants puissent être réunis avec leurs familles.

Il est impératif de trouver des solutions concrètes pour réunir ces enfants et leurs familles. Cela consiste notamment :

- à établir un mécanisme permettant aux enfants ukrainiens de retourner dans leurs familles ou auprès de leurs tuteurs, et à doter ce mécanisme des ressources nécessaires ;

- à clarifier les entités et les procédures par lesquelles les parents, les proches, les tuteurs et les enfants peuvent solliciter de l'aide pour le regroupement familial.

Nous ne devons ménager aucun effort pour avancer sur cette question douloureuse et cruciale.

L’accent mis sur le soutien à l’Ukraine est à la fois juste et nécessaire, mais nous devons veiller à ce qu’il ne se traduise pas, y compris par inadvertance, par une perte d’intérêt pour le respect des droits humains dans tous nos États membres. Nous devons continuer à lutter contre le recul des droits humains et contre l’érosion des principes de la démocratie et de l’État de droit.

On ne saurait trop insister sur le rôle central que joue le système de la Convention dans cette lutte. L'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme doit être plus systématique et plus rapide. L’institution du Commissaire aux droits de l'homme, qui fait aussi partie du système de la Convention, agit constamment en ce sens. Mon bureau continuera à promouvoir des mesures visant à remédier aux insuffisances et à prévenir les violations.

À cet égard, il y a beaucoup à faire : déjouer les tentatives destinées à fragiliser l’indépendance et l’impartialité de la justice ; assurer la sécurité des journalistes ; faciliter l’expression pacifique des opinions, y compris lors de manifestations ; traiter les effets du changement climatique et de la dégradation de l’environnement sur les droits humains ; contrer les mouvements anti-genre ; promouvoir l’égalité de genre et protéger les droits des personnes LGBTI, des personnes handicapées et des groupes minoritaires ; et renforcer les droits économiques et sociaux. Enfin, il importe au plus haut point de gérer les flux migratoires dans le plein respect des droits humains. En la matière, il est à espérer que la réponse généreuse légitimement apportée aux Ukrainiens fuyant la guerre fasse changer de regard sur cette tâche, qui devrait être considérée comme juste plutôt qu’insurmontable.

Certaines autorités ont proposé ou adopté des lois qui violent les normes établies en matière de droits humains et les principes fondamentaux de la dignité humaine.

C'est une voie très dangereuse. En effet, si l’on retire les pierres angulaires de l’édifice du droit international des droits humains, d’autres éléments risquent de tomber, jusqu’à ce que toute la construction s’effondre. Les responsables politiques doivent se montrer plus clairvoyants et plus courageux. En outre, il est nécessaire de renforcer les mesures de recherche et de sauvetage. La perte de vies humaines en mer est une tragédie qui peut et doit être évitée.

Dans le cadre du traitement de toutes ces questions, les États membres devraient soutenir et protéger la société civile, les défenseurs des droits humains et les institutions nationales des droits humains, qui sont des partenaires essentiels pour assurer l'efficacité à long terme de notre système de protection des droits humains. Dans ce contexte, les journalistes et les défenseurs des droits humains du Bélarus et de la Fédération de Russie ne doivent pas être oubliés.

Notre continent a un besoin urgent de davantage de droits humains, et non de moins. Le Conseil de l'Europe doit rester le gardien des droits humains, de la démocratie et de l'État de droit. Les États devraient mieux mobiliser la force de la jeunesse, dont le droit à la participation permet non seulement de prendre des décisions meilleures et plus efficaces, mais aussi d’enrichir la démocratie et de développer des compétences citoyennes pour la vie.

Le rôle du Conseil de l'Europe est aussi crucial pour l'avenir de l'Europe qu'il l'était lors de sa création, il y a plus de 70 ans. Les États membres doivent rester attachés à ses principes fondateurs et à ses valeurs. Les mettre en en pratique n'est pas seulement une obligation juridique. C'est aussi le seul moyen de poursuivre les objectifs du Conseil de l'Europe.

Reykjavik 17/05/2023
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