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Déclaration
Les violations des droits de l’homme au Bélarus doivent cesser immédiatement

Plus d’un mois après le début des manifestations de masse qui ont suivi l’élection présidentielle au Bélarus, la situation des droits de l’homme dans le pays reste extrêmement inquiétante. Des milliers de manifestants pacifiques ont été arrêtés et plusieurs personnes sont portées disparues. Pourtant, les manifestations non violentes se poursuivent dans tout le pays. Les femmes se sont faites les porte-voix de la protestation dans leur pays et sont une source d’inspiration pour beaucoup de par le monde. Souvent portant des fleurs, elles sont devenues un symbole de la nature pacifique des manifestations ; elles se réunissent toutes les semaines pour défiler malgré la violence des forces de l’ordre, qui cherchent à mettre fin à leurs manifestations en les dispersant et en les arrêtant. Samedi dernier, à Minsk, des centaines de manifestantes ont été arrêtées arbitrairement et détenues par les forces de l’ordre, qui les ont relâchées après avoir relevé leurs empreintes digitales et les avoir prises en photo.

Si le Bélarus n’est pas un État membre du Conseil de l’Europe[1] , il n’en est pas moins tenu par des obligations au regard du droit international des droits de l’homme ; et, à ce titre, porte l’entière responsabilité des atteintes aux droits de l’homme perpétrées, en particulier lorsqu’elles sont systématiques et de grande ampleur. L’interdiction de la torture et des mauvais traitements est un impératif absolu, qui produit des obligations précises à l’égard de tous les États, y compris du Bélarus. 

De nombreuses sources – défenseurs des droits de l’homme, dossiers médicaux, déclarations de témoins, etc. – indiquent hélas que les forces de l’ordre bélarussiennes ont infligé des mauvais traitements systématiques et délibérés à des centaines de personnes pendant leur détention, détention qui se fait parfois au secret ou n’est pas reconnue. Dans de nombreux cas, il a été signalé que ces mauvais traitements sont d’une telle gravité qu’ils pourraient être assimilés à diverses formes de torture. Il a ainsi été fait état de coups entraînant des fractures osseuses, de chocs électriques, de violences sexuelles et de viols. Les journalistes, les militants de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme sont empêchés de faire leur travail ; ils sont souvent la cible d’agressions physiques, d’arrestations et de placements en détention arbitraires et d’un harcèlement judiciaire de la part des autorités. Leur espace légitime d’action civique a aussi fait l’objet de restrictions, notamment avec le blocage d’internet.

Cela doit cesser immédiatement. En vertu du droit international des droits de l’homme, le Bélarus est tenu de mener sans tarder une enquête transparente et indépendante sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitement et d’en punir les responsables, même s’ils ont agi dans le cadre de leurs fonctions. Toutes les victimes d’atteintes graves aux droits de l’homme doivent avoir accès à des voies de recours effectives et à la justice. Cette obligation est due non seulement aux victimes et à leurs proches, mais à la société dans son ensemble, car il ne saurait y avoir de paix sans justice et sans respect véritable des droits de l’homme. 

En vertu des Principes fondamentaux et directives des Nations unies concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire (2005), les victimes doivent être réhabilitées. Pour ce que cette réhabilitation soit effective, elle doit prendre en compte les besoins spécifiques des victimes et traiter les aspects médicaux, psychologiques, sociaux, éducatifs et autres qui s’imposent selon les cas. Certaines victimes ont fui le Bélarus pour des pays membres du Conseil de l’Europe et d’autres pourraient les suivre si la situation des droits de l’homme ne s’améliore pas rapidement. C’est pourquoi j’appelle les États membres du Conseil de l’Europe à venir en aide aux victimes de torture et à toutes les personnes bélarussiennes qui viennent chercher protection sur leur territoire.

De plus, il est capital d’agir immédiatement pour prévenir de nouvelles violations des droits de l’homme, en particulier dans les lieux de détention. La société civile peut jouer un rôle clé à cet égard, en particulier en assurant un suivi de la situation dans les centres de détention et en apportant une assistance juridique aux détenus. J’ai appris avec grande inquiétude que des avocats et des défenseurs des droits de l’homme ont des difficultés à rencontrer les personnes privées de liberté dans de nombreux centres de détention du pays et que les autorités ont refusé, à de nombreuses occasions, de communiquer des informations sur les détenus. J’appelle les États membres du Conseil de l’Europe à continuer de faire preuve de solidarité avec la société civile, les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme au Bélarus et à les soutenir dans leurs efforts pour observer la situation des droits de l’homme dans le pays et en rendre compte. Ils doivent pouvoir faire ce travail essentiel en toute sécurité, sans crainte, et sans représailles. J’encourage le Bélarus à adhérer à la Convention européenne pour la prévention de la torture, qui est ouverte aux États non-membres, car elle a établi un mécanisme de suivi fondé sur des inspections des lieux de détention, ce qui peut aider les États à se conformer pleinement aux normes européennes relatives aux droits de l’homme dans ce domaine.

Il incombe en premier lieu aux autorités bélarussiennes de faire cesser les graves violations des droits de l’homme commises sur leur territoire et à offrir réparation à toutes les victimes. Parallèlement, la communauté internationale, et notamment le Conseil de l’Europe, peut jouer un rôle important en coordonnant ses efforts pour s’assurer qu’il soit mis fin à ces violations et qu’elles ne restent pas impunies. Je me félicite de toutes les mesures prises récemment à cet égard au niveau européen et international et en particulier du fait que l’OSCE ait déclenché le mécanisme de Moscou pour le Bélarus.

Ces dernières semaines, le Conseil de l’Europe et ses États membres ont publiquement soutenu les appels pacifiques de la société bélarussienne en faveur de plus de démocratie et des droits de l’homme. Pour ma part, je tiens, en tant que Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à exprimer mon soutien et ma sympathie à tous les courageux défenseurs des droits de l’homme, journalistes et citoyens du Bélarus en ces temps difficiles. Je suis prête à offrir mes conseils et à coopérer avec les institutions européennes et internationales pour que nos valeurs communes en matière de droits de l’homme soient véritablement protégées partout en Europe, y compris au Bélarus.

 


[1] Le Conseil de l’Europe a pour objectif d’œuvrer au rapprochement avec le Bélarus et à son adhésion à l’Organisation, dans le respect de ses valeurs et principes. Le Bélarus coopère avec le Conseil de l’Europe dans plusieurs domaines, notamment dans le cadre du Plan d’action 2019-2021 pour le Bélarus et de plusieurs conventions et accords partiels du Conseil de l’Europe, dans le but d’harmoniser progressivement sa législation et ses pratiques avec les normes européennes, afin de renforcer l’État de droit et de promouvoir les droits de l’homme et les principes démocratiques de gouvernance. Diverses institutions du Conseil de l’Europe, dont le Bureau de la Commissaire, ont aussi coopéré avec la société civile bélarussienne ces dernières années, sur différentes questions relatives aux droits de l’homme.

Strasbourg 21/09/2020
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