Actualités 2019

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Déclaration
Renforcer la lutte contre l'apatridie

L’apatridie est la cause profonde d’innombrables violations des droits de l'homme. Malheureusement, elle reste répandue en Europe aujourd’hui puisque 600 000 personnes au moins n’ont pas de nationalité ou ne disposent pas des documents d’identité qui permettent de bénéficier des avantages d’une nationalité.

Or, si vous n’avez pas de nationalité, vous n’avez pratiquement aucun droit. En effet, les personnes apatrides sont souvent privées d’accès à l’éducation, à l’emploi, aux prestations sociales et aux soins ; elles ne peuvent pas voter ni participer à la vie politique et il leur est très difficile d’avoir accès à la justice. Les personnes apatrides sont aussi particulièrement vulnérables à toute une série d’abus et de violations des droits de l'homme, qui vont de la détention de durée illimitée à l’exploitation par le travail et à l’exploitation sexuelle.

L’apatridie a des causes variées : par exemple, des questions non réglées dans le cadre de la succession d’États, des conflits de lois sur la nationalité, l’absence d’enregistrement à la naissance et des lois et pratiques discriminatoires qui empêchent de grands groupes de personnes de jouir du droit à une nationalité.

L’apatridie en Europe présente donc de multiples facettes. Parmi les personnes apatrides figurent des enfants réfugiés arrivés récemment, qui sont nés au cours du voyage de leurs parents vers l’Europe et n’ont pas été déclarés à la naissance ou qui ne peuvent pas obtenir de nationalité à cause de lois sur la nationalité qui sont en conflit ou discriminatoires. Toutefois, l’apatridie touche aussi des personnes qui vivent dans le même pays depuis des dizaines d’années et y sont même nées. C’est le cas des membres de certains groupes minoritaires discriminés, comme les Roms, qui, dans certains pays, « héritent » de l’apatridie de leurs parents et ont de grandes difficultés à obtenir la nationalité du pays où ils vivent.

Malgré l’ampleur du problème, plusieurs États membres du Conseil de l'Europe n’ont toujours pas ratifié les instruments des Nations Unies et du Conseil de l'Europe relatifs à l’apatridie et à la nationalité : la Convention de l’ONU relative au statut des apatrides (1954) ; la Convention de l’ONU sur la réduction des cas d’apatridie (1961) ; la Convention européenne sur la nationalité (1997) ; et la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention des cas d’apatridie en relation avec la succession d’États (2006)[1].

Mon bureau, qui a beaucoup travaillé sur les moyens de traiter cette grave question liée aux droits de l'homme, accorde une attention particulière aux enfants apatrides. Il souligne la nécessité de briser le cercle vicieux de la perpétuation de l’apatridie en veillant à ce que tous les enfants puissent obtenir une nationalité dès la naissance.

Il soutient aussi la campagne destinée à éradiquer l’apatridie dans le monde (#Ibelong), qui a été lancée en 2014 par le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et doit s’étendre sur 10 ans.

La semaine prochaine, le 7 octobre, de nombreux représentants gouvernementaux se réuniront à Genève pour parler de la mise en œuvre de la campagne et s’engager à intensifier leurs efforts visant à résoudre ce problème.

À cette occasion, j’appelle les États membres du Conseil de l'Europe à adhérer sans réserves aux conventions pertinentes de l’ONU et du Conseil de l'Europe et à réaffirmer ainsi leur volonté d’éradiquer l’apatridie d’ici à 2024.

La ratification de ces instruments est un grand pas en avant mais elle ne suffit pas. Les États membres devraient aussi prendre des mesures concrètes pour traiter les situations d’apatridie actuelles et pour éviter la perpétuation de l’apatridie. Ces mesures devraient notamment consister à établir des procédures de détermination du statut d’apatride, à garantir un enregistrement universel à la naissance, à faciliter les procédures de naturalisation pour les personnes apatrides et à éliminer tous les obstacles juridiques et administratifs injustifiés qui empêchent la délivrance de documents d’identité. Il importe aussi de veiller à ce que tous les enfants aient accès à une nationalité dès la naissance.

L’éradication de l’apatridie d’ici à 2024 est un objectif ambitieux mais réaliste. Les initiatives prises ces dernières années par plusieurs États membres montrent en effet que, en présence d’une réelle volonté politique, il est possible d’améliorer considérablement la vie des personnes privées de nationalité.


[1] À la fin août 2019, 38 États membres du Conseil de l'Europe étaient parties à la Convention de l’ONU relative au statut des apatrides (1954) et 32 à la Convention de l’ONU sur la réduction des cas d’apatridie (1961). Concernant les instruments pertinents du Conseil de l'Europe, 21 États membres avaient ratifié la Convention européenne sur la nationalité (1997) et sept seulement la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention des cas d’apatridie en relation avec la succession d’États (2006).

Strasbourg 03/10/2019
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